Frédéric Fougeret, agriculteur à St-Aulais (16)

12 mars 2010

Frédéric Fougeret fait partie de la petite dizaine d’agriculteurs à intégrer le groupe CIVAM du sud-Charente. Depuis 2002, il pratique le semis direct sous couvert. Son approche ? Travailler le moins possible le sol pour respecter la faune, en s’inspirant du modèle de la prairie naturelle ou de la forêt. Il défend une agriculture dite « de conservation » qui se donne pour objectif de produire moins cher et plus propre.

Chez cet homme de 42 ans, la réflexion sur les pratiques culturales remonte loin, très loin. Elle s’inscrit presque dans ses gènes. Dans la saga familiale, on se souvient de ce grand-père qui avait arrêté de cultiver ses vignes dès la fin des années 40. Si des terrains en pente, sensibles au ravinement et le calcaire actif, propice à la chlorose, justifiaient amplement ce choix, il n’en restait pas moins audacieux pour l’époque. Les années 50 voient l’arrivée des premiers désherbants. Enfant, F. Fougeret se souvient d’allées de vigne « comme des terrains lunaires ». Et puis des problèmes de toxicité phyto viennent se greffer là-dessus. Une visite à un CETA de la région d’Angers qui pratique l’enherbement du vignoble pour des questions qualitatives a raison du désherbage. L’enherbement contrôlé des allées de vigne démarre sur l’exploitation en 1981. Entre Barbezieux et Blanzac, Frédéric Fougeret et sa famille cultivent sur plusieurs sites 170 ha de terres dont 17 ha de vignes. En 1996, Frédéric Fougeret, qui a suivi une formation agricole classique – BEP, Bac pro, BTS – franchit le pas sur les céréales. Ce sera le semis direct, avec le fameux semoir brésilien Semeato qui, depuis 1977, affiche son savoir-faire en matière de semis direct sous couvert. Cette option du semis direct, d’abord adoptée pour des raisons d’économie de coût, s’assortit très vite d’une approche agronomique et quasi sociétale. « J’aime mon métier et j’ai envie de le prolonger longtemps. Produire moins cher et plus propre m’apparaissait comme une voie d’avenir, la plus proche des attentes de la société. En plus, elle satisfaisait ma conscience. » Une rencontre va étayer cette conviction personnelle, celle d’un agriculteur chilien, Carlos Crovetto, venu animer une conférence à Tours en 2002. Entraîné par un copain, Frédéric Fougeret découvre, avec Carlos Crovetto, les principes de l’agriculture de conservation. Cette agriculture, différente de l’agriculture conventionnelle mais aussi de l’agriculture bio ou de l’agriculture raisonnée, s’abreuve à la fontaine de l’agronomie. Elle se définit par un respect scrupuleux du sol, la défense de sa faune (vers de terre et autres collemboles, cloportes, crustacés) et de sa vie microbienne. « Quand vous subissez une tempête tous les ans, qui détruit tout sur son passage, vous avez du mal à reconstruire derrière. C’est pareil pour le sol. Les travaux culturaux produisent de profondes fissures, qui dégradent la vie du sol. En fait, le modèle de l’agriculture de conservation, c’est la prairie naturelle, la forêt. » En plus du semis direct, l’idée fondatrice consiste à implanter des engrais verts entre la récolte et le semis, pour ne pas laisser le sol nu. Car il n’échappe à personne qu’un sol nu s’abîme, devient plus compact. Mais, avant le semis, le couvert végétal doit être détruit. Pour ce faire, quand les bio travaillent le sol, les tenants de l’agriculture de conservation, eux, préfèrent utiliser un peu de désherbant. Leur credo ! La matière organique, véritable poumon de la terre. Elle structure le sol et s’attaque aux molécules phyto. Les adeptes de la culture de conservation gagnent aussi en temps de travail. Frédéric Fougeret s’en aperçoit assez vite. « Là où je passais quatre heures dans les champs, je n’en passe plus qu’une heure. Pourtant je ne pars pas en vacances. J’en profite pour lire, me documenter, rencontrer des gens, aller à des réunions. C’est pas compliqué, il suffit d’être attentif et ouvert. » Ses informations, il les piochent d’abord dans des journaux classiques – la France Agricole – puis dans des revues plus spécialisées comme TCS pour « Techniques de cultures simplifiées ». De fil en aiguille, l’agriculteur intègre des groupes, des réseaux comme la FNAC (Fédération nationale de l’agriculture de conservation des sols) ou l’APAD (Association pour la promotion d’une agriculture durable). Le CIVAM s’inscrit dans ce panorama, au même titre que les autres associations. A la protection des sols viennent se greffer tout naturellement des compléments, tels que la lutte intégrée, l’agroforesterie ou le BRF, Bois raméal fragmenté. La lutte intégrée fait la part belle à un partenaire de choix, la biodiversité des cultures. Le raisonnement est simple : plus vous diversifiez les cultures, plus vous diversifiez la faune, celle des parasites comme celle des auxiliaires. F. Fougeret multiplie donc ses « entrées cultures ». De quatre, elles passent à une dizaine : lin oléagineux, avoine, orge, blé protéagineux, féverole, pois, maïs pop-corn, sorgho, sarrasin… De même, disposant de temps, il se met à produire les plantes qui lui serviront de couvert végétal, la gesse qui apporte de l’azote organique au sol, l’avoine fourragère triploïde, la cameline, la phacélie, d’autres plantes grasses. L’agroforesterie représente un autre volet. Apparemment, ce champ d’expérimentation aiguise la curiosité de l’agriculteur. Sur une même parcelle, on va produire du bois et des cultures. Tous les 25 mètres, une rangée d’arbre est implantée. A la création paysagère vient s’ajouter l’espoir de voir nicher des prédateurs, chauves-souris et autres bestioles friandes d’insectes. Au départ, toutes les cultures sont possibles mais ensuite, il faudra sélectionner les cultures d’été, style blé, orge, non concurrencées par le feuillage. Quand les racines des cultures occupent les premiers 50 cm de terrain, les racines des arbres colonisent les couches plus profondes, pompent l’eau et récupèrent les engrais. F. Fougeret conduit déjà 5 ha de la sorte.

Avec le Bois raméal fragmenté (BRF), il s’agit de copier la forêt. Les bactéries, véritables usines à régénérer le sol, adorent la cellulose. Pour en restituer au sol, on peut se servir des débris végétaux récupérés dans les déchetteries ou bien produire soi-même sa propre matière ligneuse, en pratiquant la taille courte de taillis, haies, têtards… Plus la source est proche de la parcelle, moins elle coûtera cher à utiliser. Frédéric Fougeret exploite également 15 ha de peupliers et une plantation de chênes truffiers. En dehors du désherbant, il n’emploie ni fongicide ni insecticide.

Comment les pratiques de l’agriculteur sont-elles perçues par son entourage ? A coup sûr, elles déroutent et interpellent. Au départ, certains ont eu la dent dure. Mais l’agriculteur n’a pas répliqué. « Mordre pour mordre, ce n’est pas ma manière. » Il n’a jamais cherché à faire de prosélytisme, pas plus qu’il dénigre ceux qui travaillent le sol. « Notre méthode, dit-il, n’est pas sans rencontrer des problèmes. Par exemple, la terre reste froide plus longtemps. Certains collègues ont même fait machine arrière. Au niveau des rendements, c’est clair qu’ils sont bien plus bas qu’en agriculture conventionnelle. Mais le niveau de charge n’a rien à voir non plus. Au final, le revenu – ce qui reste du chiffre d’affaires après avoir déduit les charges – est équivalent. Mon comptable n’est pas content mais mon conseiller de gestion me comprend très bien » résume l’agriculteur. Bien sûr, son environnement professionnel a évolué. « Le marchand de matériel, je ne le vois plus, pas davantage que le marchand de produit phyto. Pour le peu qu’il me faut, je me débrouille tout seul. On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. » « En fait, dit-il, dès le départ j’ai toujours cherché à être plus autonome et plus économe. J’ai l’impression d’être cohérent avec mon choix de
vie. »

A lire aussi

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

C'est un constat qui a fait le tour des médias, sportifs ou non: l'US Cognac va très mal. Malgré les efforts de Jean-Charles Vicard pour tenter de redresser la barre, le club se retrouve dans une difficile situation financière.  La direction a de fait décidé d'envoyer...

error: Ce contenu est protégé