Grêle – Assurance récolte : la gestion du risque climatique

26 décembre 2014

Dans le vignoble de Cognac, les différents épisodes grêle de juin et juillet 2014 ont créé un sursaut d’actualité autour de l’assurance récolte, que ce soit le contrat de grêle « pur », inscrit dans le paysage viticole depuis longtemps ou l’assurance multirisque climatique, apparue plus récemment. Retour sur l’assurance récolte, un outil de gestion du risque, même si ça n’est pas le seul.

« Ce qui fut impressionnant avec la grêle de juin 2014, c’est que des gens ont grêlé à 100 %. La totalité des raisins était par terre. Ne restaient plus que les bois. L’épisode 2014 se classe parmi les gros sinistres, un peu du même ordre que Rouillac il y a quatre ans ou La Nérolle, près de Segonzac, en 2000. » Qui parle ainsi ? Le collaborateur d’un cabinet d’assurance très impliqué dans le monde viticole. Au lendemain de la grêle, il se souvient avoir vu des gens traumatisés, désemparés. « Ils avaient tout perdu et, en plus, ils savaient que la suite serait compliquée, avec des vignes stressées, des bois abîmés. » Dans ce contexte, l’assurance récolte ne résout pas tout mais elle aide à se relever, en injectant de la trésorerie. Un facteur essentiel quand on sait que les exploitations grandissent, qu’elles génèrent des frais fixes élevés, que seul un niveau de revenu consistant peut éponger. Par ailleurs, l’environnement commercial a changé. « Quand les viticulteurs distillaient 6 de pur, ils avaient besoin d’une demi-récolte pour réaliser leur quota. Aujourd’hui, c’est différent. Tout est commercialisé. » Quid aussi du « signal » envoyé aux banques. Pour toutes ces raisons, un spécialiste du secteur considère « que l’assurance récolte est devenue presque aussi importante que l’assurance incendie ».

Un taux de couverture assez faible

En termes d’assurance récolte, le vignoble charentais affiche quel taux de couverture ? Le pourcentage paraît moins élevé qu’attendu. Des professionnels du secteur parlent d’à peine 20 % des surfaces couvertes à ce jour. Cependant tous notent une accélération du nombre des souscriptions depuis trois ans. Et les assureurs parient sur une poursuite de la tendance. Pour la bonne raison qu’ils constatent une récurrence du phénomène grêle. « C’est malheureux à dire mais les sinistres représentent notre meilleure publicité ». « Depuis la fin de la décennie, poursuivent-ils, notre région se prend chaque année un coup de grêle plus ou moins localisé. D’ailleurs, cela devient inquiétant. Une telle fréquence ne s’observait pas il y a dix ans. »

A la limite, ce serait presque de nature à dégrader les résultats des compagnies et/ou à faire grimper les tarifs. Un risque que les assureurs signalent mais relativisent aussi-
tôt. « Il y a d’abord la mutualisation du risque entre régions – il ne grêle pas en même temps dans tous les vignobles de France. Et puis il y a la mutualisation du risque entre les assurés eux-mêmes. Plus les gens vont souscrire des assurances, plus nous arri-
verons à tenir des tarifs bas. C’est ça l’esprit de groupe. »

Le coût de l’assurance

A combien revient une cotisation d’as-surance grêle ? C’est éminemment variable. Cela va dépendre des clauses du contrat, c’est-à-dire des risques couverts (grêle mais aussi tous les autres aléas climatiques), du capital garanti, de la franchise, du seuil d’intervention… « Alors que les vieilles primes étaient plus proches des 4-5 % du capital assuré, aujourd’hui on peut se couvrir pour moins de 2 % du capital » note le salarié d’une compagnie. « L’équivalent de deux traitements phytosanitaires » indique-t-il. En gros, à 120 € ha, on peut se protéger correctement et à 200 € très honorablement, en sachant qu’il existe sans doute des primes plus hautes et d’autres, en cherchant bien, à 50 € l’ha.

En règle générale, les viticulteurs souhaitent couvrir quel capital théorique ? Là aussi, c’est très disparate. La fourchette va de 3 000 € l’ha à 11 000 €. Mais la moyenne « moyennante », le cœur de cible, se situe sans doute plus près des 5-6 000 € l’ha, un montant « qui ne représente pas le chiffre d’affaires mais permet au moins de payer les charges ». « C’est au cas par cas, explique un assureur. Le viticulteur cogna-
çais aura tendance à s’assurer un peu plus s’il n’a pas de réserve climatique, de réserve de gestion… »

En fait, sur le marché de l’assurance récolte, existent aujourd’hui deux types de produits : la « pure » assurance grêle, installée depuis très longtemps dans le paysage viticole, qui ne couvre que le péril grêle ; et l’assurance multirisque climatique (MRC), qui a fait son apparition au milieu des années 2000 (voir encadré).

Comme son nom l’indique, la MRC garantit tous les aléas climatiques (grêle mais aussi tempête, gel, sécheresse, coup de soleil (grillure), températures basses… y compris les conséquences de ces aléas climatiques comme la coulure).

Plus chère que la garantie grêle classique, elle est cependant subventionnée par l’Europe, au taux maximum de 65 % (aide à demander dans le dossier PAC). Dans les faits, l’aide ne dépasse guère, en moyenne, les 48 % (à cause des clauses de rachat de franchise, etc.) Malgré tout, cette prise en charge partielle permet à la prime multirisque climatique de faire presque jeu égal, en termes de niveau de cotisation, avec la prime grêle classique. Et, en plus, elle protège contre plus d’aléas climatiques, dont la tempête et le gel, les deux risques majeurs en Charentes après la grêle.

« Y regarder à deux fois »

Une assurance qui ne coûte pas plus cher et qui couvre davantage de risques ! Le choix paraît vite fait. « Cela mérite d’y regarder à deux fois » soulignent cependant les professionnels. Car, en ce qui concerne le risque grêle proprement dit, les deux types de contrats n’offrent pas tout à fait le même niveau de couverture. Ou, en tout cas, pas au même prix. Le contrat de base multirisque climatique (MRC) se déclenche à partir de 30 % de perte et indemnise avec une franchise de 25 %. Bien sûr, il est toujours possible de mieux se couvrir avec des rachats de franchise ou de seuil de déclenchement (ce qui est fréquent pour le risque grêle), mais seul le contrat de base est aidé par les pouvoirs publics. Ainsi, à titre d’exemple, le fait de ramener la franchise de 30 à 10 % (en conservant le seuil d’intervention à 30 %) va générer un impact tarifaire d’environ 30 %, à la charge du seul assuré. « Face au risque grêle, le contrat multirisque climatique est très bien pour les exploitations situées dans les zones peu grêlifères » commente un spécialiste de l’assurance récolte.

Par comparaison, qu’offre un contrat « grêle pur ». Les compagnies qui le proposent mettent en avant le « cousu main », l’approche individuelle, le contrat sur mesure et, en définitive, « le côté plus avantageux de s’assurer en grêle pure, surtout dans le Cognac ». « Aucun viticulteur n’a la même demande, n’exprime les mêmes besoins » disent les assureurs.

Ici l’on va parler d’indemnisation à la parcelle, là d’expertise « une fois pour toutes » avant vendanges, en fonction des impacts de grêlons, sans second passage avant récolte pour déterminer l’indemnité. Sont évoquées aussi les conditions de paiement des primes. « Dans le contrat grêle pur, on réalise l’assolement en début de saison et la prime est payable entre novembre et décembre. Pour la multirisque climatique, le paiement s’effectue en début d’année et il faut faire l’avance de la subvention européenne, récupérable en fin d’année. »

Actuellement, si toutes les compagnies possèdent dans leurs portefeuilles un contrat multirisque climatique, elles ne sont plus si nombreuses à proposer des contrats grêle pur (la Rurale, MMA, Gan Assurance…).

Au-delà des habitudes relationnelles et commerciales, comment arbitrer entre l’un ou l’autre contrat ? Cela reviendra souvent à faire un choix multifactoriels, en fonction de ses attentes, de ses besoins, de sa situation (grêlifère, gélive…).

Généralités sur le contrat assurance récolte

• Le contrat est révisable tous les ans.
• L‘assolement se fait chaque année.
• C’est la totalité du vignoble qui est assurée, de façon obligatoire. Mais rien n’empêche l’assuré de moduler le capital garanti à la parcelle, selon la situation géographique, l’âge de la vigne…
• Il arrive que les compagnies d’assurances n’assurent le risque grêle que dans une démarche globale avec le client (couverture des autres risques). Mais cet usage souffre des exceptions.
• Le sinistre doit être déclaré dans les 48 heures.

Dirigé par Amaury Louvet, le cabinet Louvet est un cabinet d’assurance indépendant, qui couvre toutes les activités du Cognac (viticulture, négoce, tonnellerie, transport…) en Charente et Charente-Maritime.
Le pôle entreprise englobe 600 clients et représente 70 % du chiffre d’affaires total (2,4 millions d’€).
Le cabinet Louvet travaille avec le groupe MMA (Mutuelles du Mans Assurances). Il compte 25 collaborateurs, sur trois agences (Cognac, Rouillac Barbezieux).

Assurance multirisque climatique (MRC) : Sur les décombres du régime des calamités agricoles

Les contrats d’assurance multirisque climatique sont apparus à peu près en même emps que disparaissait le régime des calamités agricoles. Une confluence qui ne doit pas tout au hasard.

Jusqu’en avril 2009, les pertes subies par les agriculteurs et causées par des événements climatiques étaient prises en charge par le Fonds national d’indemnisation des risques agricoles, autrement dit le régime des calamités agricoles. Le risque grêle, quant à lui, a toujours été exclu du dispositif et donc couvert par les assurances
privées. Une situation historique de près de 150 ans. L’année 2009 signe la fin du régime des calamités agricoles.

Sous l’impulsion des pouvoirs publics était apparu un peu plus tôt, en 2005, le contrat d’assurance multirisque climatique (MCR), d’abord sous forme de test puis dans sa version définitive. Il s’agissait de proposer une alternative « assurantielle privée » à la disparition des calamités agricoles, garantie publique.

Peu ou prou, la multirisque climatique partage avec le fonds des calamités agricoles le même spectre d’aléas climatiques : gel, tempête, sécheresse, excès d’eau…en y ajoutant bien sûr la grêle. Reste cependant quelques fléaux climatiques considérés comme « inassurables ». Ce sont les intempéries relevant des régimes des « catastrophes naturelles » (inondations, glissement de terrain, submersion) et un reliquat de « calamités agricoles », type grandes vagues de froid, sécheresses… Pour la partie « catastrophes naturelles », ces accidents climatiques sont pris en charge par un partenariat privé-public et pour la partie « calamités agricoles » new look par l’Etat, via le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Pour que ces régimes fonctionnent, l’état de catastrophe naturelle doit être reconnu par un
arrêté préfectoral (par un arrêté ministériel pour les calamités agricoles).

Lorsque sort le contrat multirisque climatique en 2009, l’Europe et les Etats membres mettent la main à la poche pour encourager la souscription de ce contrat. Il s’agit aussi de compenser un tant soit peu le désengagement de l’Etat. La subvention couvre au maximum 65 % du montant de la prime d’assurance. Elle est financée à 75 % par l’Europe (aides du premier pilier de la PAC) et à 25 % par l’Etat français. Pour avoir droit à l’aide, il faut en faire la demande dans son dossier PAC, en clair, cocher la bonne case.

Cette aide sera-t-elle reconductible ad vitam aeternam et à quel niveau ? Quelques signaux négatifs sont apparus au fil des années. Depuis 2012, la participation de l’Etat au financement s’est effilochée : 133 millions en 2011, 100 millions en 2012, 77 millions en 2013. Recherche d’économie de la part de la France ou signe d’une désaffection des
agriculteurs pour ce type d’assurance ? Sans doute un peu des deux. L’Etat cherche à faire des économies et les
exploitants ne se précipitent pas pour souscrire une assurance multirisque climatique. Témoignage d’un syndicaliste
agricole, paru dans la presse nationale : « Les contrats sont mal formatés et mal vus des agriculteurs. Beaucoup d’entre eux
résilient leurs contrats au bout d’un an, à cause de remboursements insignifiants par rapport au coût de l’assurance. » Dans cet
environnement, une réforme de l’assurance multirisque climatique s’imposait. Le ministère de l’Agriculture l’a mis en route. A suivre.

A Jonzac, Gan Assurance est le plus gros cabinet Gan Agricole de tout le Sud-Ouest (jusqu’à Biarritz). C’est historique. Le prédécesseur de David Delporte ne travaillait qu’avec les agriculteurs. David Delporte a repris le cabinet en 2004.
Le portefeuille clients de l’entreprise compte 255 exploitants agricoles, dans un périmètre qui va de Saint-Georges-de-Didonne à Saint-Aigulin.
Le bureau de Jonzac fonctionne avec quatre colla-boratrices, un commercial et le directeur. Ce dernier insiste sur le suivi clientèle : « Nous n’avons pas de plate-forme téléphonique, nous nous déplaçons chez nos clients, c’est nous qui émettons les chèques… »

 

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