« Le Paysan Vigneron » – Qui êtes-vous ?
François-Jérôme Prioton – J’ai 46 ans. Je suis marié, père de deux enfants. J’habite Auge-Saint-Médard, une petite commune du Rouillacais, située en Fins Bois, à 1 km de la Charente-Maritime et à 25 km aux confins de la région délimitée. Pour autant, nous ne sommes pas au « bout du monde » viticole. Tout près, se trouve un important atelier de distillation, la distillerie Tournat, et la commune conserve 120 ha de vignes, même si les céréales, avec la disparition de l’élevage, ont eu tendance à coloniser l’espace. Cependant existe ici une longue tradition viticole, dont l’exploitation témoigne. Il s’agit d’un vieux domaine « ante-phylloxérique » qui compte 30 ha de vigne, une surface qui n’a pas bougé depuis la crise phylloxérique. Il y a toujours eu une distillerie ici.
« L.P.V. » – Vous voilà président du SVBC.
F.-J.P. – Il n’y avait pas chez moi une réelle volonté de monter au créneau. Adhérent du SVBC dès sa création en septembre 2002, je faisais partie depuis quelques mois du conseil d’administration du syndicat. Christophe Véral ayant souhaité abandonner ses fonctions de président du SVBC, considérant qu’elles étaient relativement incompatibles avec son nouveau mandat, le conseil d’administration m’a proposé de le remplacer. J’ai réfléchi et j’ai fini par accepter.
« L.P.V. » – Pourquoi ?
F.-J.P. – Pour être acteur de son devenir, pour apporter sa pierre. Je le ferai un temps puis ce sera aux autres de prendre le relais, de participer. Ce que je reproche un peu à mes amis viticulteurs, c’est justement de ne pas s’engager. La représentation syndicale est trop faible. Il faut bien voir que la viticulture ne se défendra qu’à travers ses représentants syndicaux. J’appelle tous les viticulteurs à s’engager auprès du syndicat de leur choix, quelle que soit leur sensibilité. Mais il faut adhérer ! Il est trop facile de rouspéter au bout de sa vigne en se plaignant de n’être pas entendu.
« L.P.V. » – Vous-même, votre engagement syndical remonte à quand ?
F.-J.P. – C’est avec la FSVC que je me suis engagé pour la première fois. Pendant très longtemps, je fus administrateur du syndicat de cru Fins Bois. En toute logique, j’ai rejoint le SGV Cognac au moment de sa constitution puisque c’était la démarche à suivre à l’époque. Je l’ai fait avec toute la conviction nécessaire. Je fus même délégué du SGV. Hélas, cet élan n’a pas perduré. L’impossibilité d’exprimer son point de vue, nous fûmes beaucoup à le ressentir un moment ou à l’autre. Moi, ce fut le 25 juillet 2002, lors d’une AG du syndicat. C’est là que j’ai décidé de jeter l’éponge. Mais je ne voudrais pas trop revenir sur ces questions. Le passé est le passé. Il faut tourner la page.
« L.P.V. » – Pouvez-vous préciser tout de même vos principaux motifs de désaccord ?
F.-J.P. – Globalement, ils avaient trait à la QNV et à la rentabilité des exploitations. A ce moment-là, nous nous trouvions face à une situation de blocage complet. Je crois que les dirigeants du SGV n’avaient pas compris qu’il fallait aussi écouter les avis divergents. Mais une fois encore, je ne souhaite pas épiloguer sur cette période. L’époque où une frange de la viticulture voulait construire sans l’autre est révolue. La création de la fédération en témoigne. Tout le monde a compris l’importance du dialogue. Même si les élections à l’ADG furent difficiles, Jean-Bernard de Larquier et Christophe Véral ont su rapidement faire prévaloir la notion de consensus, un mot qui a irrigué le climat post-élection.
« L.P.V. » – Vous retrouvez-vous dans ce climat d’apaisement ?
F.-J.P. – Absolument. Je suis dans le constructif. Ce qui n’exclut pas d’être ferme dans ses positions. Personnellement, je suis profondément convaincu que l’on ne peut pas aborder la politique viticole sans parler de rentabilité. Il n’est pas envisageable de cultiver des ha non rentables. Cette rentabilité, elle passe obligatoirement par un rendement cohérent par rapport aux besoins du marché, par des prix rémunérateurs, par des surfaces adaptées à l’objectif de production. C’est à ce prix que nous arriverons à pérenniser nos exploitations. Quand on voit aujourd’hui le nombre d’exploitations sans repreneurs, c’est alarmant.
« L.P.V. » – Que pensez-vous du principe d’affectation ?
F.-J.P. – Il reste encore des zones d’ombre. Tout n’est pas réglé comme, par exemple, le problème des excédents. Il faut détruire certes mais sans entacher la rentabilité. Quand on nous dit que les débouchés « autres » permettront un redéploiement de nos ha, je n’y crois qu’à moitié. Bien sûr que des jus de raisin à 27 € le ° hl représentent un débouché intéressant. Mais où en seront les prix quand la région devra faire face à des excédents d’un million et demi d’hl vol. ? Je doute fort que l’on soit alors sur les mêmes bases. Un gros point d’interrogation persiste sur la rentabilité de ces filières, voire de leur existence même.
« L.P.V. » – Pour vous, l’organisation régionale est bouclée ?
F.-J.P. – Sans doute y aura-t-il encore certains aménagements, je l’espère en tout cas. Pour cette campagne, nous sommes toujours en système transitoire. Demain, s’appliquera un régime d’affectation avant récolte et certainement bien avant récolte, peut-être pluriannuelle. Mais pour cela, il faudra au préalable mettre en places les filières « autres débouchés ». Car aujourd’hui, où affecter quand on n’affecte pas au Cognac ? Nous n’avons pas la réponse. Ce n’est pas trop grave quand le rendement est à 10,85 mais cela risque de le devenir lorsqu’il tombera à 8-8,5, en espérant qu’il ne descende pas trop en dessous. Dans ces domaines, les solutions ne se décrètent pas.
« L.P.V. » – Le SVBC a pu s’attirer la réputation d’être « inféodé » au négoce ?
F.-J.P. – Si être « inféodé » consiste à vouloir nouer un dialogue avec son partenaire, alors oui, nous sommes un syndicat inféodé. Plus sérieusement, notre culture de bouilleurs de cru nous amène à entretenir des relations avec le négoce. S’affronter avec son partenaire, c’est prendre le risque de se retrouver seul à la table des discussions. Ce que nous souhaitons, c ‘est justement discuter avec le négoce. Moi, je ne me sens absolument pas inféodé à mes acheteurs ni pieds et poings liés, et pourtant ma famille entretient des relations commerciales avec eux depuis quatre générations.
« L.P.V. » – Où situez-vous les grands enjeux de demain ?
F.-J.P. – A coup sûr, l’évolution des prix en constitue un. Je sais qu’au sein de l’interprofession, parler de prix est interdit. Voilà bien longtemps que la cote interprofessionnelle a disparu du paysage. Ceci étant, peut-être peut-on parler d’évolution de prix et également de pratiques commerciales et de déontologie. Aujourd’hui, il n’y a pas de marché à la casse mais le sujet pourrait revenir très vite d’actualité. C’est pour cela qu’un code de bonne conduite serait hautement souhaitable. En disant cela, je ne vise personne. Je pense même que la balle est également dans le camp de la viticulture. Le marché à la casse se nourrit d’attitudes erratiques de la viticulture. En la matière, la responsabilité est partagée.
« L.P.V. » – Comment évolue la vie du syndicat ?
F.-J.P. – Nous sommes en train de nous restructurer. Nous mettons en place des groupes de travail un peu calqués sur les commissions du BNIC, avec l’idée d’explorer les dossiers en interne. Va nous y aider Sylvain Baubiac, notre jeune chef de projet recruté en septembre.
« L.P.V. » – Quelles pourront être les relations du syndicat avec la fédération ?
F.-J.P. – A l’évidence, elles ne pourront être qu’être bonnes. Le SVBC adhère tout à fait à l’idée de trouver une motion commune avant de se présenter à l’interprofession. Avec la majorité requise des deux tiers, cet accord ne se réalisera que sous une forme de consensus et non de compromis. C’est l‘état d’esprit du SVBC que de rechercher le consensus. Le compromis, lui, n’est qu’un mauvais arrangement. Nous saurons convaincre nos partenaires… ou eux-mêmes réussiront à nous convaincre. Le SVBC, en tout cas, essayera de se montrer convaincant. Avec de bons arguments, il y a tout lieu d’y croire.
« L.P.V. » – Comment abordez-vous votre mandat de président ?
F.-J.P. – Il s’agit d’un exercice de style pour lequel je n’étais pas du tout préparé. Je vais apprendre. D’emblée, je réclame l’indulgence. Concrètement, il va falloir s’organiser sur l’exploitation mais le problème est le même pour tout le monde.
SVBC
Nouveau Conseil d’Administration
Président : François-Jérôme Prioton
Président d‘honneur : Jean-Louis Brillet
Vice-présidents : Stéphane Roy et Philippe Martineau
Secrétaire : Eric Billhouet
Secrétaire adjoint : Xavier Laval
Trésorier : Olivier Louvet
Trésorier adjoint : Christophe Véral
Membres du C.A. : Freddy Brun, Jean-Philippe Roy, Paul Grelet, Michel Saunier, René Biay, Guy Borderon, Béatrice Soucaret, Jean-Claude Baudet, Pascal Millasseau, Roland Vilneau.
Membres actifs : Patrick Lesueur, Bernard Gauthier, Pierre Martineau.
Sylvain Baubiac est le nouveau permanent du SVBC. Depuis deux ans, le syndicat s’était doté d’une chargée de communication, Fanny Le Saux. Elle est partie à Nantes, recrutée par le groupe EADS. Comme quoi le syndicalisme viticole mène à tout. Christophe Véral, alors président du SVBC, s’est chargé de son remplacement. Cette fois, c’est un chef de projet qui a été choisi, une nuance sémantique pour signifier que le syndicat veut mettre l’accent sur les thématiques professionnelles, lui qui est représenté aujourd’hui tant en assemblée plénière du BNIC qu’au comité permanent. « Une grosse partie de mon travail va consister à faire la synthèse des informations émanant aussi bien de l’interprofession que des professionnels » signale S. Baubiac. Agé de 25 ans, le jeune homme a pris ses fonctions le 7 octobre dernier. Originaire de Saint-Yrieix, en Charente, il a suivi une formation mêlant géographie, aménagement du territoire, développement local. Détenteur d’un master II « ingénierie de projet, politique locale, ITC », il a effectué ses études à Poitiers, Toulouse et Pau. Il a signé un CDD d’un an avec le SVBC.
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