En contrepartie d’un certain désarmement européen des régulations de marchés, la prochaine OCM viti-vinicole accorde des pouvoirs de gestion accrus aux régions viticoles et à leurs interprofessions. Mais ces mêmes interprofessions redoutent que, sous couvert d’un Plan de modernisation de la viticulture, la France propulse de nouveaux « échelons intermédiaires » qui viendraient consommer le bénéfice attendu de la réforme de l’OCM.
Fédérées au sein du CNIV*, les interprofessions viticoles françaises ont tenu une conférence de presse à Paris le 14 mai dernier. Par cette prise de parole un peu exceptionnelle et solennelle, elles tenaient à interpeller la profession en général et les parlementaires en particulier contre ce qu’elles ressentent comme une menace diffuse : par un réflexe centralisateur, que l’Etat s’ingénie à refermer la fenêtre ouverte par la nouvelle OCM au profit des filières et des régions. Le Plan de modernisation de la filière viticole commandé par le président de la République à Michel Barnier, ministre de l’Agriculture, ne pourrait-il pas servir de cheval de Troie à cette entreprise de captation ? Le rapport sera remis fin mai à la présidence, qui arbitrera. Logiquement, il devrait s’en suivre des traductions budgétaires et/ou réglementaires. C’est pour prendre les devants et « dans un esprit non conflictuel » que les interprofessions ont souhaité se faire entendre.
Le danger qu’elles entrevoient n’a pas vraiment de contours précis. Il s’agit plus « d’une lecture entre les lignes ». Les interprofessions s’inquiètent notamment du pouvoir de décision qui pourrait échoir à des structures intermédiaires comme les comités de bassin. Alors que la nouvelle OCM « vise à responsabiliser davantage les opérateurs dans leurs régions », les interprofessions viticoles débusquent l’incohérence qu’il y aurait à créer des « étages supplémentaires ». « Ce ne serait pas moderne, disent-elles, quand tout l’enjeu de la réforme consiste justement à placer les opérateurs face à leurs marchés. » Même chose si le grand Office en cours de constitution héritait d’un pouvoir de décision alors que Vinifhlor ne jouit aujourd’hui que d’un pouvoir d’avis. « Nous ne sommes pas contre l’existence de structures de concertation mais les lieux de décision existent déjà. Ce sont le ministère de l’Agriculture et la Commission européenne. Que chacun face son métier et les vaches seront bien gardées ! » Surtout, les interprofessions entendent profiter pleinement des nouvelles règles du jeu de la nouvelle OCM. Elles n’entendent pas en être spoliées avant même d’y avoir goûté.
* CNIV : Comité national des interprofessions viticoles. Présidée par Jean-Louis Salies, président du Comité interprofessionnel des vins du Roussillon, le CNIV est dirigée par Jérôme Agostini.
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