« La Tradition Des Marchands Venus d’Ailleurs »

22 mars 2009

La Rédaction

Le chef de file des PME du Cognac rappelle que le Cognac s’est toujours nourri d’apports extérieurs. L’implication d’investisseurs russes dans le commerce du Cognac lui semble bon pour la catégorie.

 

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Philippe Coste. Sa société possède la marque de Cognac Meukov.

« D’une façon générale, on ne peut que se réjouir de voir des investisseurs étrangers dans cette région. Cela prouve que le produit dégage une attractivité importante, ce qui est totalement positif. D’ailleurs, il y a belle lurette que les investissements étrangers sont présents ici. Traditionnellement, le négoce cognaçais a été dirigé par des marchands venus d’ailleurs, Irlandais, Anglais, Scandinaves. Le premier Russe à s’installer dans la région s’appelait Auguste Chrisopher Meukov. Il venait de Silésie. Avec son frère, il commença par acheter des vins puis, le 1er août 1862, il décida de s’établir sur place en créant sa propre maison, la maison Meukov, à l’emblème du bras fleuri. Aujourd’hui, je peux comprendre la crainte générée par des investisseurs étrangers. Cependant cet ostracisme ne me semble pas toujours du meilleur aloi et prend même un tour vraiment oiseux, à entendre des réflexions du style – « des Chinois seraient mieux venus que des Russes ». Les Russes manifestent un vrai intérêt pour le produit. Bien sûr qu’ils consomment du Cognac et du brandy mais cela doit-il nous empêcher de partager avec eux une même aspiration à la protection de l’appellation et la volonté de mettre en avant nos traditions et notre culture ? Je ne connais pas toutes les sociétés russes présentes mais pour celles que je connais, je puis assurer qu’elles sont tout à fait désireuses de promouvoir l’appellation. On répète fort justement que le Cognac est le meilleur brandy au monde. Il est normal que des sociétés veuillent faire la promotion de l’appellation et en tirer des profits. Certains pointent du doigt une confusion volontairement entretenue entre Cognac et brandy. Quand on vend du brandy, on fait la promotion du brandy et quand on vend du Cognac, on fait la promotion du Cognac. Il n’y a aucun intérêt à entretenir la confusion même si vous trouverez toujours de « vilains petits canards » pour ne pas respecter la règle, qu’ils soient russes ou français d’ailleurs. Il n’est pas forcément besoin d’aller bien loin pour en trouver. Notre société produit du brandy et du Cognac. Quand nous vendons du brandy, la loi nous impose d’indiquer une adresse. Volontairement, nous choisissons de faire figurer sur l’étiquette 16100 France au lieu de mentionner le nom Cognac. C’est toujours pareil, il y a la loi et l’esprit de la loi. Par ailleurs, Cognac et brandy ne s’adressent pas au consommateur avec le même niveau de prix. Le risque de confusion s’en trouve sacrément limité. A la louche, un brandy vaut 450 roubles sur le marché russe quand une bouteille de Meukov VS s’affiche à 1 200 roubles. Ainsi un consommateur ne peut pas se tromper entre une bouteille de Cognac et une bouteille de brandy. C’est une évidence qui devrait rassurer les sceptiques. Personnellement je me réjouis de voir en Russie un linéaire Cognac trois fois plus important que celui des Whiskies. En France c’est l’inverse. Dès lors que les qualités sont bien respectées et les produits bien distribués, c’est forcément positif pour tout le monde. C’est la dynamique de la catégorie qui est gagnante. Comme beaucoup d’autres, je dirai que nos concurrents ne sont pas à Cognac. Nos vrais concurrents sont les alcools de grain. Beaucoup de sociétés de spiritueux russes trouvent leur origine dans la production puis passent à la distribution. C’est le cas d’Aroma, producteur en Moldavie puis distributeur sur tout le pays. Un certain nombre de sociétés, sachant qu’elles ne pourront pas obtenir la distribution des premières marques de Cognac, ont fait le choix de créer leur propre marque, qui en s’appuyant sur un vignoble, qui sur une vieille société de négoce. Propriétaire de leurs marques, elles sont sûres de conserver le fruit de leurs investissements. Il faut dire aussi que le vignoble de Cognac n’est pas très cher. Pour une région d’AOC aussi prestigieuse, le prix de l’ha reste attractif. Quand on se dit que le Cognac connaît une belle tendance et peut progresser en volume, c’est certainement une bonne affaire que d’investir à Cognac. »

 

Les nouvelles de Moscou

La Russie sortira-t-elle indemne de la crise financière ? Bien que loin de Wall Street, Moscou n’est pas imperméable à la marche du monde, ne serait-ce que par le cours de ses matières premières.

1997 : la société russe avait connu une grave crise financière qui avait sonné pour un temps une fin de partie à peine débutée. Dix ans plus tard, en 2006, la grande réforme des bandelettes fiscales sur les bouteilles d’alcool, mal ficelée, avait complexifié les exportations de spiritueux, jusqu’au point de les bloquer pendant une demi-année. S’en étaient suivis en 2007 un emballement des achats et un surstockage chez les distributeurs. Le marché amorçait une stabilisation en 2008 quand, patratas, en septembre, survint la crise des subprimes. Si les exportateurs n’appellent pas trop vite de leurs vœux un marché russe « mâture » – son côté émergent recèle bien des pépites – sans doute souhaiteraient-ils des plages de temps plus longues pour exploiter cette sorte de pays de cocagne que représente la Russie pour les vins et spiritueux. En Russie, une bouteille ouverte est une bouteille bue, qu’il s’agisse de Vodka, de vin ou de Cognac. D’ailleurs une expression locale distingue entre « boire à la russe », c’est-à-dire cul sec et « boire à la française », du bout des lèvres. Les Russes, c’est bien normal, privilégient la première manière. Comment ce marché hautement réceptif à la consommation de spiritueux va-t-il réagir au vent de la récession ? C’est un fait ! La chute du cours des matières premières ne sera pas sans effet sur l’économie russe. A la mi-octobre, le cours du baril de pétrole est passé de 145 $ à 70 $ le baril, une perte de moitié en quelques semaines. Avec le soutien de l’Etat, les grosses sociétés genre Gazprom tiendront le choc. Mais quid des PME ? En Russie, le coût du crédit s’avère très élevé : taux d’intérêt entre 15 et 25 %. Les PME avaient donc pris l’habitude d’aller chercher des financements à l’Ouest, en Europe voire aux Etats-Unis. A coup sûr, la situation va se durcir pour elles. Au niveau de la population, des facteurs jouent en faveur du maintien de la consommation, d’autres contre. Ces dernières années, les prix des produits de consommation courante ont enregistré de fortes hausses. Mais les Russes se révèlent assez « blindés » sur cet aspect. Les augmentations de prix ne les affectent pas trop. Ils en ont vu d’autres. S’ils n’épargnent pratiquement pas, ils ne sont pas endettés non plus. Le crédit à la consommation n’existait pratiquement pas il y a encore quatre ou cinq ans. En Russie, tout se paie cash, même les notes d’hôtels à 1 000 €, la norme pour trois nuits à Moscou. Dans les entreprises, les salaires sont réglés en liquide et le « black », les dessous de table sont monnaie courante, afin d’échapper à l’impôt. Les salariés perçoivent officiellement un dixième de leur salaire et défilent en fin de mois dans le bureau comptable pour recevoir leurs enveloppes en liquide. Si, dans les petites villes d’Oural, le revenu moyen ne dépasse pas 400 $ par mois, à Moscou ou Saint-Pétersbourg, il est cinq à dix fois plus élevé. Peu ou prou, le niveau de vie progresse en Russie et les consommateurs sont toujours habités par une sorte de fièvre acheteuse. Les metteurs en marché en sont persuadés : « la demande n’est pas prête de se tarir ».

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