Il y a pourtant un terrain où du chemin reste à faire : celui de la féminisation des fonctions. Avez-vous jamais entendu parler de « bouilleuse de cru » ou de « maîtresse de chai » alors que des femmes occupent ces postes. A décharge, il faut dire que cela sonne mal. Mais la faute à qui ? A la terminaison ou à la terminologie elle-même, si archaïque, si désuète. Un contemporain peut-il se représenter le métier de « bouilleur de cru » ? Et un maître de chai, cela vous sent son 19e siècle en diable. Tiens ! Proposons un chantier aux femmes : actualiser les noms des métiers du Cognac. Les deux sexes y gagneraient.
« A l’honneur »
C’est à l’invitation de Bernard Peillon, président de la Maison Hennessy, que cette première manifestation s’est tenue. Florent Morillon, le directeur amont de la société, a assuré que l’initiative ne resterait pas sans lendemain. « Les femmes travaillent souvent en coulisse. Nous avons eu envie de les mettre à l’honneur. »
Au château de Bagnolet, se sont retrouvés viticultrices, courtières, « bouilleurs de profession », directrices de syndicat ou d’interprofessions, salariés, chefs d’entreprise. Un parterre composite qui ne cachait pas son plaisir d’être réuni. Car les femmes ont tant de choses à se dire ! Et de façon si différente des hommes. Si un bastion résiste, c’est bien celui du diktat du discours masculin en réunion. Tendez un micro à une femme. Elle n’en abusera jamais. Expérience vérifiée le 8 mars.
Béatrice Soucaret – Vignobles Garandeau, présidente de l’Union patronale de Charente – a dit en peu de mots qu’il n’était pas toujours facile que les filles succèdent à leurs pères et que, tout compte fait, elle était plutôt favorable à la parité. « J’ai mûrie sur le sujet. » Une belle phrase tirée du livre d’une sociologue a conclu son intervention : « Les femmes ne sont pas des hommes comme les autres. »
« Un travail physique et pas intellectuel »
Anne-Sophie Louvet a parlé de son envie « d’un travail physique et pas intellectuel », elle qui avait pourtant suivi des études scientifiques. Elle est revenue à Mazotte (commune de Segonzac) et a mené en solo son exploitation. Elle a attendu une bonne vingtaine d’années avant de s’associer avec son mari.
Isabelle Clochard, de Moulidars, n’était pas prédestinée, « en droit », à travailler dans les vignes. Mais son frère a décliné la proposition et lui a cédé la place. Elle a repris l’exploitation en 1997. Isabelle Clochard a glissé sur un parcours fait d’engagements syndicaux et professionnels.
Co-directrice d’une grande distillerie de la région, Aude Drounau a quatre enfants. « Plus la famille grandissait, plus j’ai travaillé. Cherchez l’erreur ! » a décoché en riant la jeune femme. Elle a salué le fait qu’un homme et une femme – ses parents – « lui aient ouvert le chemin ». « La femme a une vision bien plus précise des choses, l’homme une approche plus globale. »
Directrice du syndicat UGVC, Marlène Tisseire a témoigné que, dans son recrutement, la question du genre n’était pas intervenu. « Dans le monde du Cognac et plus généralement celui du vin, je n’ai jamais ressenti ce genre de débat. Le milieu professionnel est bien plus évolué que la société en général et le Cognac est vraiment précurseur dans le domaine. » En témoignent les institutions régionales (Cognac, Pineau, CRINAO, Chambre d’agriculture 16…) dirigées par des femmes.
Les statistiques agricoles témoignent aussi de cette évolution en marche. Dans le Sud-Ouest, lors du dernier recensement 2010, 25 % des exploitations étaient dirigées par des femmes (28 % en viticulture).