Le groupe Garandeau aura livré au cours de l’été 80 000 à 100 000 tonnes de gypse fin destiné à lutter contre la salinité des terres agricoles inondées après la tempête Xynthia. Un rendez-vous organisé depuis avril par la société.
Les autres années, le carrier fournissait entre 20 et 40 000 tonnes de gypse à usage agricole. En 2010, les volumes destinés au gypsage auront plus que doubler, sous l’effet de la tempête Xynthia. « Depuis fin avril, nous avons constitué des stocks pour disposer de la force de frappe suffisante » expliquait fin juillet Béatrice Soucaret, directrice générale déléguée du groupe. Pendant un temps, les installations de Champblanc auront fonctionné 24 h/24 pour produire 1 000 tonnes/jour de gypse fin (0 – 2 mm). Sur les terres agricoles, la période d’épandage du gypse a débuté le 19 juillet en Vendée et le 20 juillet en Charente-Maritime. Elle s’est terminée à la mi-septembre. Durant cette période, les camions du groupe de matériaux auront assuré des rotations de 800 tonnes/jour sur les différents sites d’épandage. Une logistique qui n’a pas laissé prise à l’improvisation. L’entreprise Garandeau s’est dite engagée « dans une démarche responsable et solidaire ». « Nous avons consenti des conditions de paiement spéciales sans attendre de connaître le niveau de subvention allouée aux exploitants agricoles ».
un sulfate de calcium « fixeur »
Le gypse est un sulfate de calcium (formule chimique CaSO4. 2 H2O) qui présente la particularité de capturer le sodium fixé sur le complexe argilo-humique du sol. De par son effet chimique, il améliore la structure du sol en restaurant sa porosité à l’eau et à l’air. Il a aussi un effet physique. En se cristallisant, le gypse écarte les feuillets d’argile, ce qui a pour vertu de rendre la terre plus grumeleuse et donc plus apte à accueillir le lit de semence (bon contact entre le sol et la graine). Sur les terres de marais touchés par Xynthia, les scientifiques de l’INRA et les techniciens de Chambre ont massivement préconisé l’apport de gypse, exception faite de l’île de Ré. Là-bas, le gypsage eut été à peu près inopérant car la structure du sol insulaire se caractérise par des sables filtrants, à très faible teneur en argile. Dans de tel cas, mieux vaut privilégier l’apport de matière organique (voir page 27).
C’est en 1859 que la famille Garandeau s’implante à Cherves-Richemont. Dès 1850, le fondateur de la dynastie, Pierre Daunizeau, vient en carriole de ses Deux-Sèvres natales pour s’approvisionner en matière première. Puis rentre chez lui faire cuire le gypse – éliminer les deux molécules d’eau – et ainsi obtenir le plâtre. Cependant, il trouve assez vite plus astucieux de transformer sur place. Débute ainsi la saga charentaise des Daunizeau-Garandeau et l’exploitation de la carrière de « Champ-
blanc », ininterrompue depuis 140 ans. Aujourd’hui, 4 bancs de gypse sont exploités, sur une surface de deux fois 20 ha (40 ha au total). D’une profondeur de 1,5 m à 3 m, ces bancs n’offrent pas tous la même qualité. Le 4e banc, le plus profond, présente des chlorures, ce qui le rend par exemple inapte à la fabrication du placoplâtre (association de plâtre et de polystyrène). Il sert tout particulièrement aux usages agricoles. Annuellement, le carrier produit environ 400 000 tonnes de gypse, soit 7 à 8 % de la production française. En France, le bassin parisien concentre 70 % des ressources de gypse. On en trouve aussi un peu dans les Alpes, dans les Landes. Si le gypse provient parfois de roches éruptives, à Cherves-Richemont, il a une origine lagunaire (voir encadré). Le Maroc et surtout l’Inde détiennent les plus grosses réserves mondiales de gypse. « En ce qui nous concerne, nous nous battons pour un approvisionnement local » indiquent les dirigeants du groupe Garandeau.
En 1973, l’usine Placoplâtre, filiale du groupe Saint-Gobain, est venue s’installer sur le site de Champblanc. La famille Garandeau décrit ses relations avec Placoplâtre de la manière suivante : « Complètement indépendants, complètement imbriqués. » Par une bande transporteuse, environ 65 % de la production du site est directement convoyée du « producteur au consommateur », c’est-à-dire du site d’extraction et de stockage à l’usine Placoplâtre. Une situation exemplaire de « circuit court ». La cimenterie et l’agriculture absorbent les 35 % restant. Comme régulateur de prise de ciment, le gypse alimente la cimenterie Lafarge de La Couronne ou encore les cimenteries d’Airvault et de Bussac. Quant à l’utilisation agricole, elle représente selon les années 5 à 10 % de la production totale.
Fille de Béatrice Soucaret, Emilie Richaud fait partie de la 6e génération Garandeau à travailler au sein du groupe familial. Responsable du développement du groupe, elle s’occupe des acquisitions foncières et des prospections géologiques, pour veiller à la pérennité du site. Elle veille également à tout ce qui relève du développement durable et de la remise en état du site (voir encadré). Son mari, Laurent Richaud, directeur technique du site, fut porté à la présidence du groupe après le décès prématuré d’Alexander Garandeau en 2008. Au total, le site de Champblanc compte à ce jour 126 ha, dont un certain nombre de surfaces non encore exploitées. L’idée est de repousser l’épuisement des ressources au-delà de 2036 grâce à de nouvelles prospections.
Une lagune à l’époque des dinosaures
Il y a 140 millions d’années, en pleine période des dinosaures, Cherves-Richemont est une lagune remplie d’eau de mer salée. Le professeur Mazin explique d’ailleurs que c’est pratiquement le cas de toute l’Europe, composées d’un archipel d’îles plus ou moins vastes. Mais le niveau de la mer baisse et la lagune se retrouve coupée de son réservoir naturel. Par évaporation, l’eau de mer salée (7 g/litre) se concentre, entraînant une cristallisation. Cela donnera la rose des sables dans le désert et, à Cherves-Richemont, les bancs de gypse, intercalés de bancs de marne. Ce sont dans ces bancs successifs de sédiments de marne que les paléontologues de l’université Claude-Bernard de Lyon vont fouiller pendant 8 années consécutives. Ils y feront les importantes découvertes que l’on sait. Béatrice Soucaret note avec bonheur l’importance scientifique du site de Champblanc. La famille a fait don de sa collection au musée d’Angoulême.
Carrières : une obligation de remise en état
Depuis 1994, un arrêté ministériel oblige la remise en état des carrières après exploitation. Il s’agit de la règle dite du « réaménagement coordonné ». Mais en fait, le groupe Garandeau pratique le rebouchage des cavités depuis plus longtemps. Tous les ans, ce sont environs 3 ha sur les 40 en exploitation qui retrouvent leur nature de terre agricole. Dès le début de l’extraction, la couche arable de 25 cm est mise de côté. Elle servira, par roulement, à recouvrir les marnes et autres matériaux de remblaiement. Rentrera alors en action le chef de culture de la S.A. Fontaulière*, la société d’exploitation agricole du groupe Garandeau. Après le départ à la retraite de Francis Boucheraud, Patrick Brandy occupe aujourd’hui ce poste. La remise en culture progressive répond à tout un protocole : implantation de colza au départ, apport de fumures de fond, de fertilisants… Pour garantir la remise en état des terrains, l’Etat impose au carrier une caution dite de « capacités financières », souscrite par période quinquennale. Aujourd’hui, le groupe a plus de 3 millions de provisions pour réaménagement, soit entre 200 000 et 600 000 € par période quinquennale.
*L’exploitation de Fontaulière, située à Cherves-Richemont, à proximité du site d’extraction, emploie 14 personnes. La structure exploite 150 ha de vignes en Borderies (distillerie de 4 alambics), 50 ha de blé, 42 ha de tournesol, 110 ha de maïs.
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