Une interview de Jean-Claude Baudet

28 février 2009

Vice-président du SVBC Cognac après avoir été pendant 15-20 ans en « pool position » dans le syndicalisme viticole 17, Jean-Claude Baudet avait des choses à dire. Il le fait à sa façon, à la hussarde mais aussi avec la pudeur d’une « grande baraque ».

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Scission avec le SGV Cognac : « On est parti du SGV Cognac pour la simple et unique raison que le politique a voulu marier l’eau et le feu en créant ce syndicat. Mais, comme dans un couple, si l’on a pas d’atomes crochus, ça ne marche pas. L’idée d’unité, je suis pour mais elle ne se décrète pas. J’admets que les gens aient des idées différentes des miennes mais j’ai du mal à travailler avec quelqu’un qui ne partage pas mon point de vue. Je ne sais pas faire semblant. Au SGV Cognac, on ne pouvait plus s’exprimer. »

Assainissement structurel : « Il faut absolument retirer de la surface Cognac entre 15 et 20 % et ce de manière irréversible. Le Cognac n’a jamais fait vivre 80 000 ha. Si l’on ne retire pas les 8 à 10 000 ha sans débouché, ils vont aller où ? Au Cognac à la casse ! L’affectation pure sans retrait de surface ne résoudrait rien. Au pire, les gens pourraient affecter tout au Cognac et l’on se retrouverait alors avec une distillation de 600 000 hl AP. L’horreur absolue. Et, de toute manière, le potentiel de production resterait supérieur aux débouchés Cognac. Car voilà bien où le bât blesse. On a beau fermer les robinets, les prix ne remontent pas, tant que ce potentiel de production pèse sur le marché. »

Les incitations financières : « Il y a trois manières d’envisager les choses : soit obliger mais l’on sait bien que l’obligation ne fonctionne jamais ; soit dire “j’espère que…” et c’est de la démagogie ; soit inciter par des mesures financières. Et, quoi qu’on en dise, c’est toujours le porte-monnaie qui fait avancer les choses. L’argent est le nerf de la guerre. Nous disons qu’il faut donner 2 hl AP/ha de plus à ceux qui s’engagent à restructurer, non pour toucher au potentiel de 480 000 hl AP mais pour le redistribuer autrement. La prime à la reconversion doit aussi être bonifiée. D’autres régions européennes obtiennent 50 % de la valeur de la replantation. Nous, nous en sommes à 30 ou 35 %. La prime PAC doit jouer sur les ha arrachés et enfin la cerise sur le gâteau serait une défiscalisation de la prime d’arrachage. Pourquoi le Plan n’a-t-il pas marché ? Parce qu’il ne prévoyait pas de véritable incitation économique. »

Syndicat de négociant : « Je ne me considère pas faire partie d’un syndicat de négociant. Je me considère défendre le revenu des viticulteurs. Jean-Louis Brillet a tout de même quelque crédit en matière de diversification. Et Jean-Philippe Roy est également viticulteur. D’ailleurs, il n’est pas président du syndicat. »

Accès au marché du Cognac : « Ce n’est pas parce que la QNV Cognac serait portée à 8 de pur qu’il y aurait plus de certitude qu’aujourd’hui d’accéder au marché du Cognac. Simplement si, sur 10 ha, je peux réaliser ma partie Cognac sur 8 ha au lieu de 10, je serais en mesure d’affecter les ha restants à d’autres productions. Ce sera toujours autant de gagné. »

Mesure d’exclusion : « Nous sommes deux viticulteurs adhérents du SVBC à avoir été exclus du Syndicat viticole de Charente-Maritime. Je m’y attendais un peu mais ce n’est jamais agréable. C’est comme prendre un coup de bâton sur la tête. Je trouve que cela ressemble à une chasse aux sorcières. Pjutôt que de s’attaquer à ses collègues, ne vaudrait-il pas mieux utiliser ses forces pour combattre la crise ? Je n’ai pas le sentiment d’avoir trahi mes viticulteurs et les viticulteurs sentent bien que je ne les ai pas trahis non plus. D’autres viticulteurs du SVC ont rejoint les rangs du SVBC mais n’ont pas subi la même procédure d’exclusion. Peut-être voulait-on punir un homme ? Je ne porte pas de jugement. L’important, c’est que les viticulteurs gagnent. »

Vie syndicale : « Des points de divergences existaient au sein du SVC*. Eux parlaient plus d’une obligation et moi plus d’une incitation. J’ai toujours pensé que rien ne pouvait se faire sous la contrainte. Dire qu’il faut absolument arracher 15 ou 20 % et ne pas prévoir de position de repli ! C’est irresponsable. Comment fait-on si ça n’est pas possible ? Ceci étant, quand on appartient à un syndicat ou à un groupe, une majorité se dégage et il est normal de se plier à la majorité. Même si l’on a le droit de garder ses convictions et d’essayer de les faire triompher. Rien n’est jamais monolithique. »

Liberté de ton : « J’ai toujours eu un langage direct. Je ne suis pas carriériste et n’affiche aucune prétention syndicale. Si j’ai eu des responsabilités, elles sont venues un peu par hasard. J’ai toujours dit que lorsque l’on fait du syndicalisme, on ne s’attend pas à ce que le père Noël passe tous les jours. Ce sont de petites choses qui font avancer la machine. On peut seulement regretter que cela n’aille pas plus vite. Même encore, je regrette que cela ne bouge pas plus rapidement. »

Clivage 16-17 : « J’habite à deux km de la “frontière” et je ne vois pas beaucoup de différences entre mes collègues de Rouillac et de Matha. Le clivage est plus historique qu’autre chose même s’il a été parfois entretenu. Ceci étant, chez certains, la frontière existe effectivement dans les têtes. On ne peut que le regretter. J’ai toujours souhaité qu’il n’y ait plus de frontière entre Charente et Charente-Maritime. C’est pourquoi, sous ma présidence, les statuts du Syndicat viticole avaient été revus pour s’articuler étroitement à ceux de la Fédération des viticulteurs charentais qui, à l’origine, rappelons-le, était la fédération de tous les viticulteurs. Les différences se retrouvent surtout entre crus et encore, si on y regarde de près, les crus “porteurs” ne sont plus les crus centraux. La crise est partout. »

Les relations avec le négoce : « Il ne faut pas rêver ! Le SVBC n’a pas la possibilité de faire vendre une goutte d’alcool de plus. Ce ne serait ni sérieux ni logique et à l’inverse de toute déontologie. Ensuite, que le négoce indique ses préférences pour un système ou un autre, il est libre. J’aimerai qu’il existe un véritable partenariat entre viticulture et négoce mais peut-être n’est-ce qu’un rêve. »

Création du nouveau syndicat : « J’ai fait partie de ceux qui ont créé le SVBC Cognac. Notre groupe d’une dizaine de personnes avait le sentiment de ne pas pouvoir s’exprimer au sein du SGV Cognac. Alors, de deux choses l’une : ou l’on regardait passer le train ou, si l’on avait quelque velléité de se battre, l’on montait dans un autre en prenant la casquette de chef de gare. Des gens du SGV nous ont dit : “vous avez eu tort de partir. On vous aurait soutenu. Vous auriez eu la majorité en interne.” Je ne regrette pas notre départ. Des idées ne me plaisaient pas au SGV et des personnes dans l’équipe dirigeante n’avaient pas forcément envie d’écouter les nôtres. Il y a des choix à faire dans la vie : ou l’on se comporte comme un godillot ou l’on s’en va. C’était cela ou se mettre en retraite et je n’en avais pas encore l’intention. »

Le SGV et les autres syndicats : « Je n’ai jamais beaucoup cru à ce syndicat. D’autres y croyaient. Le SVC m’a dit d’y aller et j’y suis allé. Ce syndicat est né de la volonté politique de Glavany et de son ministère. Ils voulaient faire un mix de tous les syndicats. C’est pour cela qu’il y a eu le test de représentativité, dont les résultats n’ont d’ailleurs pas correspondu aux attentes. Le SGV Cognac avait la volonté évidente de rassembler mais il n’est jamais aisé de marier l’eau et le feu. Je n’arrive pas à travailler avec quelqu’un avec qui je n’ai pas d’atomes crochus. On ne fait pas une unité de façade. Et puis le Syndicat général pratiquait par trop l’immobilisme : un vote un jour, un vote trois jours plus tard… J’ai trop fait de réunionite. Je suis allergique. »

Les difficultés de la vie : « Moi, je n’ai jamais été J.A. au sens du jeune qui s’installe dans le cocon familial. La vie en a décidé autrement. J’ai tout de suite été adulte car il fallait faire tourner la boutique. Quand à
15-16 ans, on prend des coups, cela vous forge le caractère. Face à une équipe de vendangeurs prête à vous envoyer aux pelotes, il faut “mordre” pour se faire respecter. Même chose quand j’ai commencé à faire l’entreprise de vendange mécanique il y a 25 ans. La démarche n’était pas si évidente que cela à l’époque. J’ai toujours été un battant. Si tout m’étais tombé dans les bras, peut-être que cela aurait été différent. Le mordant, la force pour se défendre, les nécessités de la vie vous l’inculquent. »

L’engagement syndical : « D’abord j’ai fait un peu de syndicalisme local puis cantonal et je suis arrivé petit à petit au Syndicat Viticole de Charente-Maritime. Ceux qui m’ont formé s’appellent Marie-Paule Arvoire, Jean-Claude Courpron, Christian Baudry. Ce n’était pas tous les jours faciles mais on pouvait tout se dire, sans arrière-pensées et sans rancunes. »

James Bannier : « Moi, je considère que c’est un grand professionnel. Je ne veux pas lui cirer les pompes, il a ses qualités et ses défauts, comme tout le monde. Mais, dans le coin, il a dépanné pas mal de gens, malgré ses airs bourrus. Il est normal que chacun reste dans sa partie, le viticulteur reste viticulteur et le négociant reste négociant. Pourtant, au lieu d’être simple apporteur, je préférerais que l’on soit de vrais partenaires. »

Le bilan : « Le fait que dix administrateurs quittent le Syndicat général pour créer un autre syndicat a obligé le SGV à prendre des positions. S’il n’y avait qu’un intérêt à notre départ, ce serait déjà bien. En six mois, on a assisté à une avancée terrible des positions. Nous sommes à 100 lieux de ce qui était proposé au départ. Je crois que nous y sommes pour quelque chose. En ce qui me concerne, c’est bien la première fois que je fais partie d’un syndicat où il y a une seule ligne de pensée. Oui, je sais, il ne faut pas rester béat à se dire “on est tous d’accord”, mais c’est un sacré moteur pour pousser la machine. »
 
(*) Syndicat Viticole Charentais, ex Syndicat Viticole 17.
 

Président Démissionnaire de la FVC

Jean-Claude Baudet, 49 ans bientôt, exploite 32 ha à Beauvais-sous-Matha, dans le canton de Matha. Il a diversifié 3 ha en Chardonnay, qu’il compte transformer en vins mousseux méthode traditionnelle ou en vins tranquilles, mais en cave particulière et non en cave coopérative. Il ne livre pas non plus ses raisins à un vendangeoir, parce qu’il se définit plutôt comme un indépendant et que, justement, la vinification est quelque chose qui lui plaît beaucoup. A son activité viticole, il a adjoint depuis 25 ans une activité d’ETA, essentiellement autour des vendanges mécaniques. Président du SVC jusqu’à l’an dernier, il a cédé sa place à Didier Braud lors des dernières élections. Membre du BN depuis le test de représentativité de 1998, il est encore, par un tour de passe-passe du calendrier, président de la FVC (Fédération des viticulteurs charentais) mais président démissionnaire puisque exclu du syndicat de base SVC. J.-C Baudet est marié, père de deux filles de 23 et 14 ans, et grand-père de deux petits-enfants dont un petit-fils très intéressé par les engins agricoles roulants, autrement dit les tracteurs.

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