Grêle – Un viticulteur témoigne : « Pouvoir refaire sa climatique »

26 décembre 2014

La Rédaction

Les orages de grêle des 9 juin et suivants ont détruit 85 % de sa récolte. Viticulteur à Nercillac, il témoigne de l’impact de la grêle sur son exploitation. Et renseigne sur ses attentes : pouvoir refaire sa climatique, disposer d’une assurance plus adaptée aux gros coups durs.

 

 

Vous avez subi l’orage de grêle du 9 juin, le lundi de la Pentecôte.

Oui. Et nous avons pris à la suite deux autres coups de grêle moins importants. Les trois quarts du vignoble ont été touchés, à 85 %. Je suis en train de faire les pleins (de cuviers). Je pense que nous ne dépasserons pas les 15-20 hl vol./ha.

Aujourd’hui, dans quelle disposition d’esprit êtes-vous ?

Ce qui m’embête le plus, c’est que dans trois ans, en 2017 (je fonctionne sur un roulement de comptes 2), je ne pourrais pas livrer les eaux-de-vie promises au négoce.

Disposez-vous de climatique ?

Nous n’en avons plus depuis 2012. A Nercillac, à partir de 2009, nous avons grêlé presque tous les ans, sans parler du gel. Dans ces conditions, refaire sa climatique fut mission impossible, compte tenu du haut niveau de rendement Cognac. A
11,70 hl AP/ha, c’est très compliqué de reconstituer ses stocks. C’est pour ça que des gens comme moi souhaitent que le rendement commercialisable soit un peu plus faible, autour de 10 hl-10,5 hl AP/ha. Si nous avions un hl de pur libre ne serait-ce que deux ans de suite, ce serait idéal. Maintenant je sais que peu de personnes sont prêtes à entendre ce discours, aussi bien viticulteurs que négociants. Pour pouvoir augmenter les ventes, il faut alimenter le marché.

Vous êtes assurés ?

Oui, nous sommes assurés mais le souci, c’est que nous ne le sommes pas assez. Nous avons souscrit une assurance sur la base de 5 400 € de l’ha mais, aujourd’hui, il faudrait 9 000 € de l’ha pour compenser le manque à gagner. Le problème, ce sont bien sûr les cotisations en face. A ce jour, on ignore encore ce que nous allons tou-cher en termes d’indemnité grêle. Entre la franchise, le seuil d’intervention, c’est un peu la bouteille à l’encre. De toute façon, nous allons refaire le contrat pour aller vers une multirisque climatique qui couvrira la gelée, les intempéries.

Vous ne remettez pas en cause le principe de l’assurance récolte.

Non, c’est incontournable. Et ce d’autant plus quand on a des emprunts. C’est une sécurité minimale. Par contre, quand arrive un gros coup dur, l’assurance montre ses limites. Disposer de sa propre assurance avec la climatique me semble la meilleure des choses, à condition de pouvoir la cons-tituer.

Comment vous projetez-vous dans les mois qui viennent ?

Les difficultés, nous n’allons pas les ressentir tout de suite mais dans les trois ans qui viennent, au moment où nos comptes 2 auraient dû sortir. Nous passerons sûrement le cap, en faisant le dos rond, comme tout viticulteur qui se respecte. Mais il ne faudra pas non plus s’écarter. Ce sera délicat, il y aura un trou dans la trésorerie. C’est frappant de voir que personne nous aide vraiment. La MSA ne baisse pas ses taux de prélèvement. Elle se contente de repousser les échéances. Cela ne sert à rien. Même chose pour la banque. Que propose-t-elle ? De refaire un emprunt sur les emprunts, pour chapeauter le tout. C’est ridicule.

Avez-vous de la réserve de gestion et comptez-vous la sortir cette année ?

Oui, nous en avons mais pas au « taquet ». On ne sait pas encore si nous allons en sortir. Cela se calcule. L’idée n’est quand même pas de payer plus d’impôts l’année suivant la grêle. Nous avons déjà évoqué le sujet avec le comptable. Il a dit que ce ne serait pas simple.

Moralement, comment vit-on ce genre d’épisode ?

On se sent atteint. C’est difficile de remonter la pente. Aussitôt, j’aurais tout vendu. Il ne faut pas le dire trop fort. Des voisins pourraient avoir envie de faire main basse sur la propriété (sourire). Au début, j’ai eu du mal à rentrer dans mes vignes. Quand vous voyez le fruit de votre travail anéanti. Il n’y a pas de mots pour l’expliquer. Mainte-nant, nous travaillons avec la nature. Nous savons ce que sait de subir des aléas.

Allez-vous réduire vos frais de culture ?

Pas vraiment. Je vais distiller un mois au lieu de trois mois et demi. Sinon, rien ne changera vraiment, ni les engrais ni les phytos, ni les travaux culturaux. Cette année, il fut même très compliqué de sauver le peu de récolte qui restait. Les vignes avaient été stressées. L’épisode mildiou s’est révélé coriace à négocier.

Pensez-vous qu’il y a eu des failles au niveau de la protection anti-grêle ?

Nous avons un poste sur la commune de Nercillac. Je sais qu’il protège la commune voisine, 3 km plus loin. Mais non, je pense que tous les postes furent allumés en temps et en heure. Quand le nuage passe au-dessus de vous, difficile d’en vouloir à quiconque. C’est plutôt la récurrence des phénomènes de grêle qui est inquiétante. Mes parents n’ont jamais connu un tel couloir de grêle

Vos collègues viticulteurs se sont-ils montrés solidaires ?

Si vous voulez parler d’achat de moût ou de vendanges fraîches, nous n’avons trouvé aucune marchandise disponible. On peut le comprendre. La grêle a frappé les esprits, par les dégâts spectaculaires occasionnés sur certaines exploitations. Ainsi, chacun a voulu refaire sa climatique, ses 7 de pur ha, plus ou moins consommés l’an dernier. C’est une démarche naturelle. Quant à la solidarité ! Elle n’existe pas dans cette microrégion. C’est même tout le contraire qui se passe.

 

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