Hennessy – Vignoble au féminin : 100% femmes

14 avril 2017

Ne boudons pas notre plaisir. Qu’est-ce que ça fait du bien d’être entre filles. Surtout  quand ces filles, on les prend au sérieux. Interventions très relevées pour public concerné. C’était la 5 ème édition du « cluster » Vignoble au féminin proposé par Hennessy.

Il fut un temps où la déco de la maison tenait lieu de viatique quand les femmes figuraient dans le cercle. Puis on est passé au développement personnel, sujet dans le ton en ces temps d’introspection post post. Et si on leur parlait technique, à ces femmes viticultrices totalement investies dans leur activité, même si certaines l’exercent à temps partiel. C’est ce qu’a pensé la maison Hennessy pour sa 5 ème édition de Vignoble au féminin et elle a eu raison. Ce mercredi 8 mars, la matinée fut consacrée à la découverte de la Cité des civilisations du vin à Bordeaux, visite incontournable d’un outil oenotouristique devenu très vite emblématique d’une région, d’un univers, un an à peine après son ouverture. L’après-midi, la société hennessy avait souhaité mettre l’accent sur la viticulture durable mais pas que. Elle a offert aux 200 viticultrices présentes un joli plateau composé de trois « femmes fortes » : Sylvie Cazes, Sandra Duboscq, Lætitia Four.

Dire que Sylvie Cazes est une figure marquante de la place de Bordeaux relève de la tautologie. Présidente du conseil de surveillance du groupe familial Domaines Jean-Michel Cazes (Château Lynch-Bages à Pauillac, Ormes de Pez à Saint Estèphe, Villa Bel Air dans les Graves, l’Ostal Cazes dans le Minervois, Domaine des Sénéchaux à Chateauneuf du Pape…) elle a racheté avec ses trois enfants une exploitation de 15 ha proche de Sant Emilion, château Chauvin. « Femme d’engagement et de convictions », elle présida un temps  l’Union des grands crus de Bordeaux. Très investie dans l’œnotourisme elle possède une agence oenotouristique, l’Agence Bordeaux Saveurs, ainsi qu’un restaurant étoilé, le Chapon fin. Cette proche d’Alain Juppé préside aujourd’hui le conseil d’administration de la Cité des civilisations du vin.

 Sandra Duboscq exerce la profession d’œnologue consultante à l’Oenocentre de Pauillac. Cette jeune femme longiligne et sans apprêt conseille depuis dix ans 45 propriétés viticoles (sur les 250 adhérents du Centre) dans ce fief du Médoc, haut lieu de la viticulture française.

Lætitia Four, les Charentais (ses) commencent à bien la connaître. Responsable Environnement à la Station viticole du BNIC, c’est elle qui porte depuis deux ans le dossier « Référentiel viticulture durable » de la filière Cognac.

Devant les femmes du Cognac, Sylvie Cazes s’est livrée à une présentation dynamique de la région bordelaise. « Vous avez une appellation, le Cognac, nous en avons 59 ou 60. C’est bien trop sans doute. Voilà pourquoi s’opère une tendance au regroupement, dans les Côtes notamment. Menée par le CIVB, l’interprofession bordelaise, l’enjeu consiste à rééquilibrer la pyramide des vins, avec une premiumisation du milieu de gamme. Nos châteaux viticoles, qu’il faut considérer au sens de « single vineyards », sont très nombreux, plus de 7 000 et beaucoup sont de petites tailles (moins de dix ha de vignes), ce qui peut être un vrai souci vu des Etats-Unis ou de Chine. Si l’on y ajoute les différents classements – de 1855…- on aura une idée de la complexité à s’y retrouver. Mais cela fait aussi partie du charme de la région bordelaise. Côté négoce, celui-ci n’est pas concentré comme chez vous. Un atout, un handicap ? En tout cas, aujourd’hui, à  travers le négoce bordelais, ce sont 5 000 commerciaux qui voyagent dans le monde entier comme autant d’ambassadeurs. Ils sont relayés par l’action d’associations telles que l’Union des grands crus de Bordeaux dont je fus un temps présidente. Une centaine de viticulteurs, parmi les plus grands crus, font la promotion du Bordeaux sur tous les continents. Chaque année, cela représente plus de 35 000 contacts professionnels. Une autre force de frappe tient au budget promotion du CIVB, de 23 millions d’€, hors frais de fonctionnement. L’action du CIVB se focalise essentiellement sur la promotion du nom Bordeaux et de sa région.» Sylvie Cazes a pointé les grands marchés du vin de Bordeaux – « En tout premier lieu la Chine, un marché où les consommateurs ont découvert le vin. L’absence de taxe à Hong-Kong a joué comme un appel d’air. Viennent ensuite les marchés allemand, belge, anglais, américain. En volume, ce sont les cinq premiers marchés du Bordeaux. »

Devant les femmes du vin, Sylvie Cazes a tenu à témoigner de son intime conviction. « On entend souvent dire – « Le bio, c’est bon ». Je m’insurge contre cet amalgame. Non que je sois contre le bio, je suis contre la tendance qui consiste à vouloir faire du bio une marque, synonyme de qualité. Cette idée me choque. C’est accorder peu de prix à tous ces processus de labellisation HVE (Haute valeur environnementale) qui voient le jour  au vignoble. » Lors du temps d’échanges, les femmes, d’abord silencieuses – « C’est la première question la plus dure » – ont débattu avec passion du sujet.

Avant cela, la présidente du conseil d’administration de la Cité du vin avait évoqué « le voyage immersif »  que constituait une visite à la Cité du vin. « Notre objectif est d’attirer 400 000 touristes par an. C’est parfaitement réalisable. Bordeaux n’accueille-elle pas, annuellement, six millions de visiteurs. Il y a de la marge ! » 

Tout compris – construction, scénographie…- la Cité du vin aura coûté 81 millions d’€. Une partie significative – 20 millions d’€ – a été financée par 80 mécènes, tous issus de la filière. « Nous sommes le seul lieu culturel français à avoir fonctionné de cette manière. On vient nous voir de partout pour cela» a témoigné Sylvie Cazes.

Les organisateurs avaient demandé à Sandra Duboscq de parler des grandes évolutions techniques qui, ces vingt dernières années, ont pu améliorer les vins de Bordeaux et les vins en général. La jeune oenologue a attaqué ferme en disant que le vin « était une erreur de la nature. » « Si on laisse des raisins dans une cuve, sans rien faire, il y a de fortes probabilités qu’ils deviennent du vinaigre. » Pour l’œnologue, un vin de qualité est celui qui exprime le fruit. « Nous, vinificateurs, avons un rôle de révélateur ». Sur les 20 / 30 dernières années, une grosse évolution lui semble être venue des analyses de maturité. « Dans le passé, existaient quelques analyses très très basiques. Aujourd’hui, la date de vendanges est devenue stratégique. Elle se base sur la dégustation et une batterie d’analyses. » Si l’hygiène fait partie des prérequis, l’œnologue a inditifé un autre trio gagnant, celui du « tri, du froid, du gaz ». « Le tri systématique, même simple, améliore la qualité. Après, il y a le gaz, pour protéger et le froid, qui est devenu la norme aujourd’hui, toujours  pour récupérer le caractère du fruit. »

Quand Sandra Duboscq parle de froid, elle entend bien sûr la thermorégulation, c’est-à-dire le chaud et le froid. « C’est ce qui nous a permis de ne plus subir le processus de vinification mais de contrôler les populations levuriennes. » Une vinification trop chaude, c’est une certaine quantité d’arômes qui part. Un de ses maîtres en œnologie ne lui disait-il pas – « Ce qui sent dans le chai, ça n’est plus dans le vin. » Une vinification trop froide.. .les levures sont bien présentes  mais ce ne sont pas les bonnes. « La température joue sur la durée de fermentation. Une fermentation alcoolique trop rapide et les levures n’ont pas le temps d’aller chercher tous les précurseurs aromatiques ; une fermentation alcoolique trop longue entraîne un « masquage aromatique ». Car le vin n’est pas fait par l’homme mais par la population microbienne. » Et Sandra Duboscq de conclure – « Le vin naturel n’existe pas. L’évolution technologique nous a permis d’aller chercher le maximum de fruit et de le garder. »

« Répondre aux trois piliers, économique, protection de l’environnement, progrès social, c’est le sens de la viticulture durable » a dit Lætitia Four, du BNIC. Devant les viticultrices de Charentes, elle a présenté le Référentiel Viticulture durable, « un outil de filière conçu pour permettre à chacun de progresser à son rythme et monter en performance. »

Après son exposé, l’équipe d’Hennessy a conclu la journée : Renaud Fillioux de Gironde, maître de chai, Cécile François, directrice de la communication institutionnelle, Renaud Camus…Habituellement présents à la journée, Florent Morillon, directeur amont et Clotilde Gielen-Taton, responsable de la communication régionale étaient pour leur part retenus  à Paris. Avant de regagner les bus, le groupe a été convié à participer à la traditionnelle photo, cette fois devant la Cité du vin après l’avoir été, il y a deux ans, devant la fondation Louis Vuitton à Paris.

 

                                  Indiscrétion

 

Les viticultrices charentaises l’auront-elles remarqué ? Le Cognac n’est présent nulle part parmi les dix-huit thématiques proposées par la Cité des civilisations du vin, pas plus que l’Armagnac ou d’autres eaux-de-vie de vin. Alors oubli, impasse ? La filière Cognac en ai persaudé -« C’est une volonté déterminée de la Cité du vin d’avoir exclu les spiritueux, considérés comme « alcools forts » par comparaison au vin, « alcool doux ». Ce discours récurrent par le passé, a tendance à s’estomper même au sien des réseaux viticoles. Mais, manifestement, Mme Cazes ne fait pas partie de ces réseaux. » Car à Cognac, certains en sont sûrs : c’est au lobbying exercé par Sylvie Cazes, la présidente du conseil d’administration de l’institution, que le Cognac et les autres eaux-de-vie de vin doivent d’avoir été exclu de la Cité des civilisations du vin.  « Ni Alain Rousset, ni Alain Juppé ni Bernard Farges (président du syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur n’ont plaidé dans ce sens. » Une mise à l’écart que la filière Cognac ne peut s’empêcher de regretter.

 

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