« On ne peut pas libéraliser les vins sans IG

23 octobre 2012

Responsable professionnel d’un vignoble AOP, celui du Pineau des Charentes, Jean-Marie Baillif conteste avec la dernière énergie
l’éventuelle libéralisation des vignobles sans IG. Il soutient avec vigueur ceux qui se battent pour un encadrement européen,
opposable à tous les Etats membres et à tous les vins.

 

 

p16.jpgLes propositions de la Commission, lors du dernier GHN, ne vous satisfont pas ?

S’il est question de réguler les vins AOP, les vins avec IG et de laisser libres les vins sans IG, certainement pas. Il s’agirait d’une brèche énorme, équivalente à une libéralisation totale du secteur viticole. On encadrerait sans encadrer.

Comment ?

Prenons l’exemple du vignoble charentais que je considère, personnellement, comme un vignoble IGP. Si, demain, quelqu’un plantait 20 ha de vins sans IG à côté des parcelles en place, tout en respectant le cahier des charges Cognac, qui l’empêcherait de revendiquer l’appellation Cognac ? Si la libéralisation des vins sans IG venait à être mise à exécution, elle ferait peser une menace terrible sur l’ensemble de la viticulture européenne, IG comme sans IG.

Que faire ?

Pendant qu’il est encore temps, la viticulture française doit manifester haut et fort son mécontentement et défendre ses positions. Il est impératif d’obtenir une réglementation européenne opposable à tous les Etats membres et à tous les vins. A charge, ensuite, à chaque pays et à chaque région de réguler, d’adapter son potentiel de production à ses spécificités régionales. De cela, nous en sommes tous d’accord. La capacité de production d’une région ne doit pas être figée. Ce serait se tirer une balle dans le pied. A mon avis, le « total libéral » ou le « total encadré » s’apparente à un discours obsolète. Il faut être pragmatique. Nous ne sommes pas dans un combat idéologique mais dans un combat qui a des répercussions concrètes. Dans un système libéral, il n’a jamais été dit qu’il ne fallait pas réguler. Voyez ce qui se passe aux Etats-Unis ! Organiser un marché, une profession, ce n’est pas être libéral ou anti-libéral. C’est tout simplement protéger cette profession pour faire en sorte que les entreprises puissent fonctionner. Des évolutions à venir découleront des impacts positifs ou très négatifs. Nous qui sommes sur des produits à rotation lente comme le Pineau ou très lente avec le Cognac, nous avons besoin, plus que d’autres, d’un encadrement, pour éviter d’avoir des variations de surfaces inopinées. Sans parler de plantations énormes, nous pouvons être très vite déstabilisés.

Que pensez-vous du PAPE. Est-ce une alternative possible à l’encadrement des surfaces ?

Encadrer les volumes, je n’y crois pas. D’ailleurs si, comme on le dit, le droit à produire était relié au sol, le PAPE renverrait à la problématique des surfaces. Essayons de ne pas créer des usines à gaz. Si le PAPE ne répond pas à l’encadrement du potentiel de production, il constitue certainement un outil complémentaire à la gestion des surfaces. Il peut apporter de la souplesse économique, de la compétitivité à nos exploitations. Par bien des aspects, la proposition est intéressante mais pas pour réguler le potentiel. A meilleure preuve, le Plan d’adaptation de Bernard Guionnet a bien fonctionné dans un système classique de droits de plantation.

Admettons que la filière viticole européenne obtienne une régulation de l’ensemble de ses vins, IG et sans IG. Qui serait chargé de la gestion ?

En France, une idée tient la corde : que ça se passe au niveau des comités de bassins, avec une tutelle nationale, celle de FranceAgriMer, et un cadre européen. Comment peut-il en être autrement. Le développement d’une région ne doit pas se faire au détriment d’une autre. Les conséquences en seraient bien trop lourdes. En Charentes, nous avons la chance d’avoir une Fédération des interprofessions qui siège au Bassin. Nous disposons déjà un lieu efficient de dialogue et d’harmonisation des positions.

Que va t-il se passer dans les prochaines semaines ?

J’espère que des actions viticoles vont se mettre en place et que nous serons nombreux, en Charentes et ailleurs, à manifester notre soutien à l’encadrement des plantations.

Le Cognac, un vignoble IGP
A rebours de l’idée communément admise selon laquelle le vignoble de Cognac serait un vignoble sans IGP (sans indication géographique de provenance), ils sont de plus en plus nombreux à considérer que le vignoble de Cognac est un vignoble IGP voire AOP. Christian Baudry, ancien membre du Comité national des vins et eaux-de-vie de l’INAO, fin connaisseur du domaine juridique, fait la synthèse des arguments.
• Si le vignoble Cognac était sans IG, cela signifierait que sa production n’obéit à aucune règle. Car, par définition, la gestion d’un vignoble sans IG est totalement libre, sauf contrôle exercé par l’Europe. Or, ce n’est pas le cas. La production viticole du Cognac répond à une réglementation régionale précise et détaillée, d’origine interprofessionnelle, sous tutelle de l’Etat.
• Le cahier des charges INAO du Cognac ne traite que du vin.
• Une délimitation géographique encadre le vignoble Cognac. Et qu’est-ce qu’un vin à indication géographique (à IG) sinon un vin provenant d’une zone géographique déterminée.
• Le vin Cognac étant issu de « cépages double fin », il ne serait pas IGP ! C’est l’argument parfois avancé. Il faut quand même se souvenir que la notion de « Cépage double fin » a disparu avec la suppression de l’article 28, qui instituait une distillation spécifique Cognac.

 

 

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