« Les Charentes Ont-Elles Peur De Gagner ! »

14 mars 2009

La Rédaction

Depuis le début, tout le monde le sait : une affectation des parcelles Cognac ne fonctionnera jamais sans l’obtention de rendements différenciés sur les parcelles « autres ». Ce sera les deux ou rien. Le passage sous régime INAO des parcelles Cognac est en voie de réalisation et même le clan des opposants à l’INAO a du mal à bousculer cette réalité. L’INAO a montré un tel esprit d’ouverture, accepté de telles entorses à l’orthodoxie des appellations, qu’une « bronca » anti-INAO paraît difficilement soutenable. Reste l’autre terme de l’équation, les rendements différenciés. Et c’est peut-être là que tout va se jouer. « Les Charentes ont-elles peur de gagner ! » lance un acteur économique. Car à priori, les rendements différenciés vont plutôt dans le sens de l’histoire. Ce n’est un secret pour personne que souffle à Bruxelles un vent de libéralisme. D’après les informations qui en reviennent, les négociateurs européens verraient d’un bon œil tout ce qui concourt à affronter à armes égales une réalité mondiale. Et les hauts rendements (de l’ordre de 200 hl/ha) pour des produits dits « industriels » (jus de raisin, vins de base mousseux) en font partie. Même le rendement agronomique, ils ont plutôt tendance à le voir comme un carcan. « Bon élève » la France, pour avoir accepté le rendement agronomique ! Cette affirmation les fait sourire. Ainsi, l’argument qui consiste à dire que les rendements différenciés seraient impossibles pour cause de rendement agronomique ne tient pas, dans la mesure où le rendement agronomique, règle franco-française par excellence, n’est pas gravé dans le marbre. La France est le seul vignoble européen à avoir opté pour le rendement agronomique. Ce qu’une mesure d’exception a fait, une mesure d’exemption peut le défaire. « Il y a là une opportunité à saisir » en concluent les partisans d’un changement de régime rapide. Mais les rendements différenciés doivent affronter bien d’autres tirs de barrages. Réalité ou procès d’intention ? En tout cas, la rumeur court, qui laisse entendre que les viticulteurs ayant un bon accès au Cognac voudraient le « beurre et l’argent du beurre », en clair garder les jus de raisins pour les ha Cognac en guise d’argent de poche, si possible en s’affranchissant du rendement agronomique. « Une telle dérégulation n’est pas possible » s’étranglent le camp adverse, « on ne va pas tout de même pas nous refaire le coup de l’empilement. Et puis, à trop vouloir s’exempter des règles, ne risque-t-on pas de se retrouver un jour sous le régime des vins de table, à 80 hl/ha ? » Plus qu’un « coup de force », ce que ces gens-là craignent par-dessus tout, c’est le risque de « pourrissement », qu’une « obstruction molle » viennent repousser toujours davantage le passage à l’acte. Les rendements différenciés, eux, ils les voient possibles dès les vendanges 2004. Quelqu’un comme Bernard Guionnet les envisagerait plutôt en 2005-2006, d’autres à une date encore plus lointaine sans doute. « Le risque, c’est qu’à terme, il s’arrache 15 ou 20 000 ha de vignes » mettent en garde les pro-vignobles de transformation, qui promettent à la matière première raisin des lendemains qui chantent. « Le raisin est un extraordinaire produit de développement. La recherche avance à grands pas. Et cette matière première-là, en France, il n’y a que les Charentes à pouvoir la fournir. Il faut absolument que la région prenne sa part du gâteau. Elle n’a tout de même pas l’intention de cultiver 15 000 ha d’asperges ! »

Effet de concurrence avec les autres vignobles, effet de contagion… tout a été dit pour tenter de miner la cause des rendements différenciés, y compris des choses exactes : les rendements différenciés posent le problème de l’accès aux aides « vins de table », soumises, en France, au respect du rendement agronomique. Pourtant, pour beaucoup, le problème ne se situe pas là. « Des raisons pour ne pas créer un vignoble destiné à la transformation, il en existe à la pelle. Et c’est vrai que ce serait une première en France. Un vrai vignoble expérimental. Alors, il faudra une volonté très claire du ministère de l’Agriculture et des professionnels pour le créer. A-t-on cette volonté ? C’est la seule question qui vaille. »

A cette époque de l’année, on n’échappe pas au débat sur le niveau de la QNV. L’an dernier, il s’agissait de savoir si ce serait 6 ou 6,5. Cette année, l’actualité serait plutôt autour du chiffre de 7 de pur même si l’on est payé pour savoir que ce n’est peut-être pas ce chiffre-là qui sortira du chapeau. D’autant que certains en font un cas de casus belli (au-delà de 6 je démissionne !), d’autre un objectif innégociable (en deçà de 7, je quitte le navire) et les troisièmes un élément stratégique de négociation pour tenter d’obtenir du négoce une augmentation de prix de 4 à 5 %, au nom d’une prise en compte de l’inflation, passée ou à venir, on ne sait plus très bien. Et, pour finir, certains n’hésitent pas à faire du « mauvais esprit ». « A quoi ça sert de s’empoigner pour savoir si ce sera 6,5 ou 7 quand on sait que certains en distilleront 10. Cette vérité-là, on la tait depuis trop longtemps. Veut-on voir s’installer dans la région une véritable mafia ! Si le choix d’un régime INAO n’a pas été fait pour ça, oui, nous espérons que l’INAO servira à faire respecter un quota de production. » Et au Modef qui dénie à l’INAO le droit de s’occuper d’un produit « industriel » comme le Cognac, on lui répond que quand l’INAO gère le foin de la Crau, il peut bien s’occuper du Cognac. « D’ailleurs, à preuve du contraire, les viticulteurs ne sont pas imposés aux BIC (bénéfices industriels et commerciaux) mais bien aux BA (bénéfices agricoles). »

Vaille que vaille, le renouvellement des membres de l’assemblée plénière du BNIC poursuit sa route. Le changement d’équipes (dans les familles de la viticulture et du négoce) est toujours fixé au 27 juillet prochain, même si tout ne se passe pas comme un « long fleuve tranquille ». Le test de représentativité reste une demande récurrente, que le Modef n’est pas seul à porter. Sera-t-elle entendue et surtout souhaitée par le plus grand nombre ? A priori, la règle qui prévaut pour le renouvellement des 17 noms de la famille de la viticulture est la suivante : y participent les structures issues du test de représentativité et/ou qui acceptent la tutelle du SGV. Cela semble être le cas du SVBC. Affaire à suivre.

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