La garantie de la salubrité des productions viticoles est une question trop sensible pour prendre le risque de la traiter à la légère. Elle est encadrée par une réglementation européenne stricte qui impose à chaque entreprise d’analyser ses risques et de maîtriser ses dangers en s’inspirant de la méthode HACCP. Mais pour adapter les enregistrements à l’activité des entreprises et éviter que les PME croulent sous une charge documentaire disproportionnée, les textes prévoient des principes de souplesse et de flexibilité que les administrations appliquent dans les contrôles terrain.
Aucun produit alimentaire ne doit faire courir de danger à celui ou celle qui le consommera, que ce soit à court, moyen ou long terme. Il relève de la responsabilité de chaque producteur de s’en assurer et d’en apporter la preuve. La vocation des démarches HACCP mise en place sur la filière de Cognac est de remplir cet objectif mais ces fameux classeurs mis en place par la filière sont souvent perçus comme trop lourds à cause de la multiplication des enregistrements parfois infantilisants et déconnectés des enjeux. L’analyse des risques sanitaires de la filière n’a pourtant pas révélé de dangers graves et immédiats pour les consommateurs et les quelques risques de second plan sont en général maîtrisés par la simple mise en œuvre de bonnes pratiques en amont. Lorsqu’un dispositif n’apporte pas satisfaction, il convient parfois d’observer ce qui se passe ailleurs… Comment les milliers d’entreprises artisanales des filières agroalimentaires dites « à risque » gèrent leurs risques ? Et comment les administrations vérifient-elles les obligations administratives selon la taille des entreprises et les risques identifiés pour chaque filière ?
Les limites d’un système trop exigeant
En 2006, les services vétérinaires ont travaillé de concert avec les filières pour mettre en place le « pack hygiène » dans toutes les entreprises de l’agroalimentaire. Cette nouvelle démarche de prévention des dangers fondée sur l’écrit était une évolution culturelle à l’époque et il a fallu que les services de la DGAL accompagnent les professionnels pour qu’ils se l’approprient. Mais rapidement, ces nouvelles contraintes ont trouvé leurs limites dans les PME car lorsqu’ils sont mal dimensionnés les systèmes qualité peuvent être un frein à l’efficience et donc à la productivité de l’entreprise. « Pour produire bon et sain, il faut avant tout produire » diront certains. Si la taille et les exigences du système documentaire ne sont pas flexibles pour être adaptées à la dimension de l’entreprise, l’entrepreneur se démobilise et les objectifs minimums de sécurité alimentaire ne sont pas remplis.
L’accent sur la maîtrise du process
Quel est le sens d’une fiche d’enregistrement si on n’est pas en mesure de la tenir à jour dans le feu de l’action ? Elle conduit généralement à des enregistrements aberrants voire factices et les agents chargés de vérifier la sécurité des denrées alimentaires connaissent bien cette problématique. C’est la raison pour laquelle ils adaptent leurs exigences selon la gravité des risques et la taille des entreprises. Il s’agit donc d’un contrôle intelligent conduit dans un esprit constructif et d’échange qui accompagne les petits artisans plus qu’il ne les sanctionne. À titre d’exemple, prenons le principe de l’enregistrement journalier des températures d’une chambre froide. Il est évident que l’artisan qui passe plusieurs fois par jour devant la sonde n’a pas besoin d’écrire cette valeur sur un cahier pour intervenir en cas de panne. Si le registre de relevé n’est pas conforme, les inspecteurs de la DGAL ne s’arrêtent pas à ce constat. Ils réalisent leurs propres relevés et échangent avec le professionnel pour évaluer s’il connaît les risques inhérents aux températures de conservation de ses produits.
Bientôt une réglementation clarifiée
En 2012, une note de service de la direction générale de l’alimentation est venue préciser le principe de souplesse de contrôle (appelée aussi flexibilité) prévu par les textes européens pour les petites entreprises. Le texte prévoyait, en particulier, de permettre aux petites entreprises du secteur laitier d’alléger les exigences d’enregistrement et de conservations des documents. En matière vitivinicole, la question de la flexibilité n’a jamais été clairement précisée. La France qui va prochainement être auditée par la Commission Européenne sur la mise en œuvre de ses contrôles sanitaires devrait clarifier dans une instruction technique les principes d’un contrôle adapté à la taille des entreprises pour l’ensemble des secteurs alimentaires. Le contenu du texte n’est pas en encore dévoilé mais les critères retenus pour sélectionner les entreprises concernées par la flexibilité pourraient être le nombre de salariés (<10) et le chiffre d’affaires annuel (<2 millions d’Euros).
Flexibilité : privilégier le résultat plutôt que la forme
Au cours d’un contrôle, l’administration pourra donc s’attacher à vérifier en priorité la bonne mise en œuvre des règles d’hygiène plutôt que leur enregistrement. François Hervieu, chef du service régional de l’alimentation explique : « Au fil des 10 à 15 dernières années de contrôle, notre approche a mûri. Nous avons pris acte que les exigences réglementaires étaient, dans certains cas, inadaptées aux contraintes du terrain. Nous avons fait évoluer notre approche en nous concentrant sur le résultat plus que sur la forme. C’est une tendance générale qui touche la plupart des systèmes de gouvernance de la qualité et qui pourrait bien encore évoluer avec la réglementation à venir concernant le « droit à l’erreur ». ».
C’est la DIRECCTE qui contrôle les vins et spiritueux.
Le service de la sécurité et de la qualité sanitaire de l’alimentation (anciennement appelé services vétérinaires) est chargé de contrôler toutes les filières agroalimentaires à l’exception des vins et des spiritueux. C’est la DIRECCTE (communément appelée service des fraudes) qui s’est vue attribuer cette part du contrôle compte tenu de leur parfaite connaissance du secteur et des faibles risques sanitaires inhérente à ces productions. Nicolas Bordenave, le chef du service vins et signes de qualité à la DIRECCTE Aquitaine, explique que son administration hiérarchise les contrôles selon les types de risques, les process et le chiffre d’affaires de l’entreprise (ou le nombre de cols produits) suivant une grille de programmation pluriannuelle. Les 50 entreprises les plus à risque concentrent donc une acuité particulière des contrôles et une fréquence de contrôle plus élevée pour le bassin de Cognac. Dans le cas des viticulteurs, ce qui importe le plus, c’est l’analyse des risques et le plan d’hygiène. Une fois ce travail de fond réalisé, viennent se greffer les enregistrements récurrents. Sur ce point l’administration exige avant tout un bon système de traçabilité des lots et des intrants (registre d’entrée de raisins, cahier de chai…) et une méthode de traitement des éventuelles non-conformités.
Des contrôles pragmatiques en relation avec les risques.
« L’évaluation des pratiques d’hygiène est intégrée à notre plan de contrôle. Certains systèmes sont très documentés, d’autres le sont moins mais maîtrisent tout aussi bien les bonnes pratiques. Dans tous les cas, nous vérifions dans les faits ce qui est annoncé et pratiqué au regard de ce qui est requis en fonction de la typologie de l’opérateur.
Les exigences de maîtrise et de documentation varient ainsi selon les critères liés à l’analyse des risques : un système parfaitement maîtrisé et documenté en conséquence n’apportera pas d’observation de notre part ». Faisant preuve de pragmatisme, la DIRECCTE n’a donc pas attendu que les principes de flexibilité soient clarifiés dans une instruction technique pour les appliquer. Il va de soi que cette instruction sera pourtant la bienvenue tant pour le contrôleur que pour le contrôlé. Pour information, la France devrait prochainement être auditée par la Commission Européenne, notamment pour vérifier la mise en place des principes de flexibilité dans les contrôles.
Comment garantir la sécurité alimentaire ?
(Principes HACCP – Extraits du Règlement CE 852/2 004 du 29 avril 2004)
a) identifier tout danger qu’il y a lieu de prévenir, d’éliminer ou de ramener à un niveau
acceptable ;
b) identifier les points critiques aux niveaux desquels un contrôle est indispensable pour prévenir ou éliminer un danger ou pour le ramener à un niveau acceptable ;
c) établir, aux points critiques de contrôle, les limites critiques (…) pour la prévention, l’élimination ou la réduction des dangers identifiés ;
d) établir et appliquer des procédures de surveillance efficace des points critiques de contrôle;
e) établir les actions correctives à mettre en œuvre lorsque la surveillance révèle qu’un point critique de contrôle n’est pas maîtrisé ;
f) établir des procédures exécutées périodiquement pour vérifier l’efficacité des mesures visées
g) établir des documents et des dossiers en fonction de la nature et de la taille de l’entreprise pour prouver l’application effective des mesures visées aux points a) à f).
HACCP et Flexibilité
Une opportunité de simplification ?
Voilà plus de 15 ans que les démarches HACCP se sont généralisées à l’échelle du vignoble charentais. L’initiative des maisons de Cognac était, d’abord de garantir la sécurité alimentaire de leurs productions, mais aussi de faire évoluer les pratiques et les installations vinaires insuffisantes dans certains cas. L’objectif a été en grande partie atteint et les classeurs, plutôt denses en rapport avec les risques de la filière, sont maintenant vécus comme un moyen de rassurer l’acheteur mais qui n’a plus vraiment de sens lorsque les bonnes pratiques sont correctement mises en œuvre. Trop d’enregistrements tuent l’enregistrement ! La prochaine réécriture d’un nouveau guide des bonnes pratiques pour le Cognac et la prochaine clarification des principes de flexibilité de l’HACCP pour les PME pourrait être l’occasion pour la filière de remettre à plat le contenu du classeur HACCP régional. Tout dépendra du niveau d’obligations que se fixera la filière à elle-même pour la garantie sanitaire de ses productions.
Les systèmes de management de la qualité connaissent souvent deux grandes phases dans leur histoire. La première période qui suit la mise en place permet aux opérateurs de s’approprier la démarche. Les opérateurs sont formés, les procédures documentées de façon très détaillée et les enregistrements concernent en général chaque étape du process de façon exhaustive.
Après plusieurs années de vie, les opérateurs maîtrisent l’outil et les risques inhérents à leur activité. Les process ont généralement été optimisés mais le dispositif commence parfois à s’essouffler avec des enregistrements tenus avec moins de rigueur. Une deuxième phase intervient alors pour simplifier les supports. C’est l’histoire des classeurs HACCP mis en place dans la région de Cognac voilà maintenant plus de 15 ans. À l’époque, les conditions d’hygiène dans les chais n’étaient pas toujours aussi bien maîtrisées qu’aujourd’hui et la région découvrait ses premiers déboires concernant les matériaux au contact (phtalates). Sous l’impulsion des maisons de négoce, la généralisation de la démarche HACCP, s’est étendue à l’échelle du vignoble comme nulle part ailleurs en France.
Une démarche de filière vertueuse.
C’est la société Courvoisier qui lança la première l’initiative en 2000. À partir de 2002, chaque maison de Cognac a imposé à l’ensemble de ses livreurs qu’une démarche HACCP soit engagée dans son entreprise sur la base du guide de bonnes pratiques mis au point par la filière. Depuis, la quasi-totalité des exploitants charentais se sont formés et mis en conformité avec la réglementation. Le classeur HACCP créé par les services du BNIC en collaboration avec les professionnels (viticulteurs et négociants) comprenait à l’origine un peu plus d’une quinzaine d’enregistrements. En s’appropriant le document collectif, chaque maison est venue plus ou moins « enrichir » le support selon ses sensibilités (traitements phytosanitaires, intrants, fournisseurs, prestataires, matériaux au contact, notabilité de l’eau de lavage, etc.). L’administration de la DGCCRF chargée de contrôler la mise en œuvre des procédures sur le terrain ne s’est réellement organisée pour le contrôle que quelques années plus tard. Sur la base des principes de flexibilité applicables aux PME (cf. article page ….???) les exigences de l’administration se sont paradoxalement avérées beaucoup plus souples que celles que la filière s’était imposées quelques années plus tôt. Les viticulteurs et négociants en avaient-ils trop fait ? Certainement pas rétorquent la plupart d’entre eux. Car la sensibilisation des exploitants charentais aux questions d’hygiène et de sécurité alimentaire était une nécessité à cette époque du fait des exigences maximales attendues sur les marchés prémium.
Une attente de simplification.
Selon les exploitations, le temps consacré à la mise à jour des documents HACCP représente aujourd’hui entre 3 et 20 heures par an, hors relecture des bonnes pratiques et des « check list » en préparation des vendanges. Le différentiel de temps passé dépend du moment choisi pour l’enregistrement. Les plus lents (ils sont rares mais ce devrait être la norme) s’astreignent à tenir à jour en temps réel chaque enregistrement. Certains poussent encore le bouchon à recopier au propre chacune de ces données pour faire bonne figure le jour de l’audit face à leur acheteur. Les plus rapides enregistrent en une fois l’ensemble leurs données à la fin du chantier de récolte, parfois même avec un simple « recopier vers le bas » dans un tableur informatique. Mais sommes-nous bien, dans ce cas, en cohérence avec les enjeux énoncés ci dessus ?
Une ouverture possible
Pour Raphaël Brisson, viticulteur à Matha, le dispositif est aujourd’hui à maturité et doit évoluer. « Je pense en particulier aux certificats d’alimentarité que nous nous procurons pour l’ensemble de nos matériels et de nos intrants. C’est une obligation très chronophage dont la pertinence n’est pas toujours évidente, il faut le reconnaître. Il me semble que cette étape pourraît-être optimisée pour des produits largement référencés dans la région. ».
Gérald Ferrari, l’ingénieur de la station viticole en charge du dossier, estime que le nouveau guide des bonnes pratiques de la filière viticole sorti officiellement en 2016 pourraît-être l’opportunité de redéfinir les contours des obligations en matière de HACCP. « Le nouveau guide pose les bonnes pratiques comme un préalable ce qui devrait ouvrir des possibilités de flexibilité en matière de formalisation des enregistrements. Sur la question des matériaux au contact par exemple, le guide apporte toutes les preuves de leur alimentarité ce qui permet à chaque entreprise de s’y référer sans refaire sa propre analyse de risque ou collecter des propres certificats. »
Chaque enregistrement doit avoir du sens.
Car il n’y a rien de plus démobilisant qu’une formalité administrative dont on ne comprend pas la finalité. Prenons pour exemple une exigence tirée de la plupart des classeurs HACCP Cognac et que les viticulteurs charentais connaissent bien. Il s’agit de la vérification de la potabilité de l’eau de la concession. Chaque année, défilent dans les mairies charentaises tous les viticulteurs de la commune qui utilisent l’eau du réseau pour le lavage de leurs cuviers. L’objectif ? Se procurer la copie de l’analyse de l’eau du forage dont il dépend… En quoi cette analyse apporte-t-elle une réponse en matière de salubrité alimentaire du vin ou du Cognac en bout de chaîne ? Aucun des viticulteurs concernés ne pourrait répondre puisque les critères d’analyses concernent généralement des aspects bactériologiques et n’ont aucune conséquence dans les conditions de la vinification. D’autre part, même si un risque était identifié, le bulletin à date ne présagerait en aucune manière de la potabilité de l’eau lors de son utilisation. Mais soyons rassurés, en cas de contamination du réseau d’eau potable, le concessionnaire a l’obligation d’avertir sans délais chacun des abonnés de la zone concernée. Ce risque n’est donc qu’imaginaire. L’exemple peut faire sourire mais il touche du doigt les limites d’un système qualité surdimensionné par rapport aux risques et qui ne tient pas compte du quotidien des entreprises, particulièrement sur les questions administratives.
Maîtriser les points critiques et tracer…
Pour la filière du Cognac, 3 points critiques ont été identifiés : Les fuites de fluides frigogène (glycol) des systèmes de refroidissement, les éventuelles fuites de serpentin de distillation lorsque les eaux de refroidissement sont traitées et les débris de verre dans les bouteilles. Les autres risques sont normalement maîtrisés en amont dès lors qu’ils font l’objet de bonnes pratiques. C’est notamment le cas des produits phytosanitaires inscrits sur la liste verte pour lesquels il a été démontré qu’il n’existe pas de danger dans les conditions d’utilisation prévues par l’homologation. Pour les matériaux au contact, la logique est la même, il faut se limiter à la liste des produits testés conformes par le BNIC.
Anticiper les risques futurs
Pour Pierre Joncourt directeur de la maison Martell, la filière Cognac a la particularité de commercialiser des lots élaborés plusieurs années voire dizaines d’années auparavant. Il est donc important de placer les exigences de la filière au-delà des connaissances actuelles pour anticiper d’éventuels des risques que nous ne connaissons pas encore. On peut regrouper les risques à venir en deux catégories. La première concerne les molécules connues, réglementées ou qui pourraient l’être. Sur ce point, il faut rappeler que les services de la station viticole du BNIC assurent une veille continue vis-à-vis de tous les composés potentiellement cancérigènes et allergènes susceptibles de se retrouver dans le Cognac. Un échantillonnage aléatoire est régulièrement scanné pour évaluer le danger et surtout anticiper des crises potentielles. Prenons pour exemple, le gluten. Ce composé allergène contenu dans certaines céréales n’a, a priori, aucune raison de se retrouver dans le Cognac. Sauf que… L’étanchéité des fonds de fût étant traditionnellement améliorée avec une « pâte à pain », un risque existait. Les analyses ayant démontré que les teneurs sont indétectables, la filière peut donc dormir sur ses deux oreilles. La seconde catégorie de risques futurs apparaîtra peut-être demain grâce (ou plutôt à cause) de l’amélioration continue de la recherche et de la précision des analyses. Pour ceci, il n’y a rien à anticiper, à part le fait de tenir une traçabilité à toute épreuve. La région a déjà vécu cette triste expérience pendant la crise des phtalates. Mais au fond, la traçabilité amont ou les enregistrements HACCP n’ont apporté aucune réponse pour les lots concernés. Seule la sélection des lots par l’analyse aux achats a permis de résorber la crise…
Le guide des bonnes pratiques en cours de réécriture pour le Cognac.
Comme le rappellent régulièrement les représentants de l’administration, la richesse et la complexité des guides de bonnes pratiques dépendent surtout des objectifs que se fixe la filière elle-même. Bien sûr, il y a un minimum et l’état est là pour s’en assurer mais l’administration a conscience que les entreprises qui sont continuellement en quête de productivité ont besoin de souplesse dans leurs démarches administratives quotidiennes.
Selon Gérald Ferrari, il convient toutefois de distinguer la responsabilité du contrôleur de celle de l’entreprise. Car en cas de crise sanitaire, c’est bien l’entreprise incriminée qui devra en assumer, seule, les conséquences. Un système qualité qui enregistre peu de preuves de contrôle n’est donc envisageable qu’à condition que les bonnes pratiques aient éliminé tous les risques en amont et que l’exploitant soit en mesure d’en démonter sa parfaite maîtrise.
Prochainement, un nouveau guide des bonnes pratiques d’hygiène pour la filière Cognac devrait voir le jour. Construit sur le modèle de la filière vin, ce dernier devrait ensuite découler sur la mise à jour du classeur HACCP pour la filière. Les viticulteurs et négociants devront se réunir pour en définir les contours et valider son contenu.
Vers une remise à plat des contraintes d’enregistrement ?
L’HACCP est une chose mais commence à poindre un autre dossier, probablement plus dense en termes de charge documentaire : l’aspect environnemental. Car ne nous voilons pas la face, le Référentiel viticulture durable ou les démarches HVE selon les maisons vont venir enrichir le millefeuille documentaire de quelques couches. Régulièrement, un nouveau document vient s’empiler sur l’existant sans qu’aucun ne s’interroge jamais sur l’éventualité d’une purge de temps à autre. Pour toutes les déclarations relevant de la réglementation générale, les choses sont probablement immuables (quoique…). Mais pour tout le reste, n’y aurait-il pas effectivement du sens à repenser les enregistrements sur lesquels les professionnels ont la main (HACCP, ODG, Développement durable…) ? En 2015, l’état a relancé le plan « éco-phyto II » imposant aux agriculteurs de réduire de 50 % leurs utilisations de pesticides d’ici 2 025. Ne pourrions-nous pas imaginer, que les instances régionales s’imposent un plan « éco-paperasse » dont l’objectif serait de rationaliser la « palette » documentaire régionale pour la réduire de 50 % dans les mêmes délais ?
L’avis du terrain
Céline Renaud Responsable qualité aux Vignobles Ducourt à Ladaux (33)
Les Vignobles de la famille Ducourt regroupent 14 Châteaux Bordelais sur presque 450 hectares de vignes. Ils figurent parmi les précurseurs de la certification ISO 9001 à Bordeaux.
Dès l’origine, notre politique de management du risque nous a conduits à ne créer des enregistrements que s’ils étaient absolument nécessaires. Pour nous, un document n’a un intérêt que s’il est efficace, s’il conduit à produire une valeur ajoutée, s’il est utile pour l’entreprise ou s’il répond à une exigence de la réglementation ou d’un client. Dans tous les autres cas, nous faisons autrement pour garantir la maîtrise des risques. Par exemple, concernant les nettoyages relevant de procédures courantes (machine à vendanger, pressoirs…) nous ne demandons jamais à nos collaborateurs de noter quoi que ce soit dans un registre, parce que ça ne sert à rien ! En revanche, chacun connaît avec précision ce qu’il doit faire et, en tant que responsable qualité, je m’en assure périodiquement. Nous avons conscience des limites de l’enregistrement qui ne prouve rien en soi. Ce qui compte c’est l’acte. Je pense en particulier à nos expéditions des vins en vrac où nous considérons que le certificat de lavage de la citerne ne suffit pas. Nous vérifions visuellement la propreté, nous sentons la cuve et si nous avons un doute, nous relavons. Pour les points critiques (débris de verre, fluide frigogène des groupes de froid – autrefois car nous sommes aujourd’hui passés à l’eau – ) la logique est la même puisqu’ils ne font pas non plus l’objet d’enregistrements systématiques. Sur ces points, la saisie n’intervient, comme le prévoit la réglementation, que lorsqu’un incident est détecté. Concernant la traçabilité des intrants, elle relève de la logique opérationnelle propre à chaque entreprise en matière de gestion du risque. Nous avons conduit une analyse fine pour chacun d’entre eux et adapté nos pratiques selon notre expérience et notre antériorité. Pour les levures, par exemple, le risque de contamination existe mais il est très faible. Nous enregistrons les 2 à 3 numéros de lots utilisés pour la campagne pour l’ensemble de nos vignobles mais nous nous limitons à cela car nous estimons, au vu de notre expérience, que le traçage à la cuve n’est pas pertinent. En résumé, ce qui compte le plus dans notre démarche, ce sont les obligations de résultat mais pas les obligations d’enregistrements.
Vignobles Francis Abecassis :
Sécurité alimentaire maximum mais sans artifices.
L’un des principaux facteurs différenciant des marques ABK6, Leyrat et Réviseurs réside dans le fait que tous les produits commercialisés proviennent des vignobles de la marque. En matière de traçabilité et de garantie de la sécurité alimentaire, le « single estate » c’est un intérêt majeur pour le client et le consommateur final. L’enjeu pour l’entreprise est donc de mettre en valeur cet atout mais en gardant les supports d’enregistrement raisonnables pour le personnel. Pour la société, la maîtrise de la qualité représente un investissement substantiel puisqu’une personne est dédiée à temps plein à cette fonction. Il est donc primordial de se concentrer sur l’essentiel et d’éviter de disperser dans la surenchère documentaire. Sur l’aspect sanitaire, les enregistrements concernent prioritairement les points critiques de maîtrise notamment le bris de verre dans la bouteille ou les contaminations externes. « Globalement, la maîtrise de ces risques est relativement simple à démontrer en l’absence de fournisseurs externes de Cognac » explique Christian GUÉRIN, le maître de chai. L’adoption d’un système qualité simple permet de répartir les efforts du responsable qualité sur tous les domaines sensibles. À l’échelle de la petite maison, l’accent est particulièrement porté sur la constance de la qualité des assemblages et des matières sèches en prônant l’anticipation des risques.
Pour illustrer ce parti pris, le maître de chai explique : « L’eau du réseau qui sert au lavage des cuveries de Cognac prémise et de la chaîne de mise en bouteille ne présente aucun risque sanitaire mais il peut y avoir des risques de résidus de calcium ou de mauvaise odeur. Un investissement a donc été réalisé pour adoucir, déchlorer et désodoriser toutes les eaux qui servent à cette étape ». Une décision simple, pragmatique et en phase avec les enjeux de l’entreprise.
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