Intérêt de la fermentation Malolactique sur vins blancs : application sur Sauvignon

10 février 2009

La fermentation malolactique (FML) totale ou partielle est désormais recherchée sur différents cépages blancs pour gérer l’acidité mais également développer une plus grande complexité organoleptique. Afin de maîtriser la fermentation malolactique sur vins blancs et d’obtenir des résultats réguliers sur les plans analytique et organoleptique, il s’avère indispensable de sélectionner des souches spécialement sélectionnées sur ce type de milieu (Gerbaux, 1998), voire même aptes à l’ensemencement direct du vin (Pilatte et Nielsen, 1999).

Sur les vins blancs de Bordeaux, la fermentation malolactique est généralement évitée car on lui reproche de diminuer la fraîcheur aromatique et gustative des vins. Pourtant, des résultats intéressants sont obtenus par certains producteurs et, par ailleurs, une fraction non négligeable des Sauvignon présents sur le marché présente certains déséquilibres en bouche, en relation avec des notes d’amertume ou des teneurs en acide malique élevées.

L’objectif de cette expérimentation réalisée au cours des millésimes 1999 et 2000 sur cépage Sauvignon est de disposer de résultats objectifs permettant de préciser l’impact de la fermentation malolactique d’un point de vue analytique et organoleptique.

Matériels et méthodes

Les vins expérimentaux ont été vinifiés en 1999 et 2000 au Centre expérimental de Rauzan (Gironde) à partir de Sauvignon issus de l’appellation Entre-Deux-Mers.

Après pressurage, sulfitage modéré (5 g/hl) et addition de 1 g/hl d’enzymes pectolytiques (Rapidase, Gist Brocades), les moûts sont mis à débourber à température ambiante pendant 12 heures puis levurés à 15 g/hl (Zymaflore VL3c, Laffort OEnologie). Les moûts ont été chaptalisés en cours de fermentation afin d’amener le titre alcoométrique à environ 12 % vol. En 1999, trois modalités expérimentales ont été considérées :

l Témoin fermentation malolactique bloquée.

l Lot désacidifié chimiquement sur le vin (120 g/hl de CaCO3).

l Lot fermentation malolactique avec ensemencement (Viniflora CH35).

En 2000, trois modalités expérimentales ont été considérées :

l Témoin fermentation malolactique bloquée.

l Lot fermentation malolactique spontanée.

l Lot fermentation malolactique avec ensemencement (Viniflora CH35).

Les vins sont soutirés et sulfités après fermentation, stabilisés ensuite au niveau protéique par ajout de 20 g/hl de bentonite, avant soutirage et filtration sur cartouche précédant la mise en bouteilles au printemps.

De nombreuses analyses ont été effectuées tout au long de la vinification (titre alcoométrique probable et acquis, pH, acidité totale, acide malique, acide tartrique, potassium, acidité volatile, SO2 libre et total), sur moût avant la fermentation alcoolique, sur vin après la fermentation alcoolique et sur vin après la fermentation malolactique. Les évaluations sensorielles ont été effectuées par des professionnels du vin de la région bordelaise (28 dégustateurs pour les essais 1999, 25 dégustateurs pour les essais 2000) au mois de mars suivant les vinifications, dans la salle de dégustation du Centre expérimental de la Chambre d’agriculture de Gironde à Blanquefort, à l’aide de fiches descriptives de type ULISI-INRA. Ces fiches ont permis de décrire les vins selon 18 descripteurs (notés de 0 à 5) et une note globale sur 20. Après enregistrement par lecteur optique, une analyse statistique des données de cette dégustation est ensuite réalisée.

En 2000, l’analyse en composantes principales des variables descriptives (préalablement centrées et réduites) non hédoniques (toutes les variables sauf la qualité du nez, la qualité de la bouche et la note globale) a été effectuée. Une cartographie des préférences a également été établie, permettant de former des groupes présentant des préférences semblables. La direction des points par rapport au centre permet de déterminer la région sensorielle de préférence et de voir si elle correspond à la direction d’un produit. La proximité du point par rapport au cercle indique la qualité de la représentation des préférences du dégustateur.

Les résultats

Dans le cas de l’expérimentation réalisée en 1999, l’objectif était de comparer l’effet de la fermentation malolactique par ensemencement bactérien (Viniflora CH35) à un lot désacidifié chimiquement et un lot témoin non désacidifié sulfité dès la fin de la fermentation alcoolique. Le moût de Sauvignon présentait un pH bas et une teneur en acide malique élevée (tableau 1).

tableau_1_2.jpg

Sur le plan analytique, il apparaît que l’impact sur l’équilibre acide du vin est complètement différent suivant que l’on réalise une fermentation malolactique (disparition de l’acide malique et apparition d’acide lactique) ou une désacidification chimique (élimination d’une grande partie de l’acide tartrique sans modification de l’acide malique) [tableau 2].

Du point de vue de la cinétique fermentaire, la souche Viniflora CH35 a terminé la fermentation malolactique 21 jours après l’ensemencement, avec une augmentation normale de l’acidité volatile, par rapport aux vins dont la fermentation malolactique a été volontairement bloquée.

La dégustation des vins expérimentaux permet de les répartir en deux groupes :

l Un premier groupe avec un témoin et un lot désacidifié chimiquement. Ces vins sont plutôt moins bien classés. Ils sont caractérisés par une acidité en bouche marquée et manquent de souplesse.

l Le second groupe contient l’ensemble des vins qui ont réalisé leur fermentation malolactique. Ils sont mieux appréciés que les témoins. Au niveau aromatique, ils sont plus complexes et plus fins. En bouche, la baisse d’acidité les rend plus souples et fait ressortir le gras. Le fait d’avoir réalisé cette fermentation malolactique sur des vins au départ acides a permis un réel assouplissement tout en gardant une palette aromatique agréable.

L’analyse des fiches de dégustation indique tout d’abord que le témoin fermentation malolactique bloquée est très significativement rejeté par rapport aux autres modalités (test de Kramer).

L’analyse de la variance sur chaque descripteur avec répartition en groupes homogènes suivant la PPDS (plus petite différence significative) permet de mettre en évidence des différences significatives entre les modalités en ce qui concerne certains descripteurs comme l’intensité colorante (qui s’explique par la variation de pH sur les modalités avec désacidification chimique ou biologique), l’intensité aromatique (supérieure sur le lot avec fermentation malolactique), la souplesse, le gras et la sensation acide (tableau 3).

tableau_3_4.jpg

Sur la base des résultats obtenus l’année précédente, l’objectif de l’expérimentation menée en 2000 était de comparer dès la fin de la fermentation alcoolique (tableau 4) l’intérêt de la maîtrise de la fermentation malolactique avec ensemencement, par rapport à une fermentation malolactique spontanée et une fermentation malolactique bloquée par sulfitage.

Sur le plan de la cinétique fermentaire, le lot ensemencé a terminé sa fermentation malolactique 25 jours après l’ensemencement contre 4 mois pour le témoin (figure 1).

Dans le cas du témoin, cette phase de latence prolongée a été à l’origine d’une teinte plus jaune sur le vin fini et un caractère beurré légèrement supérieur, sans qu’il y ait eu dans ce cas de différences significatives au niveau de la production d’acidité volatile. Pourtant, des difficultés de réalisation de la fermentation malolactique présentent un risque important vis-à-vis des oxydations et des déviations microbiologiques car le vin n’est pas protégé par un sulfitage. Par ailleurs, la dégradation de l’acide citrique a été pratiquement complète sur les deux vins ayant réalisé leur fermentation malolactique (tableau 5).

tableau_5_fig_2.jpgL’analyse en composantes principales des variables descriptives non hédoniques (figure 2) issues des fiches de dégustation permet de distinguer le premier axe principal expliquant la majorité des différences (74 % de variabilité expliquée). Cet axe oppose d’une part les vins présentant des caractéristiques d’acidité, de fraîcheur, d’amertume ainsi qu’un arôme en bouche plus intense, d’autre part les vins caractérisés par plus de souplesse, de gras, une longueur en bouche supérieure et des notes beurrées plus intenses. Ces caractéristiques permettent d’opposer le vin dont la fermentation malolactique est bloquée à celui ayant réalisé une fermentation malolactique spontanée. Le vin ensemencé avec Viniflora CH35 se révèle intermédiaire entre les deux modalités. Le second axe explique peu de variabilité (26 %). Il souligne les particularités du ferment Viniflora CH35 qui semble apporter plus de notes fruitées, plus d’équilibre et d’intensité au nez.

Sur le graphique de la cartographie des préférences (figure 3), on peut tout d’abord observer la répartition des dégustateurs sur l’ensemble des directions, ce qui indique la grande diversité des jugements qualitatifs du jury. Cette observation n’est pas surprenante étant donné que la recherche de la fermentation malolactique sur les vins blancs de Bordeaux est aujourd’hui limitée et que le jury de dégustateurs n’a pas été entraîné sur le sujet. Il est toutefois possible de regrouper les dégustateurs en 5 groupes de préférence (dont deux représentant 69 % des dégustateurs) :

l Groupe 1 (44 % des dégustateurs) : rejet de la modalité FML bloquée, sans préférence nette entre la FML spontanée et avec ensemencement avec Viniflora CH35.

l Groupe 2 (25 % des dégustateurs) : rejet de la modalité FML spontanée sans préférence nette pour la FML ensemencée avec Viniflora CH35 ou la FML bloquée.

l Groupe 3 (16 % des dégustateurs) : préférence marquée pour la FML spontanée.

l Groupe 4 (12 % des dégustateurs) : rejet de la modalité ensemencée avec Viniflora CH35 sans préférence nette entre la FML spontanée et la FML bloquée.

l Groupe 5 (4 % des dégustateurs) : préférence nette pour la FML bloquée. Nous remarquons que les deux groupes principaux représentant 69 % des dégustateurs montrent des zones de préférence compatibles avec les caractéristiques organoleptiques du vin ensemencée avec le ferment malolactique Viniflora CH35.

les conclusions

Les fermentations malolactiques sur vins blancs sont généralement évitées dans le Bordelais car on leur reproche généralement de nuire à la qualité aromatique et à la fraîcheur des vins. Ces expérimentations tendent à montrer que le rejet systématique de la fermentation malolactique n’est pas nécessairement justifié. La réalisation de la fermentation malolactique sur des vendanges assez acides permet de ramener l’équilibre acide à un niveau convenable sans pour autant déséquilibrer le vin. En effet, la désacidification chimique classique est peu adaptée dans le cas de vins riches en acide malique.

La dégustation des essais du millésime 2000 a mis en évidence l’opposition classique entre les vins acides sans fermentation malolactique et les vins souples et gras avec fermentation malolactique. Sur les types de vins étudiés, la réalisation de la fermentation malolactique n’a pas entraîné de rejet de la part des dégustateurs, la tendance étant plutôt en faveur des vins ayant réalisé leur fermentation malolactique. Par ailleurs, Viniflora CH35 apportant des caractéristiques intermédiaires entre les modalités fermentation malolactique bloquée et fermentation malolactique spontanée, cette modalité n’est pas nettement préférée, les dégustateurs ayant tendance dans ce cas à préférer ou à rejeter les vins les plus extrêmes pour certaines caractéristiques.

Cependant, cette position intermédiaire permet à cette modalité d’être bien jugée par la majorité des dégustateurs.

L’utilisation du ferment malolactique à ensemencement direct Viniflora CH35 permet de déclencher rapidement la fermentation malolactique dans ces vins malgré un pH bas et d’éviter une dégradation qualitative du vin par l’effet de l’oxydation ou de contaminations microbiennes. Sur le plan gustatif, il apparaît que la souche Viniflora CH35 apporte un gras non négligeab le, ce qui donne des vins plus équilibrés et renforce l’assouplissement lié à la baisse d’acidité. Au niveau olfactife, il n’a pas été observé de perte de qualité aromatique.

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