Au terme de presque deux ans de concertation entre les professionnels et la DRIRE*, les nouveaux arrêtés préfectoraux portant sur les dispositifs de sécurité des distilleries et chais de vieillissement sont sortis. Apparaissent quelques prescriptions supplémentaires, applicables surtout aux nouvelles installations. En ce qui concerne les installations existantes, soit elles ne sont pas concernées, soit des délais de mise en conformité leur sont consentis.
Le jeudi 3 juillet, Bernard Lizot, l’inspecteur des installations classées chargé du dossier Cognac à la DRIRE Poitou-Charentes, avait convié une trentaine de personnes à une réunion bilan. Y participaient les trois groupes de travail – le groupe chai, le groupe distillerie et le groupe « déchets/vinasse » – qui pendant deux ans ont « planché » au sein de l’interprofession du Cognac sur la révision des arrêtés préfectoraux relatifs aux installations classées « chais de vieillissement » et « distilleries ». Etaient également invités à la réunion des représentants du SDIS (service départemental d’incendie et de sécurité), autrement dit les pompiers, sans oublier Céline Rayer, du bureau « sécurité, environnement » du BNIC, cheville ouvrière du dossier avec Bernard Lizot.
L’inspecteur des installations classées a rendu hommage aux participants pour la qualité du travail accompli. Quant aux applaudissements qui ont ponctué son intervention, ils témoignaient de l’écoute que les professionnels ont trouvé auprès de Bernard Lizot. De l’avis général, le traitement du dossier Installations classées a été, d’une certaine façon, exemplaire, par l’écoute et le dialogue qui s’instaurèrent entre la profession et l’Administration.
C’est le 9 juin 2008 pour la Charente et le 18 juin 2008 pour la Charente-Maritime que les arrêtés préfectoraux ont été signés. Ils remplacent les précédents arrêtés de 1996, qui réclamaient un toilettage. Il va sans dire que les prescriptions réglementaires contenues dans ces textes sont les mêmes pour les deux départements. A noter que les arrêtés distilleries et chais de vieillissement Cognac concernent uniquement les installations soumises à déclaration (en dessous d’un certain seuil de production et/ou de stockage). Au-dessus, c’est le régime de l’autorisation qui s’applique (voir article « Un arrêté préfectoral par site »).
Au sujet des installations soumises à déclaration, les seules concernées par les arrêtés préfectoraux, il convient de distinguer plusieurs cas de figure : installations existantes, extensions d’installations existantes, installations nouvelles. Les prescriptions réglementaires peuvent varier d’une situation à l’autre.
nouveautés 2008
Quelles nouveautés sont introduites par les arrêtés 2008 ? En ce qui concerne les distilleries, deux nouveautés majeures sont à retenir, le foyer inversé et la réserve incendie. Le foyer inversé, c’est l’équipement par lequel la flamme et l’alcool sont séparés par un mur (d’un côté la chaudière, de l’autre le local technique avec l’accès au foyer). Les distilleries déclarées en préfecture depuis le 1er juillet 2008 doivent obligatoirement en être dotées. Par contre les installations antérieures au 1er juillet 2008 ou les extensions d’installations existantes en sont dispensées lorsque l’extension ne s’accompagne pas d’une modification du bâtiment. Autre nouveauté pour les distilleries : la réserve incendie. Par réserve incendie, il faut entendre soit une réserve d’eau de 120 m3 à moins de 200 m du bâtiment, soit un poteau incendie d’un débit de 60 m3/heure. Cette fois, la réglementation ne distingue pas entre ancienne et nouvelle installation. La prescription vaut pour tout le monde avec, cependant, un délai de mise en conformité pour les distilleries couvertes par la déclaration d’antériorité de 1998 (délai jusqu’au 1er janvier 2012). Pour le reste – isolation des distilleries par rapport aux tiers, mise aux normes électriques – le nouveau texte n’apporte pas de changements particuliers par rapport à la précédente version de 1996.
Les arrêtés préfectoraux ICPE sont consultables sur www.cognac.fr
En ce qui concerne les chais de vieillissement, les évolutions se limitent à quelques points. L’arrêté distingue dorénavant deux types de chais : les chais < à 300 m2 et les chais > à 300 m2.
Pour les chais < à 300 m2, il se borne à prévoir un calendrier de mise en œuvre des prescriptions déjà existantes : cuvette de rétention interne (1), protection incendie classique (2). Les délais d’exécution des travaux varient selon qu’il s’agisse de chais existants ou de nouveaux chais, au regard de la déclaration d’antériorité de 1998.
Les chais > à 300 m2 se voient, quant à eux, imposer de nouvelles obligations : une cuvette de rétention externe et la réserve d’eau calculée en fonction de la surface réelle du chai. Là aussi les délais diffèrent selon la nature du chai (existant ou nouveau).
La plupart des prescriptions applicables aux ICPE trouvent leurs origines dans la protection des tiers. Objectif ? Eviter que l’incendie se propage aux voisins. C’est pourquoi les arrêtés préfectoraux 2008 consacrent un chapitre entier aux règles d’isolation des chais comme des distilleries. En matière de comportement au feu des murs séparant les chais ou la distillerie d’un bâtiment contigu, le principe de base repose sur un mur coupe-feu 4 H ou son équivalent. Un parpaing classique de 20 cm, « c’est 3 H » signalent les pompiers. Les parpaings de 15 cm pleins assurent quant à eux une isolation 4 H. Aujourd’hui tous les matériaux de construction sur le marché affichent leur niveau d’isolation au feu. Avant de commencer la construction d’un chai ou d’une distillerie, il convient de se renseigner auprès des fournisseurs de matériaux. Que se passe-t-il pour les vieux chais ou des distilleries existantes, contigus à un bâtiment appartenant à un tiers ? Les murs de moellons traditionnels sont considérés comme coupe-feu 4 H. Si les installations existantes ne sont pas « aux normes », elles auront jusqu’au 1er juillet 2012 pour se mettre au diapason. Un délai ramené au 1er novembre 2008 si les bâtiments touchent un ERP, un établissement recevant du public comme une école, un hôtel… Pour les bâtiments neufs, le respect de ces règles d’isolation a un effet immédiat. Elles font parties intégrantes du permis de construire.
Contact
BNIC (Céline Rayer) : 05 45 35 60 00
DRIRE Poitou-Charentes : 05 45 38 64 50
SDIS Charente : 05 45 39 35 00
SDIS Charente-Maritime : 05 46 93 84 75
Outre les dispositons les plus importantes vues ici, les arrêtés préfectoraux « chais de vieillissement » et « distilleries » comportent bien d’autres informations utiles à connaître (accessibilité, installations électriques, consignes de sécurité, distances à respecter…). Il convient donc de consulter au moins une fois les deux arrêtés préfectoraux, disponibles sur le site internet du BNIC (www.cognac.fr). Avant la création ou la transformation d’installations, il peut être également très profitable de se rapprocher du BNIC, de la DRIRE ou des SDIS (voir contact). En amont de l’installation, la personne chargée du dossier à l’interprofession, comme les spécialistes de la DRIRE ou les pompiers, sont à même de dispenser conseils et solutions de bon sens. Les erreurs sont toujours contre-productives et parfois coûteuses. Mais surtout Bernard Lizot et le commandant Ozenne, du SDIS Charente, insistent sur la responsabilité des exploitants en cas de sinistre. « Outre les contrôles de l’Administration, le principal risque c’est que les assurances ne couvrent pas le sinistre. Avant toute chose, elles vont regarder si l’exploitant a respecté les obligations. S’il y a une faille, elles ne paieront pas. Les statistiques nous apprennent qu’un sinistre mal couvert se conclut dans 70-80 % des cas par un dépôt de bilan dans les trois ans qui suivent. En se mettant au clair vis-à-vis de la réglementation, c’est leurs outils de travail que les opérateurs défendent. »
* DRIRE : Direction régionale de l’Industrie de la Recherche et de l’Environnement.
(1) Cuvette de rétention interne : comme son nom l’indique, cette cuvette se situe à l’intérieur du chai. Destinée à confiner les écoulements de liquides inflammables, sa capacité doit représenter 50 % de la capacité maximale du chai. Un seuil de parpaings devant la porte d’entrée peut suffire à sa réalisation.
(2) Dispositif incendie classique : réserve d’eau de 120 m3 disponible en moins de 2 heures, distante de moins de 200 m, ou borne incendie d’un débit de 60 m3/h.
Distilleries et chais
Déclaration/autorisation : les seuils
Pour les distilleries, le seuil entre régime de déclaration et régime d’autorisation s’élève à 500 l AP par jour. Il correspond à un « pic » de production journalière prenant en compte le « cœur » du Cognac, sans les têtes ni les queues. Production < ou égale à 500 l AP/jour : régime de déclaration – Production > 500 l AP/jour : régime d’autorisation. Le seuil de 500 l AP/jour correspond à la production de Cognac de deux alambics, l’un de 25 hl et l’autre de 20 hl vol de charge.
Pour les chais de vieillissement, jouent les limites suivantes – Volume stocké compris entre 50 m3 (500 hl vol.) et 500 m3 (5 000 hl vol.) : régime de déclaration – Volume stocké supérieur à 500 m3 (5 000 hl vol.) : régime d’autorisation.
Les chais et distilleries soumises au régime de l’autorisation relèvent de la procédure de l’arrêté préfectoral par site, dit encore arrêté individuel d’autorisation.
Distilleries – Installations classées
Le seuil des 500 l AP de production journalière
Aujourd’hui, les 500 l AP de production journalière sur un même site de distillation constituent le seuil réglementaire entre régime de déclaration et régime d’autorisation. Ce seuil correspond à la production de deux chaudières, l’une de 25 hl de charge, l’autre de 20. La profession voudrait hausser ce seuil à la production de trois chaudières de 25. Le dossier n’est pas gagné d’avance.
Dans le cadre du groupe de travail « distilleries », la demande des bouilleurs de cru a été exprimée et défendue par Bernard Laurichesse et Alain Bodin, du SGV Cognac. Les arrêtés préfectoraux sur les distilleries sortis en juin 2008 maintiennent le seuil des 500 l AP/jour. Pour autant, tout espoir de changement n’est pas perdu. Si la modification était acceptée par l’administration centrale chargée des installations classées, il suffirait de substituer un chiffre à un autre, sans avoir besoin de reprendre de nouveaux arrêtés préfectoraux. Mais le dossier n’est pas aussi « gagnable » qu’il y paraît. Lors de la réunion bilan du 3 juillet, des participants proches des services de l’Etat ont laissé entendre que « la demande pouvait se retourner contre les intéressés eux-mêmes et le remède se révéler pire que le mal ». « Le pic de production journalière de 500 l AP, ont-ils dit, correspond au maximum autorisé par la norme pour les déclarations. On pourrait très bien imaginer se retrouver en dessous des deux alambics. De toute façon, il paraît difficile que l’Administration revienne en arrière. Cela ne va pas dans le sens du moment. » Les bouilleurs de cru ne l’entendent pas forcément de cette oreille. Ils persistent dans leurs demandes, surtout qu’ils n’avaient pas vraiment eu le sentiment qu’on leur opposa de démenti jusqu’à présent. Alain Bodin expose les arguments de la profession : « Une ambiguïté réside autour de ce pic de production journalière. Effectivement deux chaudières de 25 hl de charge produisent aux alentours de 640 l AP. Mais la distillation charentaise est une distillation à double chauffes. Nous distillons tous les deux jours. Ramenée à la journée, la production de deux 25 se situe bien en deçà du seuil des 500 l AP (640 l AP : 2). Nous sommes alors largement dans les clous. » La profession demande que le régime de déclaration s’applique aux distilleries comptant trois alambics de 25 sur un même site. Elle justifie sa position par le calcul vu plus haut mais aussi par la prise en compte d’une certaine réalité économique. « Les exploitations se concentrent. Les structures de 60 ha de vignes ne sont plus l’exception. Il semblerait normal qu’elles puissent continuer à distiller sans trop de difficulté, en n’ayant pas le souci de solliciter un arrêté préfectoral individuel. » Pour appuyer leur point de vue, les viticulteurs reviennent à l’essence même de la réglementation : protéger les tiers du risque. « Des distilleries qui explosent, qui flambent, vous en connaissez beaucoup ! S’il y en avait dix tous les ans, on comprendrait, mais ça n’est pas le cas. »
que le chantier démarre
Les professionnels conçoivent que le dossier ne puisse être bouclé dans la minute. Mais ils souhaiteraient que le chantier démarre quand même assez vite. Ils comprennent fort bien que dans ces domaines, toutes les compétences et tous les appuis soient nécessaires, y compris ceux des autres régions de France concernées par la double distillation, l’Armagnac et le Calvados. « Pour avoir des chances de passer, le dossier devra être national. » Il va donc falloir que les syndicats s’arment de patience s’ils veulent l’emporter. Pendant ce temps, les bouilleurs de cru vont devoir accepter de jouer le principe de réalité. A tout prendre, il vaut encore mieux le régime de l’autorisation que se priver d’une chaudière.
0 commentaires