Guénola Mainguy : Retricoter les droits de plantation

5 avril 2011

Comment retricoter ce qui a été détricoté ? La conseillère technique aux filières végétales est venue dire quelle stratégie l’Etat français entendait suivre. En assurant au passage de la volonté politique du Gouvernement de s’opposer à la dérégulation.

Le rétropédalage n’est jamais chose aisée. La jeune « sherpa » en convient volontiers. « C’est toujours très compliqué de faire machine arrière. » Pour réinstaurer les droits de plantation, que l’OCM vin de 2008 a supprimés par anticipation à partir de 2015 (2018), il va falloir décrocher une majorité des deux tiers des Etats membres au Conseil des ministres. Et, au préalable, il faudra aussi que la Commission européenne accepte de mettre un nouveau texte sur la table. Deux conditions indispensables.

En France, le « geste politique fort » – et très attendu de la profession viticole – est venu de Nicolas Sarkozy, dans sa déclaration du 18 janvier 2011. A l’occasion des vœux au monde rural, prononcés en Alsace, le président de la République s’est déclaré contre la libéralisation des droits de plantation. « Je suis opposé à la suppression des droits de plantation. Supprimer ou libéraliser les droits de plantation, c’est choisir le produit standardisé, le produit sans terroir, au plus bas coût possible, le produit qui va inonder le marché, venant de nulle part pour aller partout… Franchement, je ne sais pas qui a eu cette idée mais il faut qu’il change d’avis. Parce que ce n’est pas une idée pertinente. C’est une idée qui conduira à la catastrophe. »

un texte voté par la france

Et pourtant le texte prévoyant la suppression à terme des droits de plantation a bien été voté… y compris par la France. La conseillère technique a relaté les circonstances de la décision européenne. « En 2007-2008, l’époque était au libéralisme, au “laisser faire” du marché. L’on faisait confiance au marché pour se réguler par lui-même. Les outils interventionnistes, ou jugés comme tels, étaient considérés comme obsolètes. Les marchés agricoles avaient atteint une maturité suffisante pour que le jeu des acteurs permette de les orienter. Evidemment, la Commission européenne cherchait aussi à simplifier et diminuer les coûts. Elle a donc proposé de réduire les filets de sécurité. Il faut savoir également que le régime d’autorisation des plantations s’assimilait depuis longtemps à un régime transitoire, y compris dans les OCM précédentes. Mais il était toujours reconduit. La grande différence, cette fois-ci, c’est que ce régime transitoire est assorti d’une date de fin. »

affaire de négociation

Pourquoi la France a-t-elle accepté de voter un texte qui condamnait à terme les droits de plantation ? Réponse de Guénola Mainguy : « La signature d’un texte européen est toujours affaire de négociation. En 2008, le jeu des forces en présence nous incitait à penser que nous n’obtiendrions pas gain de cause, sauf à devoir donner trop de garanties par ailleurs. L’Etat français a fini par accepter, en sachant qu’une clause de rendez-vous existerait en 2014-2015, à l’occasion de l’étude d’impact remise par la Commission. » La conseillère technique au cabinet du ministre de l’Agriculture indique que, depuis, le contexte a changé. Le collège des commissaires européens ne partagerait plus vraiment la mentalité d’hier. La crise des subprimes est passée par là. N. Sarkozy s’est aussi exprimé sur la question. « La position politique de la France est vraiment très claire. Elle consiste à s’opposer à la suppression des droits de plantation » a affirmé G. Mainguy.

L’Etat français s’engage donc aujourd’hui dans un travail diplomatique auprès des autres Etats membres, pour les sensibiliser à la cause des droits de plantation. Avec l’objectif de réviser l’OCM, afin d’obtenir la réintroduction des droits de plantation.

le calendrier

La question du jour est de savoir quand ? C’est là où les appréciations divergent. Il faut dire que les fenêtres de tir ne sont pas légion. Il y a d’abord la renégociation de la PAC, qui va se dérouler très certainement en fin d’année 2011. « C’est une échéance que nous ne jugeons pas extrêmement favorable pour reparler des droits de plantation » a commenté la conseillère technique. « D’abord parce que la Commission elle-même ne disposera pas d’un bilan suffisamment fiable de la nouvelle OCM vin et ne souhaitera pas en parler. Tout le dispositif d’aides introduit en 2008 doit être évalué pour être renégocié ; ensuite parce que des grands enjeux d’équilibres, y compris financiers, vont s’exprimer et risqueraient de « noyer le poisson » sur les questions spécifiques à la viticulture. La viticulture n’est pas forcément transposable dans le « paquet » de la négociation PAC. La France ne pourrait pas tenir très longtemps sa position face à ces grands enjeux. »

En termes stratégiques et pour « prioriser les débats », le ministère de l’Agriculture recommande donc d’attendre 2014. A ce moment-là, la Commission devrait remettre son « étude d’impact » sur l’OCM vin, afin de se positionner sur l‘après 2015. Auparavant, en 2012, la Commission aura procédé à un rapport d’étape, suite aux informations fournies par les Etat membres.

Est-on au moins sûr que la Commission respecte ce calendrier et consente à ouvrir les débats en 2014 ? Guénola Mainguy l’affirme : « La Commission a toujours procédé de cette manière et il n’y a aucune raison qu’elle agisse différemment cette fois-ci. Bilan et débat précèdent toujours chaque décision. Prenons l’exemple des enveloppes nationales d’aides européennes. Normalement, elles s’interrompent fin 2013. Mais une petite clause dit que, tant qu’il n’y a pas eu négociation, elles sont maintenues en l’état. Le même régime de négociation devra s’appliquer aux droits de plantation. » Si la représentante du ministre semble sûre de son fait, ses interlocuteurs régionaux ont paru beaucoup plus dubitatifs sur le calendrier.

Libéralisation Des Droits De Plantation Etat Des Lieux Au Printemps 2011

ciolos.jpgUn an et demi avant la libéralisation annoncée des droits de plantation, le 1er janvier 2016, quel est le tableau des forces en présence ?
Commission agricole de l’U.E –
Elle reste fermée sur le sujet. Pour elle, la libéralisation des droits de plantation doit bien intervenir le 1er janvier 2016. Pour autant, « la commission n’est pas sourde. Elle entend ce qu’on lui dit. » Et notamment le discours des politiques.
France/Allemagne – La prise de position de Nicolas Sarkozy, après celle d’Angela Merkel, a constitué le fait majeur de ces derniers mois. Derrière, peut se décliner une vraie stratégie de conviction des autres Etats membres.
Italie/Espagne – C’est l’axe prioritaire visé par les pro-encadrement ; d’où des rencontres qui se multiplient avec les « conseils régulators » et autres instances professionnelles italiennes et espagnoles.
Hongrie/Roumanie – Considérés comme des têtes de pont viticoles en Europe centrale, ces deux pays font l’objet de toutes les attentions.
Parlement européen – Sur le dossier des droits de plantation, il est considéré comme un allier sûr. « Il nous soutiendra ».
Négoce viticole – A trop vouloir faire monter les enchères sur la thématique de la gestion du potentiel de production, il est soupçonné de « jouer au chat et à la souris ». Un jeu qualifié de « dangereux ». « Plus le temps passe, moins nous aurons le temps de convaincre les décideurs. Le négoce n’est pas raisonnable. En cas d’échec, il devra assumer sa part de responsabilité. »

Calendrier défendu par la filière viticole française – Que les premières discussions sur la PAC, entamées à l’été 2011, servent de « caisse de résonance » à la thématique des droits de plantations, même si le vin n’est pas expressément visé ; que la France remette un mémorandum à la Commission européenne fin 2011/début 2012 ; que, dans le rapport d’étape de 2012, les droits de plantation fassent figure de sujet prioritaire ; qu’entre-temps, chaque pays viticole (France, Allemagne, Italie, Espagne…) fasse son « boulot de lobbying ».

Droits de plantation – « Il faut bien considérer que les droits de plantation, tels qu’on les a connus jusqu’à présent, sont morts. Il faut les remplacer par autre chose, ne serait-ce que pour permettre à la Commission de sauver la face. Mais nous ne sommes pas obligés de réinventer un système complètement différent. Il est possible de procéder à un toilettage, sachant qu’il existe plein de marges de manœuvre. »

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