Interview d’Alain Bodin, Président d’Alliance Fine Champagne : « Un engagement fort, sans défaillance

25 juillet 2013

Au moment où Alliance Fine Champagne renouvelle ses contrats individuels dits « bouilleurs de cru », Alain Bodin, président de la coopérative associée, revient sur les relations contractuelles nouées avec la maison Rémy Martin. A un historique « fort et sans défaillance » s’ajoute aujourd’hui une approche renouvelée de l’engagement, ouverte sur un contrat plus long, de six ans.

Depuis quand remonte la politique contractuelle avec la maison Rémy Martin ?

p37.jpgLes contrats collectifs livreurs de vin, ex « Champaco », datent de 1966. Les premiers contrats individuels, dits « bouilleurs de cru » ou « Prochacoop », remontent au 21 décembre 1971. J’ai encore la liste des 48 noms de vieilles familles charentaises qui constituèrent le noyau de départ. Ce sont ces contrats qui, durant la première quinzaine de juillet, ont fait l’objet d’une signature de renouvellement. Plus de 40 ans nous séparent des premiers engagements et pourtant le cœur du contrat reste toujours d’actualité. Preuve de sa pertinence de départ. Le contrat reposait – et repose toujours – sur un engagement sur trois récoltes, avec un choix de comptes d’âges pouvant aller jusqu’au compte 8. Le viticulteur peut choisir deux comptes d’âges dont un peut grimper au-delà du compte 5 et même aller jusqu’au compte 8. Une sorte de formule à la carte.

La nouveauté introduite cette année ?

Elle concerne essentiellement la durée du contrat. Quand, sous la houlette du conseil d’administration d’Alliance Fine Champagne, un groupe de travail s’est réuni dans la perspective du renouvellement, nous avons demandé à de jeunes viticulteurs : « Le contrat Rémy Martin, c’est quoi pour vous ? » Est ressortie la notion de durée. Une durée synonyme de sécurité pour renouveler son vignoble, faire face aux investissements de qualité, à la mise aux normes. C’est pourquoi, après partage de réflexions avec la maison Rémy Martin, nous avons proposé un engagement de 6 ans. Cet engagement, je dirais qu’il s’inscrit dans la poursuite des relations fortes et fécondes entre la coopérative et la maison Rémy Martin. Il est également cohérent avec le coefficient régional de rotation du stock, de 7 ou 8 ans, lui-même en correspondance avec la montée en gamme du Cognac. Pourquoi ne pas imaginer alors un contrat plus long ? C’est ce que nous avons fait, en réservant le bénéfice de cet engagement « bonifié » à ceux qui livrent à la maison 6 hl AP/ha (contrat collectif et individuel confondus). Prenons le cas de quelqu’un qui s’engage sur 6 récoltes à partir de 2013 et fait le choix de livrer une partie de sa production en compte 8. Il s’assure une visibilité de vente jusqu’en… 2029, le temps de monter les comptes d’âges. Quelque chose d’assez détonant dans la région.

Et au chapitre des prix ?

Rémy Martin a consenti cette année un coup d’accélérateur extrêmement significatif sur les prix, pour coller à la situation du moment. A titre d’exemple, les comptes 2 enregistrent une hausse de + 19 %. Idem sur d’autres comptes, avec des pourcentages encore plus élevés sur les vieilles qualités. En toute lucidité, je dirais que cette politique d’augmentation des prix permet à Rémy Martin de retrouver – en Grande et Petite Champagne – la place qui lui convient, la première. C’est vrai que, sur les prix, un certain décalage s’était installé, qui commençait à soulever quelques interrogations. Personnellement, j’avais confiance. Je savais que, tôt ou tard, Rémy Martin reprendrait la main. La maison intervient dans un territoire bien défini, les deux crus de Champagne. Dans la mesure où le marché se tendait, la maison devait donner des gages pour afficher sa volonté d’être leader dans son périmètre. C’est ce qu’elle a fait. Je soulignerais aussi la transparence des contrats Rémy Martin en matière de prix. La notion de prix minimum reste toujours d’actualité. Quelle que soit la conjoncture économique, le viticulteur est sûr de couvrir son prix de revient. Cette clause figure au contrat. Par ailleurs, la maison établit chaque année une cotation précise sur chaque compte d’âge et pour chacun des crus. C’est la cote Rémy Martin. Pour des eaux-de-vie de qualité équivalente, tous les livreurs Rémy Martin connaissent par avance le prix d’achat de leurs eaux-de-vie, du compte 00 au compte 10. Un avantage comparatif par rapport à d’autres contrats un peu plus « opaques » quant à leur « signalétique » de conditions commerciales. Toujours au chapitre du revenu, un élément me semble assez original : tous nos stocks sous contrats individuels sont logés dans nos chais, dans des fûts estampillés Rémy Martin, ce qui limite malgré tout les frais et d’éventuels risques qualitatifs liés au vieillissement.

Si vous deviez qualifier le cadre contractuel Rémy Martin, que diriez-vous ?

Il faut avoir le courage de ses opinions (sourire). Sous cette forme, je ne connais pas de contrats aussi aboutis. Un élément me paraît tout particulièrement fort : l’irrévocabilité des contrats. En d’autres termes, les contrats ne peuvent être « corrigés » au gré de la conjoncture. D’ailleurs, depuis leur naissance en 1970, les contrats bouilleurs de cru n’ont connu aucune défaillance. Ils ont toujours été respectés par la maison, même à des périodes où la conjoncture était extrêmement difficile. Au fil de 45 ans d’histoire, les livreurs Rémy Martin ont pu tester la solidité de ces engagements. Pour certains viticulteurs, le contrat Rémy Martin fut l’amarre qui leur permit de garder la tête hors de l’eau, de passer la crise au moment où s’affichait clairement une désaffection de l’interlocuteur bouilleur de cru.

Le lien avec la famille Hériard-Dubreuil représente une autre facette de l’engagement au sein d’Alliance Fine Champagne. Ces liens se sont resserrés avec des prises de participation de la coopérative dans la holding financière Orpar. Nous sommes passés de la qualité de producteurs-fournisseurs à celle de producteurs-actionnaires. Outre une meilleure vision, cela nous permet d’avoir une meilleure sensibilité aux enjeux commerciaux et des revenus de placement qui sont loin d’être confidentiels.

Que souhaitez-vous pour le futur ?

Dans les années qui viennent, nous souhaitons porter les engagements individuels au-delà 40 000 hl AP. Aujourd’hui, ce type de contrats représente 33 000 hl AP. Je pense que l’objectif de 40 000 hl AP est atteignable, dans la mesure où l’offre commerciale Rémy Martin manifeste quelques longueurs d’avance par rapport à pas mal d’autres. Le 23 avril dernier, l’ensemble des adhérents d’Alliance Fine Champagne a été reçu sur le site de Merpins. A cette occasion, nous avons appris avec satisfaction que la 4e génération de la famille Hériard-Dubreuil rejoignait l’entreprise. Cette continuité dans la gestion de l’entreprise nous rassure et répond d’ailleurs à une même continuité chez les livreurs. La majorité de nos adhérents se recrutent parmi la 3e voire la 4e génération.

La viticulture bouge, les exploitations se restructurent.

C’est vrai. C’est pour cette raison qu’à travers ses investissements financiers dans Orpar, la coopérative Alliance Fine Champagne a bon espoir de lever des fonds qui lui permettront, je l’espère, de proposer des réponses originales à la problématique de l’agrandissement des exploitations.

 

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