La grande précocité du millésime 2011 confirmée

3 août 2011

Depuis le début des années 2000, les effets de l’évolution climatique sur le cycle végétatif de la vigne sont nettement perceptibles. Au cours de l’été 2003, la canicule avait fait mûrir les raisins de façon très rapide ; en 2005, le beau temps de début juin à septembre avait surpris bon nombre d’observateurs et en 2009, un climat sec avait malmené la récolte. 2011, c’est un tout autre scénario, un déficit hydrique permanent associé à des niveaux de températures exceptionnels depuis quatre mois. Le cycle végétatif de la vigne a tiré le meilleur profit de sommes de températures élevées et tout c’est accéléré. Ce millésime s’annonce très précoce et un début de vendanges entre le 28 août et le 10 septembre est à envisager très sérieusement. Il faut déjà penser à l’organisation des prochaines vendanges.

Les semaines se suivent et se ressemblent, le climat chaud et sec persiste et la vigne continue son cycle végétatif dans un contexte de sécheresse persistante. Les trois semaines d’avance constatées à la fin mai sont toujours là ! Un débourrement début avril suivi d’un climat exceptionnellement chaud et sec durant deux mois et tout s’est accéléré. Pratiquement pas 1 mm de pluie entre le 1er avril et le 30 mai dans l’ensemble de la région délimitée et des chaleurs surprenantes à une période de l’année alternant habituellement des séquences pluvieuses et fraîches à d’autres plus chaudes.

Les orages localisés de juin n’ont pas été suffisants

En 2011, le traditionnel climat atlantique de la région de Cognac a été remplacé par un contexte méditerranéen chaud et sec. La vigne qui réagit fort bien au cumul des températures a poussé vite et régulièrement. Les premières fleurs d’Ugni blanc observées à la mi-mai ont été bonifiées par deux semaines de beau temps. A priori le processus de fécondation des inflorescences s’est déroulé dans de bonnes conditions, même si deux générations de grappes sont présentes dans beaucoup de parcelles. Une floraison terminée le 30 mai, c’est du jamais vu dans la région de Cognac depuis de nombreuses années. Le climat des trois premières semaines de juin a été globalement beau, plus tempéré mais toujours sans pluies abondantes. Quelques séquences orageuses se sont produites de façon éparse dans la région délimitée, apportant un cumul de pluies de 15 à 60 mm selon les endroits. Dans les quelques endroits les mieux arrosés, la vigne a bien sûr beaucoup apprécié et les grappes ont grossi rapidement. Ailleurs, les parcelles semblent apparemment bien tenir le coup même si la croissance végétative est quasiment arrêtée depuis la mi-juin.

Une croissance végétative ralentie depuis la mi-juin

La croissance végétative des vignes a-t-elle déjà été affectée par le contexte de sécheresse prolongé depuis le début de l’année ? Jusqu’à la fin du mois de mai, le bon développement du cycle végétatif attestait que la très grande majorité du vignoble avait tiré le meilleur profit des deux mois de beau temps non-stop. La pousse a été active et continue en mai avec des niveaux d’allongements de rameaux cohérents par rapport aux stades végétatifs. Quelques viticulteurs et techniciens avaient tout de même déjà observé sur des îlots de terres légères réputés sensibles au stress hydrique un net ralentissement de la croissance des rameaux dès le 25 mai, au moment de la pleine floraison. Les suivis de phénologie réalisés par la FREDON de Cognac montrent que la croissance végétative a été forte jusqu’au 25 mai et que par la suite elle a diminué régulièrement pour s’arrêter vers la mi-juin.

un volume de feuillage moyen

D’une manière générale, le volume de feuillage dans les parcelles n’est pas très abondant et les entre-cœurs se développent peu après les écimages. L’arrêt de croissance est à la fois précoce en terme de date et cohérent vis-à-vis du stade végétatif en situation de sécheresse. La comparaison avec le cycle 2010 permet d’observer qu’un net ralentissement de la croissance des rameaux était intervenu début juillet, quand les grappes avaient atteint le stade végétatif équivalent (le stade petit pois). En 2011, la situation de déficit hydrique des sols est beaucoup plus préoccupante. Les parcelles enherbées ou remises en culture tardivement ont arrêté leur croissance précocement, des jaunissements de feuillage sont perceptibles depuis plusieurs semaines. L’insuffisance d’hygrométrie des sols durant le mois de juin a sûrement dû bloquer le processus de minéralisation. Les bactéries assurant la transformation de l’azote organique en azote minérale ont besoin de fraîcheur pour travailler et en 2011, leur activité est réduite. Cela a des conséquences à la fois sur la croissance des rameaux et l’alimentation des jeunes grappes.

Les effets de la sécheresse persistante vont-ils s’amplifier ?

Le processus de floraison s’est déroulé par beau temps mais deux générations de grappes étaient présentes sur les souches de beaucoup de parcelles, ce qui explique le décalage de stade entre les baies. Il se peut également que des excès thermiques aient un peu perturbé le processus de fécondation. Les ceps de vigne souffrant de trop de chaleur ont une réaction d’auto-défense en mettant leur activité physiologique en veille pendant les heures les plus chaudes de la journée. Ensuite, le début du mois de juin moins chaud a donné l’impression que la vigne perdait un peu de son avance, car les baies ne grossissaient pas de manière homogène sur les souches. Le nombre d’inflorescences/ha inférieur d’environ 10 % aux valeurs moyennes de la dernière décennie semble en partie compensé par la structure des grappes importantes. A partir de la mi-juin, un tri de baies peu ou plus important (selon l’état agronomique des parcelles) est intervenu mais le potentiel de production ne semble pas réellement fragilisé par ce phénomène. L’inquiétude du moment est bien sûr les effets de la sécheresse qui sont en train de s’amplifier.

Les chaleurs intenses des 26 et 27 juin (de l’ordre de 36 à 40 °C) ont grillé les premières baies de raisins ; un phénomène traduisant une rupture d’alimentation hydrique des grappes. Comme les prévisions météo annoncent fort peu de pluies jusqu’au 10 au 11 juillet, on peut craindre que les effets de la sécheresse se manifestent plus fortement sur de nombreuses parcelles.

Une insuffisance d’alimentation hydrique prolongée aura-t-elle des conséquences sur les volumes de production et le déroulement de la maturation ? En 2003 comme en 2005, bon nombre de parcelles avaient été littéralement bloquées par les effets de la canicule et leur rendement en jus avait chuté.

Véraison fin juillet et vendanges très précoces

2011 est un millésime très différent du fait de sa précocité mais la taille des baies est une des composantes du rendement des parcelles. Le climat des mois de juillet et d’août est en général chaud et sec, et c’est pendant cette période que la phase de maturation va se dérouler. L’impact du climat sur le contenu volumique et qualitatif sera fort en bien comme en mal. En moyenne, les précipitations à Cognac frôlent les 100 mm au cours de ces deux mois, ce qui n’est pas en mesure de compenser les déficits hydriques actuels. A quelle époque vont vérer les raisins d’Ugni blanc ? La réponse à cette question tient en deux mots : « très précocement ».

Les observations de la Station Viticole du BNIC sur le réseau maturité ont permis de quantifier précisément l’intervalle moyen entre la fin de la floraison et le tout début véraison : 50 jours. Les premières baies devraient changer de couleur à partir du 20 juillet et début août le processus de véraison dans l’aire délimitée sera bien enclenché sur les Ugni blancs. A cette même époque, les Sauvignon et les Chardonnay auront atteint un stade de maturation bien plus avancé puisque certains viticulteurs ne cachent pas que les MAV pourraient cueillir ces cépages à partir du 15 ou 20 août. 2011 risque d’être un millésime très précoce, sauf si les deux prochains mois sont d’une fraîcheur exceptionnelle. La récolte des Ugni blancs, si on se réfère à l’intervalle moyen entre le début véraison et le début des vendanges (de 46 jours), pourrait intervenir dans les tout premiers jours de septembre.

Il ne faut pas retenir cette date de façon formelle mais comme une simple indication, car l’intensité du soleil et des pluies d’août sont en mesure d’accélérer ou de retarder la maturation. En 2003, la très forte canicule d’août avait accéléré le processus de maturation qui n’avait demandé que 40 jours. A l’inverse en 2004, année tardive avec une arrière-saison très fraîche, la phase de maturation avait duré 51 jours.

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