La Faute à Personne

13 mars 2009

Gros déboire sur la récolte Vin Blanc Cognac 2007. C’est à une année de disette, d’aucuns disent « minable », que s’attend la région délimitée Cognac. Atteindra-t-on les 9 de pur à l’ha ? Rien n’est moins sûr. La fourchette de rendement moyen régional présentée comme la plus probable en cette fin de vendanges – autour du 10 octobre – oscille entre 8 et 8,5 hl AP/ha. Un viticulteur « de base » diagnostique chez lui « un mauvais rendement dans les vieilles vignes et une déception dans les plus jeunes ». « La totale » ironise un autre. « Entre le stress au débourrement et le stress à la maturité, nous avons vécu une année infernale. » Coulure, millerandage, flétrissement… à tous ces maux, sont venus s’adjoindre la sécheresse et le mildiou. Certes pas partout ni chez tout le monde avec la même intensité. Car l’une des caractéristiques de cette récolte est son extrême hétérogénéité, d’une petite région à l’autre, voire d’un viticulteur à l’autre. Le secteur des groies paraît particulièrement touché, notamment sur une ligne Fins Bois réputée, celle de Rouillac-Hiersac. La zone de Grande Champagne autour de Segonzac n’est pas gâtée non plus comme, en général, les situations de coteaux. S’en sortent mieux semble-t-il le Pays Bas, la vallée du Né, le secteur de Fontcouverte-Ecoyeux ou encore la « poche » de Saint-Bonnet-sur-Gironde. Là des rendements de 90-100 hl/ha ne sont pas rares. Partout cependant, il faut compter avec les situations individuelles. Cette année, la moindre erreur s’est payée « cash ». Tolérance zéro. Des viticulteurs connus pour très bien travailler et depuis longtemps ont commis un faux pas, qui leur a été fatal. D’autres, pas spécialement repérés comme de bons vignerons, ont profité « d’effets d’aubaine », pluie abondante, traitement bien positionné. Enfin des viticulteurs souvent à la traîne le seront encore plus cette année, sans solution de rattrapage. Certes, des producteurs feront « leur quota », c’est-à-dire les 10,62. Mais combien seront-ils à flirter avec les 40, 50, voire 30 hl/ha ? Consolation tout de même : sur des vignes très peu chargées, les degrés s’avèrent très honorables, 10 % vol., 11 % vol. Souvent, ces degrés élevés permettent de « limiter la casse » en assurant les 6 de pur/ha. Au sujet de la récolte, un regret persiste chez certains : que des départs de vendanges considérés comme prématurées – autour du 22-24 septembre – aient fait perdre des volumes d’alcool pur à la région. « On ne vend pas de l’acidité mais des hl d’AP. Trop de gens se sont basés sur l’apparence de degrés forts sans tenir compte de la véritable maturité. Il pourra en coûter entre 0,5 et 0,7 hl AP à la moitié de l’appellation. » Côté qualité, les premiers vins Cognac passés en laboratoire révèlent « des choses très aromatiques, nettes et droites, avec un côté citronné intéressant ».

Pour la région délimitée, le manque de récolte tombe au plus mauvais moment. Alors qu’une Chine en pleine expansion dope les ventes de Cognac (+ 71 % sur la destination en 2006-2007, chiffres arrêtés à fin août), que le Cognac bat des records d’expéditions, le taux de rotation du stock a atteint un niveau plancher quasi historique de 5,69 années. Et ce n’est pas le millésime 2007 qui le regonflera. La crainte d’un déséquilibre structurel offre/demande hante les esprits et, avec lui, le spectre des années 90 : hausse des prix, privilège aux marchés et aux qualités à forte valeur ajoutée, et, pour finir, chute des ventes. « Les ventes vont bien, les approvisionnements vont mal » diagnostiquait récemment le président de l’interprofession Jean-Pierre Lacarrière.

Côté viticulture, dominent déception et sentiment d’une occasion ratée : « Alors que nous pouvions vendre, nous n’avons pas la production en face. C’est l’opportunité de réaliser de la trésorerie qui part en fumée. » Une phrase revient comme une antienne : « c’est quand même malheureux d’avoir jeté de la récolte pendant dix ans pour en manquer aujourd’hui » ! Une voix unanime s’élève dans la région pour réclamer de manière urgente la mise en place d’une réserve de production, jugée aujourd’hui « complètement nécessaire ».

Côté négoce, la déception s’avère tout aussi grande. Pour la première fois depuis longtemps (depuis 1991 sans doute), le Cognac ne trouvera pas ses volumes, sans parler des jus de raisin, des vins de base voire du Pineau. Le Cognac est confronté à une situation inédite : devoir gérer la pénurie. Les plus exposés sont sans conteste les négociants « PME du Cognac », en tout cas ceux habitués à s’approvisionner sur le marché dit « libre ». Trouveront-ils de la marchandise et à quel prix ? En ce qui concerne le marché contractuel, on estime que « les viticulteurs vont faire tout leur possible pour servir au maximum leurs engagements contractuels, quitte à jouer sur la partie restant en stockage chez eux ». Le manque ne devrait pas être énorme. On l’apprécie aux alentours de 15 %, ce qui veut dire que 85 % du volume total des contrats serait abondé. Au sein des états-majors des maisons règne, semble-t-il, un climat assez pondéré. Ton ambiant : « les viticulteurs ne peuvent pas donner ce qu’ils n’ont pas récolté ». En présence d’exploitations dont la récolte serait « couverte » par plusieurs contrats, domine l’idée d’une certaine « politesse » entre acheteurs, reposant sur la notion de proportionnalité : baisse de volume appliquée au prorata de chacun des contrats. Les acheteurs ne veulent pas être lésés mais n’ont pas non plus l’intention de tirer toute la couverture à eux. Maintenant, quand sera-t-il sur le terrain dans les mois qui viennent ? D’aucuns craignent des pressions. Car des investissements ont été opérés, avec le souci de les rentabiliser. Par ailleurs, un négociant de la place tient un discours légèrement différent, Rémy Martin. Son attente ? « Dans la mesure du possible, que la partie contractuelle engagée de manière irrévocable depuis cette année et pour trois ans puisse être livrée et stockée. » Le négociant justifie sa position en évoquant le périmètre de sécurité Rémy Martin, le fait que la maison n’a jamais demandé l’exclusivité, sa politique d’achat non erratique. « En matière contractuelle, il faut toujours avoir à l’esprit l’historique et le futur à moyen terme ». Cette approche tranche un peu avec le discours volontiers rassembleur véhiculé par le négoce. « C’est le moment ou jamais de démontrer notre sang-froid et notre capacité à être solidaires. Un problème nouveau se présente à nous, que nous devons gérer ensemble. » Un chef de maison parle d’une région « qui doit reprendre son souffle ». La viticulture, quant à elle, ne s’exonère pas des mécomptes de l’année. Elle a tôt fait de livrer son autocritique et d’en tirer les enseignements. « Nous revenons peut-être à une situation normale. Depuis dix ans, la nature compensait les pieds manquants, les rangs arrachés, les tailles sévères. Ce n’était pas un problème. Les ceps restants réalisaient trois fois le rendement ! Là, tout est limite. Les vieilles vignes décrochent et les jeunes ne répondent plus aussi bien. Il va sans doute falloir… tailler plus long mais aussi replanter, remettre les vignes en super état. A condition d’avoir la trésorerie en face. C’est pour cela aussi que les prix doivent augmenter. »

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