Vincent Chappe, président de Bisquit

11 juin 2014

Gros opérateur sud-africain de Brandy, vins, cidre et liqueur, le groupe Distell s’est donné un « cap », celui de l’internationalisation et de la premiumisation. Après le Cognac Bisquit en 2009, il vient d’acquérir une distillerie écossaise en avril 2014. Son chiffre d’affaires, d’1,3 milliard d’euros, lui confère les moyens de ses ambitions. Interview de Vincent Chappe, président du Cognac Bisquit.

 

 

p33.jpgVous connaissez bien le groupe Distell. Pouvez-vous nous en brosser les contours ?

Au niveau mondial, le groupe Distell est le 10e opérateur en vin, le 3e en brandy, le 2e en cidre ainsi qu’en liqueur de crème. Son chiffre d’affaires a atteint l’an dernier 1,3 milliard d’euros. Il emploie 5 500 personnes. Fondé en 2000, le groupe Distell est le fruit du rapprochement de deux entités « historiques », l’une viticole, l’autre tournée vers la production de brandy. Le consortium de viticulteurs remonte presque aussi loin dans le temps que la marque Bisquit. Avec seulement 25 à 30 % de son chiffre d’affaires réalisé à l’exportation, Distell reste encore très centré sur son marché intérieur, l’Afrique du Sud. Mais il se donne un cap, sans jeu de mot, celui de l’internationalisation et de la premiumisation. Une stratégie initiée depuis une dizaine d’années. En 2009, le Cognac Bisquit fut sa première acquisition extérieure. Il vient de récidiver en avril dernier avec la distillerie écossaise Burn Stewart qui possède cinq marques de Whiskies, dont trois de malt. Cette entreprise, assez importante, compte 250 salariés.

A Cognac, on parle beaucoup de l’Afrique comme d’une nouvelle terre de conquête. Sur ce continent, Distell doit avoir quelques avantages compétitifs.

Nigeria, Angola, Ghana, Kenya… Le groupe est très implanté dans ces pays et procède actuellement à une diversification de ses équipes, pour être encore plus présent. Aujourd’hui, dans le top 20 des ventes du Cognac, le Nigeria se classe à la 12e place et l’Afrique du Sud vient d’y faire son entrée, au 20e rang.

Le groupe Distell nourrit-il l’ambition d’être un groupe « global », vendant ses produits partout dans le monde ?

Je n’irai pas jusque-là. D’abord, chaque produit a sa propre stratégie. La stratégie du Cognac n’est pas celle du Whisky, de la liqueur Amarula, du brandy ou des marques de vin. Le brandy par exemple n’est pas du tout distribué à l’international, certains vins non plus alors que d’autres, comme Fleur du Cap ou Durbanville Hills, connaissent un fort appel des marchés étrangers. La liqueur Amarula est commercialisée dans 106 pays. Le groupe a des bureaux de représentation au Brésil, aux Etats-Unis, en Europe (Angleterre, Allemagne, France), en Asie (Singapour, Chine, Taïwan). Selon les marques et les pays, des modèles différents se mettent en place : agents, distributeurs, partenaires… En Chine, le groupe est en train de « staffer » sa propre structure, Distell China. Je suis toujours assez bluffé de voir le redoutable sens du commerce des Sud-Africains. Ils le tienne peut-être de leurs ancêtres hollandais. Ces gens, à 10 000 km de tout, que ce soit de l’Asie, de l’Europe ou des Etats-Unis, ont développé un véritable esprit pionnier. Ils bougent énormément, pour éviter l’isolement. Cela fait très longtemps qu’ils sont venus en France et notamment à Cognac pour s’inspirer des méthodes de distillation, de plantation de vigne, de vieillissement. Ils font fabriquer leurs barriques par les tonneliers français, n’ignorent rien des nouvelles technologies.

Il faut beaucoup d’argent aujourd’hui pour distribuer des produits à l’autre bout de la planète. Le groupe Distell en a-t-il les moyens ?

Le groupe est coté au Johannesburg Stock Exchange, la bourse de Johannesburg, l’équivalent, en France, du CAC 40. Depuis 13 ou 14 ans, la rentabilité de son modèle économique ne se dément pas. Parmi ses actionnaires de références, il y a le groupe SAB Miller, le géant de la bière et la famille Rupert (groupe Richemont), n° 3 mondial du luxe avec des marques comme Lancel, Montblanc, Van & Arpels, Cartier, Piaget, Jaeger-Lecoultre… Chez Distell, il n’y a pas de show off. L’approche est très pragmatique, avec l’accent mis sur les produits, les marques, les « brand homes », autrement dit les maisons de marque dont le château Bisquit constitue une parfaite illustration. En parallèle, une attention toute particulière est consacrée au « sourcing », autrement dit à la matière première destinée à alimenter les ventes. Pour Bisquit, il s’agit des achats d’eaux-de-vie de Cognac. Le groupe est prêt à y consacrer l’argent qu’il faut. A ce titre, notre maison a une vraie chance. Elle peut jouer dans un regis-tre qui ne correspond pas à sa taille mais qui serait plutôt celui d’une grande maison. Le groupe nous donne les moyens de notre développement.

Vous établissez des prévisions de ventes.

Nous avons un plan à cinq ans, extrapolable à dix ans et, au-delà de ce terme, nous réa-lisons des projections à 25 ans. Une eaux-de-vie acheté en 2009, nous la retrouverons en Extra en 2033-2034. C’est le modèle commercial qui guide le modèle de sour-cing, qui fixe le niveau de mise en stock.

Quels sont vos objectifs de vente ?

Je ne malheureusement peux pas vous le dire mais ces objectifs me semblent raisonnablement ambitieux, en tous cas légitimes. Ils sont revus en permanence.

Vous fléchez quels marchés ?

Les efforts commerciaux prioritaires résul-tent d’une « balance » entre nos marchés traditionnels, essentiellement européens
et des marchés d’exploration comme l’Afrique, la Russie, la Chine, le Duty free. Même compliqué aujourd’hui, le marché chinois reste incontournable. Je rentre d’un voyage en Chine. Si les circuits traditionnels du Cognac sont calmes, l’on voit émerger beaucoup de nouveaux types, de nouveaux lieux de consommation, plus proches du modèle occidental. C’est le cas des bars, des boîtes de nuit. Le marché est en train de se reconstruire. Il faut quand même savoir qu’en Chine, trois maisons réalisent 94 % du chiffre d’affaires. L’an dernier, le Cognac en Duty free a réalisé 8 % de hausse.

Comment avez-vous vécu ces cinq dernières années ?

Elles sont passées très vite. Il a fallu cons-tituer une équipe et puis, très rapidement, un vivier de fournisseurs. D’ailleurs, nous ne sommes pas, loin de là, au bout du modèle idéal que nous avons imaginé. Malgré tout, petit à petit, nous gagnons en autonomie et ça, c’est très important. Dans la foulée, nous avons reconstitué une gamme de Cognac qui, je crois, fait l’unanimité, ne serait-ce que par les distinctions qu’elle reçoit. Par le passé, Bisquit a su faire preuve d’innovation et de différenciation. C’est toujours le cas aujourd’hui avec notre méthode de distillation qui représente, avec le château Bisquit, l’ADN de la maison, sa marque de fabrique. L’achat de Bisquit par Distell n’a pas été le fait du hasard. Il s’agissait d’un acte délibéré, une volonté de s’inscrire dans la durée, pour redonner à Bisquit tout son lustre. Avec ce premier voyage en Afrique du Sud, nous avons voulu montrer que Bisquit était un acteur sérieux, responsable, « fréquentable ». En 2019, dans cinq ans, la maison fêtera son 200e anniversaire. Elle a été fondée en 1819. J’espère que, d’ici là, nous serons en ligne avec notre business plan. Nous restons humbles par rapport aux grandes maisons. Nous savons tenir notre place. Mais nous avons aussi de grandes ambitions pour la marque. L’an prochain, nous emmènerons vingt autres viticulteurs en Afrique du Sud. C’est moi qui accompagnerai le groupe.

Un nouveau président
Le nouveau président du groupe Distell se nomme Richard Rushton. Il a succédé en 2013 à Jan Scannell, président du groupe depuis sa création en 2000, parti à la retraite. J. Scannell était présent à Cognac en juin 2012, pour l’inauguration du château Bisquit. Richard Rushton vient du groupe SAB Miller (South Africa Beweries). Homme de m arché, il fut en charge des intérêts de SAB en Colombie, en Inde. Il est venu à Cognac en mars dernier. « C’est quelqu’un de passionné. Il a commencé à imprimer sa marque. Le rachat de la distillerie écossaise s’est opéré sous son empire » signale Vincent Chappe, le président de Bisquit. A Cognac, un homme sert un peu de « cordon ombilical » entre Bisquit et le groupe Distell. C’est Naas Van Rooyen, directeur financier et administratif de la maison. D’origine sud-africaine, il est là depuis cinq ans. « C’est le lien permanent et naturel entre l’Afrique du Sud et nous » décrypte V. Chappe. « C’est une bonne chose. Il est un peu l’ambassadeur de Distell en France et l’ambassadeur de Bisquit auprès de Distell. Travaillant depuis de nombreuses années chez Distell, il connaît bien la philosophie du groupe. Il est capable de traduire notre côté un peu latin. »
La maison de Cognac emploie 25 permanents entre les différents services : production, eaux-de-vie, marketing, services administratifs et financiers. Si la commercialisation est gérée par les bureaux du groupe, le marketing de la marque est piloté de Cognac.

 

 

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