Cependant, les cours du pétrole ont parfois bon dos. Ils n’expliquent pas tout. Prenons le soufre par exemple. On parle d’une augmentation du prix du fongicide de 30 à 35 %. Et, en l’occurrence, le prix du pétrole n’a rien à y voir. Dans ce cas précis, l’envolée des cours est de nature éminemment spéculative. Au niveau mondial, ne subsistent que deux fabricants, qui profitent de leur situation de quasi monopole. Même chose pour le glyphosate. Un sérieux coup de pouce sur le prix du désherbant est annoncé. Mais, là aussi, la production se retrouve entre les mains de deux sociétés. La concentration des entreprises, qui a sans doute participé en son temps à la baisse des prix, est en train de dévoiler ses effets pervers, dans tous les secteurs d’activité. Témoignage d’un revendeur de cuves inox : « On se demande si les quatre grands laminoirs qui demeurent en Europe, un espagnol, un norvégien, un français et un allemand, ne se téléphonent pas tous les matins pour fixer le prix. Il y a 15 ou 20 ans, la concurrence était bien plus acharnée. » A cette dérive du système, s’ajoute bien sûr l’effet de la mondialisation. La situation constatée sur le phosphate d’ammoniaque illustre parfaitement le phénomène. L’an dernier, l’engrais chimique valait 40 € et des poussières le quintal. On l’annonce pour cette campagne à 90 €, soit un produit qui en fin d’année risque d’affleurer les 1 000 € la tonne. Dans ce cas, c’est la demande mondiale qui fait grimper les cours. La Chine, les pays de l’Est, deviennent de gros consommateurs d’engrais. La demande dépasse largement l’offre. Si l’on ajoute à cela certains accidents survenus dans les mines de potasse (inondations…), qui ont raréfié l’offre et des difficultés d’acheminement – les gros navires vraquiers étant aspirés par le transport du minerai de fer, lui-même boosté par la demande mondiale – on a tous les ingrédients d’une pénurie. Question : à ce tarif, les viticulteurs continueront-ils à intégrer du phosphate d’ammoniaque dans leur programme de fertilisation ? Même chose pour le désherbage. Ne va-t-on pas assister à un retour du travail du sol ?
Plus globalement, comment réagissent les vignerons charentais à cet environnement haussier ? « Tout le monde râle un peu mais continue d’acheter. Les affaires sont même moins difficiles qu’il y a trois ou quatre ans » observe un petit constructeur de matériel agricole. Pour autant, c’est la raison qui prime, même parmi la jeune génération. « Les gens savent calculer. Certes, ils ne se projettent pas à 5-10 ans, connaissant le cycle aléatoire du Cognac. Mais ils raisonnent leurs investissements. Il n’y a personne en Charentes pour commander dix cuves inox. Une cuve fibre remplace une cuve béton. » Même chose pour les alambics. Une chaudière de 25 pour 10 ha de vigne n’est pas à l’ordre du jour. S’équipent les exploitations de 25-30 ha. Ce qui n’empêche pas les chaudronniers cognaçais de réaliser de très bonnes campagnes depuis trois ans. Aujourd’hui, il se monte entre 100 et 120 chaudières neuves par an contre moins d’une dizaine au début des années 2000. Malgré une prudence innée, la région a donc clairement changé de braquet. Parce que beaucoup de besoins restent à satisfaire, notamment au vignoble et au chai, parce qu’ils ont vendu aussi, les viticulteurs se projettent dans l’avenir et « investissent plein pot ». D’où la réflexion d’un marchand de matériel : « Il ne faut pas que le mouvement s’arrête. Vu le niveau d’engagement, un coup de frein brutal de l’économie serait catastrophique. Pire que par le passé. » The show must go on.
Renouvellement de l’interprofession : rendez-vous fin septembre
Normalement, le renouvellement des membres du BNIC aurait dû intervenir le 23 juillet dernier. Sauf que cela ne s’est pas passé compte prévu. Après les élections à l’ADG Cognac valant test de représentativité pour le renouvellement du BNIC, les deux syndicats sortis des urnes, SGV et SVBC, ne se sont pas entendus sur l’interprétation à donner aux résultats. Une situation de blocage qui a valu à la famille viticole de présenter 20 candidats pour 17 sièges à pourvoir. De quel camp éliminer les candidats en trop ? Une question insoluble. Le lundi 21 juillet, le BNIC s’est réuni en assemblée plénière. Objectif : pallier le vide juridique qui risquait de s’installer après le 23 juillet, fin de la mandature de l’actuelle assemblée interprofessionnelle. Il a été décidé d’adapter les statuts de l’interprofession pour prolonger le mandat de l’assemblée siégeante jusqu’à fin septembre. Entre-temps, le pari est fait que la famille viticole réussira à trouver un terrain d’entente. Si tel n’était pas le cas, Jean-Pierre Lacarrière, président de l’actuelle interprofession, indique que « la région se dirigerait vers un test de représentativité, test qui aura lieu courant novembre. » Personnellement, il exclut l’idée d’un arbitrage extérieur. « L’interprofession vit sa vie. Et puis nous avons suffisamment demandé à être maître chez nous pour ne pas aller chercher une intervention extérieure au premier accroc. » Il espère toutefois que la raison prévaudra. « Le chef de famille de la viticulture, Bernard Guionnet, va s’employer à trouver un accord durant l’été et je serai là pour l’épauler. »
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