Départ à la retraite

19 mai 2009

La Rédaction

Il a donné du cœur aux chiffres. Conseiller de gestion, il fut aussi un conseiller en gestation de projets. Il a accompagné, soutenu, écouté, partagé, beaucoup donné et certainement beaucoup reçu. Après 38 ans de carrière au Centre de gestion de la Charente, une nouvelle vie s’ouvre à Jean-Marie Guilloton.

guilloton.jpg« Bien le bonjour ! », « c’est bougrement intéressant »… Jean-Marie Guilloton et ses expressions fétiches, son sourire, son attention portée à l’autre, sa rondeur, son intelligence rapide et pénétrante, son bon sens terrien, son expérience et son recul mais aussi ce regard qui se pose sur vous, jamais indifférent, toujours humain et positif… C’est le « bonus » qu’a communiqué Jean-Marie Guilloton à son environnement professionnel pendant toutes ces années. Peut-être parce que lui-même a su donner un sens à sa vie. En novembre dernier, lors de la soirée amicale organisée par CERFRANCE Charente à l’occasion de son départ à la retraite, il a eu cette jolie phrase : « Je crois avoir réussi à devenir celui que j’avais vocation à être. » On comprend mieux qu’il ait pu incarner à ce point le rôle de conseiller de gestion aux côtés des adhérents. A ses jeunes collègues, il a exprimé la quintessence de son métier, tel qu’il le perçoit : « Accompagner celles et ceux qui nous font confiance, en laissant à chacun le soin de définir “sa terre promise”, là où il veut aller. Ne pas le savoir, c’est foncer droit dans le mur. » Car l’homme des chiffres n’a jamais fait du chiffre sa religion. « Les chiffres sont faits par des hommes pour des hommes. » Avec des mots simples, en témoignait récemment une cliente du CER : « Quand notre fille est arrivée sur l’exploitation, Jean-Marie s’est beaucoup investi pour que nous travaillions en harmonie. Ce n’est déjà pas facile pour un couple, alors à trois ! Le fondamental n’était pas tellement l’argent mais que chacun soit bien dans sa peau. Nous avons réfléchi ensemble à ne pas nous laisser emporter par le travail, en nous demandant ce que chacun donnait à l’autre. » Et de rajouter : « Jean-Marie nous a communiqué l’amour de la comptabilité. Au départ, les chiffres, c’est assez rébarbatif. Et puis l’on y trouve un intérêt et l’on arrive même à aimer ça. »

C’est en 1969 que Jean-Marie Guilloton rentre au Centre d’économie rurale de la Charente, très exactement un lundi 31 mars. D’abord stagiaire, puis titularisé après sa période d’essai, il exerce à Angoulême, au 15 rue Saint-Roch, au siège de la Chambre d’agriculture de la Charente. Le centre de gestion d’alors compte huit collaborateurs en tout. J.-M. Guilloton évoquent ses collègues et notamment François de Solans, « un grand professionnel, doté d’un fort potentiel, d’une trop grande discrétion, toute à son honneur. » Au début des années 70, on ne parle pas encore de fiscalité agricole mais juste de TVA, qui commence à faire son apparition. Guy Veillon, dont la carrière débuta en 1966, presque en même temps que celle de J.-M. Guilloton, se souvient du choc qu’engendra cette taxe sur la valeur ajoutée. « Aujourd’hui la TVA est complètement acquise et banalisée mais à l’époque, le syndicalisme et le CER rendirent un fier service de vulgarisation à l’agriculture. » Dans la foulée, la fiscalité agricole déboule en 1972. Re-révolution copernicienne. Dans les rangs agricoles mais aussi dans ceux du CER. Car jusqu’alors, les centres d’économie rurale se vouaient exclusivement au conseil technico-économique des exploitations. « J’ai appris mon métier avec les opérations de gestions simples… mais pas simplistes » se remémore Jean-Marie Guilloton. C’est l’âge d’or de la marge brute par activité. De petits groupes de huit ou dix agriculteurs se réunissent pour comparer leurs résultats, échanger. « Nous arrivions au résultat de manière relativement empirique mais très pertinente. » Pour tout dire c’était « bougrement intéressant ». Jean-Marie Guilloton n’est pas loin d’y voir « la belle époque de la gestion proprement dite, dénuée de toutes contraintes fiscale, juridique, réglementaire et autres ». Des adhérents croisent leurs souvenirs : « Quand nous adhérions à un CETA ou à un GDA, le CER constituait le prolongement naturel. Certes, les références tirées des études de groupes pouvaient toujours être remises en cause. Elles avaient leurs limites. Car elles émanaient de viticulteurs qui se voulaient un peu en pointe. Mais si les chiffres ne correspondaient peut-être pas à la moyenne régionale, ils préfiguraient en tout cas ce que souhaitait devenir la région. D’ailleurs l’erreur de la Sares, en 1967, fut sans doute d’entériner un chiffre de rendement de 7,5 hl AP alors que les CETA se situaient déjà à 11 de pur. » « Aujourd’hui, concluent ces observateurs, la viticulture s’est professionnalisée. Le décalage entre statistiques régionales et références de groupes est certainement beaucoup moins grand. »

En 1975, Jean-Marie Guilloton arrive à Cognac comme adjoint du directeur de l’antenne, M. Guignard, qu’il remplacera par la suite. Paul Hosteing préside la section Cognac du centre de gestion. Sa forte personnalité y imprime le souci de l’homme dans son environnement. Au développement du revenu agricole doit répondre le développement des chefs d’entreprise. Depuis 1974, les centres de gestion des deux départements charentais publient une étude économique de la production viticole. La mise en commun des résultats d’une centaine d’exploitations viticoles adhérentes permet de cerner l’évolution des coûts, informent sur les temps de travaux. Cette étude fera référence tout le temps de sa publication et J.-M. Guilloton jouera un peu le rôle de grand témoin régional, lui qui aura vu défiler périodes fastes et périodes de crise. André Mullon se souvient : « Les chiffres extraits du terrain étaient d’une honnêteté totale. A nous syndicalistes, ils nous servaient beaucoup, à une époque où les prix étaient indexés sur les coûts de production. Jean-Marie Guilloton a joué un rôle extraordinaire. Il est un de ceux qui ont fait le plus progresser nos exploitations au plan de la comptabilité et de la gestion moderne. Il a rendu un énorme service à la viticulture charentaise. » Toujours au milieu des années 70, la mise en place des Plans de développement, accompagnée des stages 200 heures, fait accomplir aux centres de gestion un bond spectaculaire. Si les cabinets d’expertise comptable détenaient une position dominante en matière de fiscalité agricole, petit à petit, les agriculteurs travaillant avec les centres de gestion s’en remettent à eux pour le suivi fiscal. Pic de cette montée en puissance : en 1992, l’antenne de Cognac du CER effectue 132 bilans d’ouverture. Les métiers s’élargissent, passant de la comptabilité à la fiscalité sans oublier le conseil juridique, si déterminant en ces périodes d’adaptation. La logistique s’adapte, vaille que vaille. De la place Jean-Monnet, l’antenne déménage rue du Dominant en 1981 pour intégrer rapidement de nouveaux locaux, au Fief-du-Roy. Mais les bureaux sont prévus pour 14 collaborateurs alors que l’effectif grimpe à 19-20 en 1994. Décision est prise d’ouvrir une agence à Jarnac. Hormis une courte période d’interruption, J.-M. Guilloton dirigera les deux antennes jusqu’en février 2006. Ses collègues parlent de ses valeurs relationnelles fortes, « sa capacité à faire progresser les gens, en respectant leurs personnalités ». « Jean-Marie n’est pas quelqu’un dans le conflit. » Son management à lui, c’est de considérer « qu’il y a du bon chez tout le monde et qu’il n’y a pas d’efficacité sans plaisir au travail ». « Jean-Marie, témoignent-ils, a le sens du partage. Il n’hésite pas à transmettre son savoir. » Un savoir doublé d’un tissu relationnel fort, qui s’étend du syndicalisme aux instances officielles en passant par les différentes OPA. Mais la principale qualité que ses collègues lui reconnaissent, « c’est l’intérêt porté aux clients, dans le respect de l’homme ». « C’est là où il se démarque. » Tout au long de sa carrière, Jean-Marie Guilloton souhaitera « revenir vers les adhérents » comme l’a rappelé Marie-Luce Spanjers, présidente du CERFRANCE Charente. A partir de 2006, il se consacrera entièrement au métier de consultant, dans le droit de fil de ce qu’il avait contribué à lancer dix ans plus tôt : la grande aventure « d’Entreprendre et Réussir ». L’idée ? « Mettre chacun au cœur de son projet professionnel et même, au-delà, de son projet de vie. » Avec des collègues de Poitou-Charentes, J.-M. Guilloton animera une douzaine de cycles. Retrouver le courage en soi-même, devenir « acteur de son futur » motivent cette expérience fondatrice. Jean-Marie Guilloton s’y réalisera pleinement, donnant le meilleur de lui-même. Les paroles du poème de Pablo Neruda qu’il a cité devant les nombreuses personnes venues l’entourer au moment de son départ transcrivent bien l’ambition de cet invétéré « passeur de vie » : « Risque-toi aujourd’hui, agis tout de suite, ne te laisses pas mourir lentement, ne te prives pas d’être heureux. » Des préceptes qu’il applique tous les jours avec sa femme Marie-Paule et leurs enfants. Un homme a rendu un bel hommage à Jean-Marie Guilloton : « Jean-Marie, sans toi je ne serais peut-être plus agriculteur. » Au tour du journal de remercier Jean-Marie Guilloton pour le long compagnonnage entamé avec Jean-Pierre Doublet et poursuivi dans le même esprit de confiance. Une qualité relationnelle partagée aujourd’hui avec l’équipe du CER.

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