La réactivité interprofessionnelle

28 juin 2009

D’un côté une situation de rêve, les pieds dans la Méditerranée, la tête dans les montagnes et de l’autre des vins dont la commercialisation connaît des fortunes diverses. A partir de 2001, les vignobles de la Vallée du Rhône ont décidé d’investir massivement le créneau de l’œnotourisme et s’en sont donnés les moyens. A Inter-Rhône, l’interprofession régionale, un poste et un budget sont spécialement dédiés au développement de l’œnotourisme.

 

carte_2008_opt.jpegElle s’appelle Jessica Debieve. A Inter-Rhône, l’interprofession qui regroupe les onze appellations et les quinze crus (appellations locales) des Côtes-du-Rhône, la jeune femme a été recrutée pour dynamiser le segment de l’œnotourisme. Entre Lyon et Avignon, la profession viticole a donc décidé de se saisir à bras-le-corps du dossier, même si tout repose sur un travail de réseau avec l’ensemble des professionnels du tourisme (offices de tourisme, CDT, CRT, tours operators…). Il faut dire que la structuration des Côtes-du-Rhône est assez compliquée. Enchâssé entre le couloir rhodanien, le Massif central, les contreforts alpins, le vignoble court sur trois réglons et six départements (Ardèche, Drôme, Gard, Loire, Rhône et Vaucluse). Par définition, les vignes n’occupent à chaque fois qu’une petite partie du territoire. Il y avait donc absolue nécessité de fédérer les énergies, regrouper les initiatives. Le rôle du pilote dans l’avion, l’interprofession a donc décidé de le jouer, pensant sans doute que l’on était jamais aussi bien servi que par soi-même. L’enquête de l’AFIT, livrée en 2001, sert de déclencheur. « La profession a pris conscience du chemin à parcourir » explique J. Debieve. Une charte d’accueil au « caveau » (autre nom pour la salle de dégustation) est mise en place en 2002, la charte « Côtes-du-Rhône, terroirs d’accueil ». En 2004, la charte peaufine son système de qualification avec la définition de trois échelons : accueil de qualité, accueil de service, accueil d’excellence. A ce jour, 420 caveaux des Côtes-du-Rhône adhèrent à la charte. Parallèlement, neuf routes des vins voient le jour, toutes identifiées par un logo commun – la feuille de vigne – dont la couleur change selon les parcours. Une batterie de documents accompagne cette offre, dont le très exhaustif « Guide Inter Rhône, tourisme & vignobles en Vallée du Rhône ». Cette édition bilingue français/anglais, vendue 3 €, recense l’ensemble des caveaux, avec cartes à l’appui, photos des vignerons dans leurs « jus », anecdotes, prestations décrites par le menu. Du lourd ! Mais le monde ne serait pas monde si internet ne venait pas distiller sa petite musique. Depuis six mois, Inter Rhône a ouvert un site spécifique à l’œnotourisme – vins-rhone-tourisme.com. Encore en phase de démarrage, le site a enregistré plus de 20 000 visiteurs depuis sa mise en ligne. tourisme_viticole_4_opt.jpegAvec sa carte interactive des différentes routes du vin, ses rubriques « mon séjour à la carte – quand souhaitez-vous partir – ou – type d’activité – type d’hébergement – restauration chez le vigneron, ailleurs… – le site ressemble à s’y méprendre à une centrale de réservation. Sauf qu’il ne va pas jusqu’à la réservation en ligne. Pour l’internaute il s’agit de se constituer un « carnet de voyage » truffé des bonnes adresses qu’il aura glanées sur le moteur de recherche. Un outil assez performant pour qui veut préparer son séjour.

 

Réactifs

Si la Vallée du Rhône n’a pas l’antériorité de l’Alsace, du Champagne ou du Bordelais pour l’accueil des touristes, son expérience vaut justement par son inscription de plain-pied dans le concept « moderne » d’œnotourisme. « Nous fûmes les plus réactifs au rapport de l’AFIT » note la chargée de mission. Cette réactivité a valu à Inter Rhône d’occuper pendant plusieurs années une place de leader dans la réappropriation de son capital œnotouristique. Aujourd’hui, d’autres interprofessions ont rejoint cette démarche. Quel retour d’expérience tire l’interprofession viticole, huit ans après sa mise sur orbite ? Jessica Debieve ne se le cache pas. Le terme d’œnotourisme reste assez ambigu. Difficile de savoir pourquoi les touristes viennent dans la région. Une chose est sûre, l’existence et la mise en avant d’une activité viticole apportent un « plus ». Le travail accompli en amont – charte d’accueil, routes des vins – a permis aux viticulteurs d’être beaucoup plus structurés, plus professionnels qu’il y a huit ans. Pour autant, ont-ils vu leurs ventes augmenter au caveau ? Là aussi, difficile de quantifier les choses. Il semblerait pourtant que la fréquentation moyenne ait progressé de 10 % et le chiffre d’affaires de 15 %, en sachant que de grandes disparités existent d’un caveau à l’autre. Si pour certains, la vente directe est proche de zéro, elle représente pour d’autre près de 50 % du chiffre d’affaires. En moyenne, en Côtes-du-rhône, la vente directe pèse pour 15 % des ventes (enquête 2006). Jessica Debieve estime que les routes des vins, dans sa région, fonctionnent surtout comme outil de communication. Elles représentent une bonne manière de structurer l’offre. Pour autant, leur effet d’entraînement n’a rien à voir avec celui de la célébrissime route des vins d’Alsace, connue par 75 % des touristes. « En Alsace, la route des vins brille par sa simplicité. Elle traverse la région du nord au sud. Rien à voir avec nos itinéraires multiples, déterminés par une géographie compliquée. »

Festivals d’Avignon, Coregies d’Orange… la région rhodanienne regorge d’événements culturels. Bénéficient-ils à l’œnotourisme ? La réponse est globalement négative. « Un festival comme Avignon draine énormément de public, les hôtels sont pleins. Mais les festivaliers restent-ils dans la région, viennent-ils dans le vignoble ? A priori non. Des événements plus locaux, au cœur du vignoble, créent une meilleure circulation. » C’est un peu la même chose avec les appellations prestigieuses comme Crozes-Hermitage, Saint-Joseph, Condrieu, Côte Rôtie. Si leur renommée sert la région toute entière, J. Debieve tempère leur effet. « Il faut être réaliste. Moins confrontées aux problèmes de commercialisation, ces appellations ont également moins tendance à ouvrir leurs caveaux de dégustation. » La chargée de mission insiste par contre sur le rôle de locomotives joué par quelques pôles œnotouristiques. Elle cite au premier chef le « pape » de l’œnotourisme régional, Michel Chapoutier (Maison M. Chapoutier, à Tain-l’Hermitage). « A travers ses croisières œnologiques, son école du vin, en phase de démarrage, il tire tout un vignoble. » J. Debieve relève une même dynamique dans d’autres régions. « A y regarder de près, dit-elle, le succès de la Rioja s’appuie sur deux ou trois bodegas. »

Même si l’interprofession se positionne comme un « fédérateur d’énergie », Inter Rhône a compris très tôt qu’elle ne pouvait pas se désintéresser des outils de promotion de l’œnotourisme. Elle cela, elle fait figure de pionnière.

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