la CARC mise sur les hommes et la technologie

23 février 2011

Dans l’univers de la distribution des agro-fournitures et de la collecte des céréales, beaucoup de coopératives et de négociants ont délibérément choisi d’atteindre une taille critique par le biais d’associations ou d’acquisitions. Un tel challenge ne correspond pas à la stratégie de la Coopérative agricole de la région de Cognac qui a choisi une autre voie : « Miser sur la performance des infrastructures et des hommes pour tisser des liens forts avec les agriculteurs et les viticulteurs. » Le conseil d’administration a adopté cette stratégie depuis plus de 15 ans et les résultats sont là : la CARC est aujourd’hui un acteur efficient sur sa zone d’activité. L’entreprise a construit son développement en ayant la volonté à la fois de miser sur l’implication de ses équipes et d’utiliser des infrastructures technologiques performantes. Le contexte général de l’exercice 2009-2010 défavorable n’a pas épargné la coopérative. Le chiffre d’affaires a enregistré un recul mais cela n’a pas pénalisé les marges de manœuvre nécessaires à son développement. Les recrutements de nouveaux collaborateurs et la réalisation d’investissements conséquents dans le stockage qui étaient programmés ont été menés à leur terme. Cela atteste de la volonté de la CARC de se donner les moyens d’être dans l’avenir un acteur dynamique dans les métiers de l’approvisionnement et de la collecte des céréales. Jean-Paul Auboin, le directeur de la CARC, considère comme indispensable que la coopérative mobilise son énergie sur deux axes prioritaires : la connaissance, le respect de la culture des aires de production et aussi une grande réactivité sur le plan commercial.

 

 

aubion_cacc.jpg« Le Paysan Vigneron » – Au cours de l’exercice 2009-2010, qu’elle a été l’activité de la coopérative ?

Jean-Paul Auboin – Cet exercice a été marqué par une collecte abondante et des conditions de commercialisation difficiles. La collecte de la coopérative a augmenté de 5 % en volume en raison de l’augmentation des surfaces en blé, de meilleurs rendements en orge et en maïs. D’une manière générale, nos adhérents ont fait de bonnes récoltes et cette progression des volumes a un peu atténué la très forte baisse des prix. La coopérative a enregistré un chiffre d’affaires en recul de 18 % au cours de cet exercice, lié à la fois aux baisses des cours des céréales et à des ventes appros impactées par un marché difficile.

« L.P.V. » – L’activité approvisionnement a-t-elle subi aussi les conséquences du marché céréalier très difficile ?

J.-P.A. – L’activité approvisionnement est dépendante de deux éléments, le niveau de parasitisme et les conditions de valorisation des céréales. Au cours du dernier exercice, il y a eu conjonction d’éléments qui ont conduit à un recul du chiffre d’affaires appros de 17 %. La climatologie sèche du printemps et de l’été a engendré une pression de parasitisme moindre en vigne et sur les céréales. Cela a permis aux viticulteurs et aux céréaliers de réduire les utilisations des intrants. Ensuite, la forte baisse du prix des engrais liée à une chute brutale de la demande mondiale explique aussi la diminution du chiffre d’affaires. Cette dernière catégorie de produits semble également être rentrée dans un cycle économique très fluctuant. Au niveau des équipements de palissage, la demande est restée ferme car des programmes de replantation plus importants sont engagés dans de nombreuses propriétés.

« L.P.V. » – Comment a évolué la nouvelle activité Ecovigne développée depuis plusieurs années par la coopérative ?

J.-P.A. – Cette activité constitue une satisfaction pour la coopérative puisque, depuis plusieurs années, elle ne cesse de se développer. Ecovigne a enregistré une nouvelle progression de chiffre d’affaires de 10 % et les perspectives sur l’exercice suivant sont encourageantes. Les lignes de produits concernant le palissage, l’œnologie, l’hygiène et le matériel de chai connaissent un net succès. Le magasin de Cognac attire de plus en plus de viticulteurs, ce qui confirme que le concept d’un magasin spécialisé dans ce type de fourniture est bon. L’offre de produit permet de répondre aux exigences actuelles de renouvellement du vignoble et d’agencement des chais.

« L.P.V. » – La commercialisation des céréales de la récolte 2009 s’est-elle déroulée en permanence dans un contexte défavorable ?

J.-P.A. – Effectivement, la commercialisation a été particulièrement délicate malgré des volumes de transactions normaux. De la collecte à la fin de la campagne, les cours se sont maintenus constamment à des niveaux bas pour les céréales à paille, le maïs et aussi les oléagineux. Les disponibilités de stocks importantes ont incité les acteurs financiers à investir sur les céréales à un prix bas et à attendre une éventuelle remontée des cours.

« L.P.V. » – Une situation de faible valorisation des céréales sur une période d’une année, c’est tout de même surprenant ?

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J -P.A. – Oui et non car le marché est devenu totalement imprévisible. Les meilleurs spécialistes du marché des céréales semblent avoir beaucoup de mal à anticiper les séquences de marché à la hausse ou à la baisse. Quelques données chiffrées du niveau de stock mondial ou un événement climatique imprévu sont en mesure d’entraîner un retournement de conjoncture. De telles fluctuations de cours pénalisent la bonne gestion des propriétés de nos adhérents et celle de nos entreprises. L’année 2010 illustre parfaitement le contexte. Jusqu’au mois de juillet dernier, les perspectives de commercialisation de la récolte 2010 s’annonçaient à peu prêt identiques à celles de 2009. Personne n’envisageait une remontée brutale des cours et un certain nombre de cabinets de courtage prédisait même une baisse des prix. La sécheresse en Russie a été l’élément déclencheur de la hausse. Ce pays, qui est le 5e exportateur de céréales au monde, a eu une récolte en 2010 divisée par deux. Aujourd’hui, la Russie est obligée d’importer des céréales pour faire face aux besoins internes de son marché.

« L.P.V. » – Quels sont les résultats de la coopérative à l’issue de l’exercice 2009-2010,

J.-P.A. – Dans un contexte aussi difficile, la CARC tire bien son épingle du jeu malgré un chiffre d’affaires en recul de 10 millions d’euros. La coopérative dégage un résultat positif qui lui permet de continuer sa politique d’investissements en équipement et au niveau humain. Notre entreprise de taille moyenne doit envisager son développement à moyen terme en se dotant d’infrastructures performantes pour gérer la collecte et mettre à disposition les approvisionnements. La qualité du relationnel que nous entretenons avec les adhérents est essentielle pour le développement de l’activité. Chaque personne dans l’entreprise occupe un poste important et nous avons fait le choix d’anticiper les remplacements liés à plusieurs départs en retraite en 2011.

« L.P.V. » – Quel investissement avez-vous prévu de faire ?

J.-P.A. – Un de nos projets a été de construire un hangar de stockage des engrais en vrac de 1 000 m2 sur le site de Genté. Ce bâtiment pourra également être utilisé pour effectuer du stockage à plat de céréales quand il sera vide. Ensuite, on a souhaité implanter à Genté une nouvelle capacité de stockage pour être en mesure de stocker sur place l’ensemble de la collecte de ce site. L’installation de deux cellules rondes de 1 300 t, d’une nouvelle tête de silo et l’aménagement de la réception (une sonde et un poste d’analyse) représentent un investissement de 900 000 €. Les économies de transport durant la collecte pour transférer des volumes vers d’autres sites permettront d’amortir partiellement les investissements. L’ensemble de ces nouvelles infrastructures ont été opérationnelles en septembre 2010. Par ailleurs, le silo de Merpins situé à la sortie du bourg sera détruit et les terrains vont être vendus et valorisés dans de bonnes conditions.

« L.P.V. » – Quels moyens nouveaux avez-vous mis en place pour renforcer la communication avec les adhérents ?

J.-P.A. – Nous attachons beaucoup d’importance à construire dans la durée des relations étroites avec nos adhérents en multipliant les contacts directs sur le terrain par le biais des visites des techniciens. Notre rôle est aussi d’apporter aux agriculteurs des informations de plus en plus complètes sur le plan technique et réglementaire, ce qui nous a amenés à développer un site Internet et Intranet. C’est un moyen de communication important qui permet de mettre à disposition des adhérents des informations sur la conduite des cultures, le marché des céréales, les évolutions réglementaires et la vie de la coopérative. Les agriculteurs peuvent accéder à leurs comptes pour suivre leurs achats d’appros, les apports de céréales, gérer leurs prévisions de trésorerie et également saisir leur traçabilité dans le cadre d’Agri-Confiance. Un onglet permet également d’accéder au catalogue de produits Ecovigne.

« L.P.V. » – L’équipe de la CARC va aussi connaître certaines évolutions dans l’année qui vient ?

J.-P.A. – Dans des entreprises de taille moyenne comme la nôtre, les hommes occupent tous des fonctions importantes et tout départ doit être anticipé. Les départs d’un responsable de silo, d’un technicien ou du directeur se préparent. En effet, je vais faire valoir mes droits à la retraite à la fin du premier semestre 2011 et c’est Jean-Michel Audouit qui va me remplacer. Etant dans l’entreprise depuis 20 ans, son parcours de technicien sur le secteur de Rouillac, puis de directeur adjoint depuis deux ans l’ont conduit à avoir une connaissance globale de nos divers métiers. La transmission des responsabilités initiée depuis trois ans se passe très bien. Une telle démarche me paraît être un gage de stabilité pour l’entreprise. J.-M. Audouit a été remplacé sur le secteur de Rouillac depuis un an par Yannick Genest. Jean-Pierre Bonnier, le technicien sur le secteur de Juillac-le-Coq qui prendra aussi sa retraite au printemps, travaille avec son successeur, Olivier Delloye. On a choisi de faire appel à des jeunes, de les former pour qu’ils acquièrent l’esprit maison. Le fait de pouvoir travailler en doublon pendant presque un an nous paraît indispensable pour avoir une bonne connaissance du terroir et de la culture des viticulteurs et des agriculteurs. Mobiliser deux personnes pour une même fonction durant un an représente pour la coopérative un investissement important mais qui est complètement justifié par rapport à la stratégie de fonctionnement dans la pérennité.

« L.P.V. » – Le prochain exercice de la coopérative devrait être dopé par le redressement du marché des céréales ?

J.-P.A. – La nette reprise des cours des céréales et des oléagineux est une bonne nouvelle pour les agriculteurs et la coopérative. Il est indéniable que le retour d’un marché porteur sera bénéfique à l’équilibre économique de l’entreprise lors du prochain exercice. Néanmoins, aucun de nos interlocuteurs commerciaux ne pensait début juin voir les cours du blé remonter aussi fortement en quelques semaines. On a été pris à contre-pied car, comme chaque année, on avait vendu une partie de la récolte par anticipation. D’une manière générale, les rendements n’ont pas été là, ce qui a aussi réduit les disponibilités. Cette situation nous a amenés dans un second temps à racheter des volumes sur le marché à terme pour arbitrer.

« L.P.V. » – Ce marché porteur va-t-il tenir ?

J.-P.A. – Du blé au Matif à plus de 250 €/t et du colza dépassant 500 €/t, nous souhaitons bien évidemment que de tels cours se maintiennent pour les agriculteurs. Pourtant, il faut bien reconnaître que la visibilité sur ce marché reste pleine d’incertitude. Pour l’instant, les stocks disponibles sont en hausse et les enjeux de la prochaine campagne sont déjà liés aux perspectives de la récolte mondiale 2011. Comme les mises en terre sont connues, de nombreux acteurs font déjà des pronostics sur les rendements. Les inondations en Australie à quelques semaines de la récolte préoccupent certains observateurs qui s’interrogent pour la qualité des blés. Le fait que des acteurs financiers investissent sur les céréales comme ils le font sur d’autres matières premières a rendu le marché beaucoup plus réactif au cours des dernières années. Personne n’avait prévu une stagnation des cours du blé à des niveaux très bas durant plus d’une année en 2009 et personne n’avait imaginé non plus leur brutale remontée en juillet 2010. La commercialisation des céréales et des oléagineux est rentrée dans une ère où la spéculation joue à plein. Néanmoins, ces productions ne sont pas virtuelles et il ne faut pas perdre de vue que c’est « le weather Market » qui fait foi.

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