Dans une année rythmée par la crise sanitaire, politique et économique, la filière cognac confirme une récolte 2020 au-dessus des prévisions. La demande initiale était de 860 022hlAP. La production s’est élevée à 1 068 059hlAP, soit 133,73hl/ha, à 13,48hlAP/ha. Un certain soulagement pour les viticulteurs qui pourront dégager de la réserve climatique. Car, après deux années où le rendement exigé était de 14,64hlAP/ha, le dernier millésime avait arrêté ses besoins à 12,80hlAP/ha.
L’aspect sanitaire et économique continue de faire grincer des dents ici et là, mais le temps n’est pas un ennemi de l’eau-de-vie charentaise. Bien au contraire. Seulement, le stockage coûte cher, et pourrait s’avérer, selon les évolutions et les circonstances politiques et économiques, un frein ou un poids (relatif ou certain) pour les entreprises viticoles des deux Charentes.
Les initiatives se multiplient ici et là, selon les stratégies et tailles des différentes maisons de négoce, par la création de cuvées identitaires (ou communautaires), de diversification dans d’autres spiritueux, d’investissement dans la qualité des rassises pour se distinguer ou se renforcer sur les marchés, nouveaux ou historiques.
LE BNIC À LA CROISÉE DES CHEMINS
Dans le cœur nucléaire du monde du cognac, le BNIC est au centre de nombre de projets clés pour son avenir, et celui du microcosme local. L’objectif annoncée de 300 millions de bouteilles expédiées en 2035, passant de 27 à 26 millions de caisses exportées, est au cœur du dispositif mis en place depuis quelques mois, avec le renouvellement (ou redistribution des cartes) des cadres des différentes institutions et la mandature fraîchement arrivée à la tête de l’interprofession.
Dans ce futur à moyen-long terme s’inscrit la construction d’un futur centre de recherche et développement, R&D (qui débutera en 2023). Entre l’évolution du vignoble et de la technicité des différents métiers inhérents à l’élaboration du cognac, le pôle R&D du BNIC sera un élément de poids dans la construction des territoires charentais. De la cave au vignoble.
D’ailleurs, les futures plantations se poursuivent. Le plan triennal initial prévu était de 3 474 hectares en 2019, puis 3 398 hectares pour 2020 et 2021. Si les deux premières années furent honorées à leur hauteur, une autorisation de 2 306 hectares de plantations nouvelles pour 2021 a été accepté par les instances viticoles. Au final, 1 092 hectares de moins à planter, mais tout de même 9 198 hectares supplémentaires en production dans la décennie. L’augmentation du vignoble, accouplé à sa restructuration par la complantation et la lutte contre son dépérissement, s’inscrit dans l’objectif commercial annoncé par l’interprofession.
La place des cépages résistants sera à surveiller dans cet agrandissement du vignoble. Feront-ils leurs premières apparitions remarquées ? Demeureront-ils encore à l’essai dans des parcelles marginales ? Y aura-t-il des viticulteurs ou des maisons qui accompagneront les précurseurs ? Les interprofessions et syndicats viticoles – cognac, pineau des Charentes et IGP – se poseront-ils pleinement la question d’une entrée possible, plus ou moins prochaine, de ces cépages dans leurs cahiers des charges ? Sous quelle(s) forme(s) et quelle(s) quantité(s) ?
UNE MAIN D’ŒUVRE ADAPTÉE ?
En conséquence, se pose la question entrepreneuriale. La concentration des domaines et l’augmentation parcellaire moyenne risquent de se poursuivre. Si les viticulteurs resteront à la tête de PME, ces dernières ressembleront de moins en moins à des entreprises familiales, avec cet esprit de filiation, de transmission, de savoir-faire. Le rendement agronomique et financier pourrait obnubiler certaines stratégies.
Le manque de main d’œuvre et d’attractivité de nombres pans du monde paysan demeurent également le fruit d’une politique sapant l’image du travail manuel, artisanal et agricole, où le baccalauréat était l’objectif – sans avoir l’exigence du certificat d’études.
L’introduction à plus grande échelle de la robotique (en provenance de l’industrie) dans le monde agricole pourrait être un outil d’attractivité. Le travail ne manque pas, le personnel oui. L’atavisme exerce de manière profonde dans la France rurale (même si les néo-ruraux troublent certaines habitudes ancestrales, décennales voire séculaires), et la formation sur le tas reste une très bonne école. La qualification des employés – que ce soit par leurs formations initiales ou les formations courtes professionnelles – est un défi permanent que rencontrent les employeurs.
De son côté, le BNIC a fait de l’emploi une de ses priorités pour son plan triennal, en travaillant de manière collective avec les acteurs sociaux des territoires. La destruction allant plus vite que la construction, ce changement de tendance sera forcément long.
QUEL(S) RÔLE(S) PAR LA RÉGION, EN FRANCE ET EN EUROPE ?
Parallèlement à l’effritement de l’instruction – et de l’éducation –, les pertes de souveraineté dans nombre de domaines agirent de concert. La recherche de la souveraineté alimentaire claironnée par plusieurs d’institutions, nationales et régionales, donne un sens aux différents mandats institutionnels.
La région Nouvelle-Aquitaine met en avant sa nature agricole (la première de France et une des premières d’Europe), à travers le plan de relance national comme dans sa politique propre.
Le rôle des régions s’accentue au fil de la construction européiste et la déconstruction des nations. Les régions pensées aujourd’hui demeurent artificielles, évoluant, en 1956, de 27, (dont le statut de collectivité locale inscrit dans la Constitution depuis 2003), à, en 2016, 13 régions pour la France métropolitaine – 18 au total (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion).
Initialement, les régions étaient un décalquage très approximatif de certaines provinces de l’Ancien Régime – avec des amputations ou des rajouts administratifs et guère historiques. La Nouvelle-Aquitaine a marié de force davantage des territoires de l’empire Plantagenêt qu’harmonisé le feu duché d’Aquitaine (Gascogne et Guyenne) du royaume de France.
« Finalement, toute cette politique élaborée depuis longtemps par les élites était déjà résumée par le fondateur de la très mondialiste Paneurope, Richard de Coudenhove-Kalergi, qui, recevant en 1950 la plus haute distinction en faveur de la construction européenne, le « Prix Charlemagne« , appelait à une « Union atlantique« , véritable » Fédération à trois« où l’Angleterre ferait « le pont entre l’Amérique et l’Europe » »1. Le Brexit et l’arrivée au pouvoir de l’équipe de Joe Biden pourraient être de nouveaux éléments clés dans cette construction du monde nouveau.
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