« Le vieux, c’est le temps, l’élégance c’est la rareté »

18 mars 2009

La maison de négoce a inauguré sa nouvelle salle de dégustation en même temps que s’ouvrait l’exposition Sempé. Autour de six Cognacs, Yann Fillioux, maître de chai, s’est livré à un commentaire de dégustation en « live ». Un moment d’exception, où se sont révélées quelques clés de compréhension du métier.

photo_222.jpgDevant plusieurs personnalités officielles (H. de Richemond, J. Bobe, B. Guionnet, président du BNIC, le sous-préfet de Cognac…), des membres de la société Hennessy, des journalistes et Sempé lui-même un cours moment, Y. Fillioux a présenté six Cognacs. Il a commencé par une eau-de-vie de Grande Champagne de la récolte 2002, issue de la distillerie du Peu, à Juillac-le-Coq. « Il s’agit, a-t-il dit, d’un très bon Cognac, comme nous en achetons chaque année via nos distillateurs, bouilleurs de cru, Sica. » Cette « mise en jambe » étant faite, la dégustation s’est poursuivie par un Cognac Fins Bois de l’année 2000 provenant de la distillerie Izambard, des Touches-de-Périgny. « Nous aimons beaucoup les Fins Bois de Matha » a commenté le maître de chai avant de souligner une caractéristique de ce Cognac, la finesse du bois. « Le bois est très présent mais d’une finesse remarquable. Quand vous percevez cette finesse, c’est qu’elle vient du chêne sélectionné depuis ses origines puis vieilli trois ans à l’air libre avant d’être transformé en barriques. » Le troisième échantillon concernait une eau-de-vie de 1990. « Il n’y a pas qu’une distillerie qui fasse bon dans la société mais ce Cognac vient encore du Peu » a indiqué Y. Fillioux. L’année 1990, il a tendance à la considérer comme probablement la meilleure année depuis 15 ans. « Je ne parle pas de 2000 qui sera sans doute très bien pour les meilleures eaux-de-vie mais globalement, 1990 se situe en tête. » « 1990, une année de grosse, grosse récolte » a-t-il ajouté. « C’est sans doute en partie pour cela que nous avons du mal à nous comprendre avec les gens de l’INAO, dont la culture consiste à associer la qualité au rendement le plus faible. Pour le Cognac, un faible rendement est générateur de qualité moyenne voire très moyenne. Un de nos fournisseurs qui se classe presque toujours parmi les premiers en terme de qualité est quelqu’un qui arrive régulièrement en limite de quota. La qualité en Charentes tient à des rendements plutôt forts, associés à des degrés de 9 ou 9,5 % vol. Ce sont ces éléments qui donnent de très bons Cognacs. »

« nous allons dans l’exceptionnel »

Restaient trois échantillons à déguster. « Jusqu’à présent, nous avions dégusté de bons Cognacs, je pense que nous allons dans l’exceptionnel » a suggéré Yann Fillioux à l’endroit de ces eaux-de-vie. La première portait sur une Petite Champagne 1970 Pierre Fillioux. « En tant que distillateur Hennessy, mon père a produit quelques Cognacs qui font parties de nos grandes références qualitatives. Sur une échelle de 0 à 20, ce Cognac atteint 19,5. » Le maître de chai s’est alors livré à un commentaire plus fouillé sur ce que l’on peut appeler le « potentiel » des eaux-de-vie et sur la notion « d’élégance ». « Parmi les 1 000, 1 500 ou 2 000 échantillons d’eaux-de-vie nouvelles de l’année 1970, il y en avait peut-être dix qui possédaient le potentiel d’arriver à ce niveau d’exception. Si notre métier consiste à acheter des Cognacs pour élaborer des V.S ou des VSOP, l’art du maître de chai est aussi de détecter le potentiel de ces eaux-de-vie d’exception afin de les mettre de côté et les faire vieillir très progressivement. Il y a plusieurs façons d’exercer notre activité : mettre dans la cuve A les eaux-de-vie réceptionnées le lundi, dans la cuve B celles réceptionnées le mardi et dans la cuve C celles du mercredi. Ou alors disposer de trois cuves et placer ce qui est correct dans la cuve A, ce qui est “plus” dans la cuve B et ce qui est “plus, plus” dans la cuve C, en se réservant la possibilité de mettre de côté l’exceptionnel en le laissant vieillir tout seul. J’ajouterai que l’on ne peut bien exercer ce métier que si l’on a du choix. Ce n’est pas la même chose d’être obligé de conserver 9 éléments sur 10 ou 3 éléments sur 10. Aussi talentueux soit-on, le talent s’exprimera mal si l’on ne peut pas pratiquer de sélection. » Et Yann Fillioux de rajouter : « Ce travail est un travail d’équipe. Nous consacrons beaucoup de temps à la dégustation chez Hennessy. La qualité est quasi obsessionnelle pour nous. » Le vieillissement a-t-il le pouvoir de transformer un Cognac moyen en un grand Cognac ? « Il y a des années qui vieillissent mieux que d’autres mais il n’y a pas de Cognac qui se révèle en cours de vieillissement. La crainte du maître de chai est de ne pas repérer ce potentiel au départ ou que le potentiel disparaisse derrière le bois en cours de vieillissement. » Sur les notions d’âge et d’élégance, Y. Fillioux émet quelques considérations intéressantes. « L’âge ce n’est que l’âge, l’élégance c’est ce qui vous apporte encore de l’émotion quand on a goûté comme moi 250 000 Cognacs dans sa carrière. Le vieux, c’est le temps, l’élégance, c’est la rareté. Il n’y a pas de mécanique de l’élégance. C’est une conjonction de talents. » Pour illustrer son propos, le maître de chai est passé directement de la théorie à la pratique en présentant l’échantillon n° 5, une eau-de-vie de Grande Champagne de 1954, distillé par Charles Yvon. En avant-propos, il a rendu hommage à cette famille de distillateurs, installée à La Sauzade, sur la commune de Gimeux. « Depuis deux siècles, la famille Yvon travaille pour Hennessy en tant que bouilleur de cru et bouilleur de profession. Dans nos stocks de vieilles eaux-de-vie, Charles Yvon et son père Robert ont produit une part importante des Cognacs d’exception. Pour nous, Charles et Robert Yvon arrivent en tête de liste. » Cette eau-de-vie de 1954 incarne la perfection pour Hennessy. « 57 ans est un âge particulièrement favorable pour un Cognac. Nous arrivons à l’harmonie entre l’élégance et l’âge. Dans le cas présent, il s’agit d’une alliance parfaite entre la finesse et le vieillissement. Ensuite, l’âge devient souvent plus présent. En tant que professionnels, nous pensons que les Cognacs de 40 jusqu’à 50-55 ans sont les plus intéressants en terme d’évolution. » « Ces Cognacs-là titrent combien ? » s’est interrogé un participant. « Autour de 30 ans, les Cognacs arrivent à 45 % vol. et ensuite, ils se stabilisent généralement d’eux-mêmes. »

« un centenaire qui se tient bien droit »

Comment pouvait-on conclure une telle séance de dégustation autrement que par du « totalement exceptionnel ». La maison a choisi de mettre en avant un Cognac « très remarquable par son âge », une Petite Champagne d’Archiac de 1900, provenant d’un viticulteur, la famille Bégouin à Réaux. Pour Yves Tricoire, « c’est un centenaire qui se tient encore bien droit. ». Confirmation de Y. Fillioux. « Il s’agit du meilleur 1900 que nous ayons. Nous en possédons un autre lot mais moins bon. » Question de la salle : un Fins Bois peut-il vieillir autant qu’un Cognac de crus centraux et notamment de Grande Champagne ? « Les Fins Bois n’arrivent pas à 100 ans avec autant de facilité. Nous avons des Fins Bois qui peuvent être extraordinaires à 30 ans mais qui, arrivés à 50 ans, n’ont pas le pourcentage de croissance d’une Grande Champagne. Au-delà de 30 ans, ils plafonnent certainement plus vite. Les meilleurs Grande Champagne vieillissent mieux que les meilleurs Fins Bois. Par contre, des Fins Bois vieillissent mieux que des Grande Champagne qui connaissent des faiblesses. Le vieillissement ne transforme pas un Cognac moyen à correct en bon Cognac. » Quelle part revêt le phénomène année dans le Cognac ? « Il y a des années qui font bonne figure au départ et s’avèrent décevantes par la suite. Par exemple 1999 se présentait plutôt bien et nous sentons aujourd’hui qu’elle a plutôt tendance à décliner. Soit il n’y a pas grand-chose qui se bonifie, soit les eaux-de-vie plafonnent très vite ou même déclinent alors qu’au départ nous leur accordions plus d’avenir. » Quand cette évolution devient-elle perceptible ? « Autour des 5 ans. Historiquement, à la maison Hennessy, il était de tradition de faire le point sur les eaux-de-vie en stock au bout de cinq ans pour apprécier leur potentiel d’avenir. » Une eau-de-vie à fort potentiel peut-elle être utilisée rapidement ? « Oui mais simplement ce serait dommage. C’est que nous n’aurions pas su faire notre métier. » Question de la salle : achetez-vous des Cognacs de très haut niveau à la viticulture ? Réponse de Yann Fillioux. « On achète du bon mais pas de l’exceptionnel. L’exceptionnel, il provient de Cognacs que nous avons rentré dès le départ. Sur les 2 000 Cognac différents que nous achetons, il y a probablement 4 ou 5 produits d’exception. Il ne faut pas les rater. Il est très rare de trouver à la viticulture un Cognac qui a déjà de l’âge et qui soit très bon. Le viticulteur ne l’aura pas fait vieillir comme nous. Il ne peut pas être au fait de subtilités qui le dépassent un peu. Nous avons un rôle et nous savons faire un certain nombre de choses. »

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