La phase d’expansion des ventes de Cognac depuis le milieu des années 2000 avec un développement annuel moyen proche de 5 % et amplifiée depuis deux ans à 10 % représente un événement sans précédent qui stimule toute l’économie de la région délimitée. Tous les observateurs sont unanimes pour dire pour que le vignoble de Cognac vît actuellement une période clé de son histoire. Cette phase de prospérité commerciale de la filière est liée au dynamisme des grands négociants qui investissent beaucoup et depuis longtemps dans promotion de la catégorie Cognac sur les grands marchés. Les acteurs commerciaux continuent d’être très optimistes pour les prochaines années en raison du potentiel toujours porteur des marchés majeurs, de la stabilité des débouchés Européens et de l’émergence d’une demande dans de nouveaux pays en Amérique du Sud et en Afrique. La dépendance de l’économie du Cognac à ses deux marchés phares, les USA (42 % des expéditions totales) et la Chine (23 % en volume et beaucoup plus en valeur) demeurent un sujet d’inquiétude compte tenu des tensions géopolitiques actuelles entre les USA, la Chine et l’Europe.
La recherche de l’équilibre entre le potentiel de production et les ventes a toujours été un challenge difficile dans l’univers Cognac. Les professionnels de la viticulture et du négoce se sont dotés d’un outil de calcul des prévisions des besoins de production intégrant la demande des marchés, le business plan dont le fonctionnement s’est avéré plutôt concluant ces dernières années. C’est un tableau de bord référent conçu pour mettre en adéquation les besoins de production et de stockage d’eaux-de-vie correspondant aux volumes vendus et aux prévisions commerciales. Dans la période 2005, 2015, l’augmentation du rendement Cognac a permis de produire les volumes d’eaux-de-vie correspondant aux attentes commerciales. L’accroissement du chiffre d’affaires des producteurs s’est fait principalement par le volume du rendement Cognac. Or, des niveaux de rendement de 12 hl d’ap/ha et plus correspondent à une limite agronomique de productivité que les 75 942 ha de vignes Cognac ne sont que rarement mesure de produire régulièrement.
Les besoins de production de la récolte 2 018 calculés par le business plan atteignent le niveau record de 914 700 hl d’AP. La production d’un tel volume d’eaux-de-vie nouvelle est-elle réaliste ? Si la belle sortie du printemps laissait espérer que des rendements de 12 à 14 hl d’AP/ha étaient pour une fois envisageables, les aléas de la nature semblent en décider autrement. Malheureusement, les orages de grêle (5 000 à 6 000 ha très touchés), le tri de baies suite à une mauvaise floraison et une pression mildiou maximale sont en train d’altérer une partie du beau potentiel de grappes. Cette situation est à l’origine d’attitudes et de prises de position des responsables professionnels divergentes, les unes privilégiant l’effet d’aubaine de pouvoir profiter d’une récolte exceptionnelle et les autres plus mesurées propices à une stratégie de régularité de production (grâce à la réserve climatique). Le dénouement de l’épilogue de la décision finale du rendement Cognac 2 018 interviendra à la veille des prochaines vendanges.
Le constat des limites de production du vignoble actuel a débouché sur un débat de fond sur l’accroissement de la surface du vignoble Cognac. Cela s’est concrétisé en 2017 et 2018 par l’octroi des premiers contingents d’autorisations de plantations qui déjà s’avèrent insuffisantes au vu des derniers calculs du business plan. La progression des expéditions de 10 % depuis deux ans a créé de nouveaux besoins et suscite de nouvelles réflexions d’extension des surfaces et également des moyens financiers nécessaires à leur mise en place. La juste valorisation des eaux-de-vie dans le temps est en train de devenir un sujet central pour à la fois construire le vignoble Cognac du futur et être en mesure d’en réguler sa gestion économique de façon pérenne.
