De rude galère en vrai rebond

15 décembre 2008

Au bord du gouffre, donner le coup de pouce qui va permettre de repartir… La Fondation de la 2e Chance, dont le comité exécutif est dirigé par l’ancien ministre Michel Giraud, vient de lancer un nouveau site-relais à Cognac. Comme les autres sites-relais, il est adossé à un « grand partenaire » de la fondation, en l’occurrence le groupe Rémy Cointreau.

Elle s’appelle Georgette et elle vient de Côte-d‘Ivoire. Fonctionnaire, elle quitte son pays pour suivre son mari, conducteur de chantiers. Divorce, chômage, trois enfants à élever… la galère, la vraie. Avec l’aide de la Fondation de la 2e chance, Georgette ouvre à Dijon sa « Marmite africaine » qui devient rapidement l’une des bonnes tables de la ville. Georgette retrouve goût à la vie, embauche deux RMistes…

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Ch.Robion-Villotta, D. Hériard Dubreuil et M. Giraud

L’histoire de Georgette, d’autres l’ont vécue à quelques variantes près comme Evelyne, Cyrille, Marc, Daniel… Tous, ils se sont retrouvés à un moment de leur existence tout près du « trou », de ce gouffre dans lequel, parfois, il est si facile de glisser. Tous, ils ont trouvé la force de réchauffer en eux la petite flamme du rebond, celle qui vous pousse à avancer.

Lors du lancement du nouveau site relais, le 14 avril dernier, dans les locaux de la société Rémy Martin, Michel Giraud, ancien ministre du travail sous le gouvernement Balladur, a tenu à préciser d’emblée le créneau sur lequel se situait la Fondation. « Si quelqu’un qui a un job veut changer de job, ce n’est pas pour nous ! Nous retenons les dossiers de gens en situation de réelle précarité, confrontés à des épreuves si lourdes qu’elles sont presque toujours cumulatives : perte d’emploi, pépin de santé, séparation affective… bref, c’est la galère. Mais nous souhaitons aussi trouver chez ces personnes l’envie, la détermination de rebondir. Nous refusons la culture de l’attente et de l’assistanat. La démarche de la Fondation de la 2e Chance a ceci de particulier qu’elle pousse à l’esprit créatif, entreprenarial, grâce notamment au système de parrainage. Notre créneau peut paraître étroit mais nous ne l’élargirons pas, sous peine de nous trahir. C’est ce ruisseau-là que nous voulons approfondir » Dominique Hériard Dubreuil, président du conseil d’administration de Rémy Cointreau, a repris à son compte l’expression américaine « Give me a chance » (donne moi une chance). « En France, a-t-elle dit, nous ne le faisons pas assez. Un échec est trop rarement l’occasion de rebondir. Des sociétés comme les nôtres, ayant abrité des lignées d’entrepreneurs, sont aussi là pour épauler ceux qui traversent des difficultés terribles. Nous avons un rôle à jouer. »

De « grands partenaires »

C’est en 1998 que la Fondation de la 2e Chance voit le jour, à l’initiative d’un grand capitaine d’industrie, Vincent Bolloré. Il est vite rejoint par de « grands partenaires », groupes privés, grandes institutions financières, grandes entreprises… A ce jour, ces « grands partenaires » réunis au sein d’un conseil éponyme, sont au nombre de 120 ou 130. On y relève les noms de l’Oréal, Alsthom, Carrefour, Bolloré, la Banque populaire, la Poste, Aéroport de Paris, la RATP, Suez, les Caisses d’Epargne, Rémy Cointreau… Aujourd’hui, la Fondation cherche à mettre en place des clubs 2e Chance en région, en sollicitant le réseau des PME. Dans telle ville, ce sera un club professionnel, dans telle autre un club rotary ou un club Medef. Ces clubs ont vocation à être fédérés dans un conseil des clubs 2e chance des partenaires décentralisés. Surtout, ils sont appelés à travailler en étroite collaboration avec les sites relais. Ces sites relais, véritables plaques tournantes, chevilles ouvrières de la Fondation, ont pour mission de faire remonter les dossiers et d’assurer les parrainages, un rôle essentiel. Au nombre de 45 en début d’année, ils devraient rapidement atteindre le chiffre de 55, afin d’assurer un bon maillage du territoire. Chaque site relais est adossé à un « grand partenaire », Rémy Cointreau à Cognac et à Reims, La Poste à Périgueux et à Poitiers, Coca Cola à Dunkerque, Carrefour à Lens, Bolloré au Havre, Thomson multimédia à Rennes, Schneider Electric à Grenoble… A chaque fois, un salarié bénévole et volontaire reçoit la caution explicite du « grand partenaire » pour assumer la responsabilité de délégué du site, en sus de son activité professionnelle. Dans 8 cas sur 10, il s’agit d’un DRH (directeur des ressources humaines). A Cognac, c’est Chantal Robion-Villotta, responsable des ressources humaines de Rémy Martin, qui pilote le site relais. « Patron » de la structure, elle est aidée par des bénévoles, seniors ou non. « Je suis à la tête d’une PME de 2 000 bénévoles », constate M. Giraud.

Le parrainage, une des clés de la réussite

Le parrainage fait partie des fondamentaux de la Fondation. Autant que l’appui financier, il a été présenté par Michel Giraud sinon comme la clé de la réussite, du moins comme le meilleur rempart contre l’échec. « On ne lâche pas nos porteurs de projet avant que ceux-ci soient réalisés. La clé de la solidarité, c’est la complémentarité. » Les parrains œu-vrent au sein des sites relais. Ce sont souvent des seniors, toujours des bénévoles. Ils se retrouvent à deux ou à trois pour jouer les facilitateurs, « rendre possible ce qui peut paraître sans solution ». Ce « parrainage scrupuleux » dont parle M. Giraud explique peut-être le faible taux d’échecs des « rebonds de vie » aidés par la Fondation – moins de 20 % – contre 50 % au plan général. En ce qui concerne l’aide financière proprement dite – tout de même l’un des volets majeurs du dispositif – il s’agit d’une dotation et non d’un prêt. Plafonnée à 10 000 €, elle peut atteindre 15 000 € dans certaines circonstances exceptionnelles.

Cependant, la majorité des dossiers sont plus près des 6-7 000 €, en fonction du calibrage des besoins. Statistiquement, ce « coup de pouce » de la Fondation concerne des personnes autour de la quarantaine (critère d’éligibilité de 18 à 60 ans) et sert aussi bien d’effet déclencheur que de « clé de voûte ». Cas de la personne qui s’est fait jeter par les banques parce qu’elle ne disposait pas de capitaux propres et pour qui « un petit bout de fonds propres » va favoriser le déblocage d’un prêt complémentaire. Cas encore de ce jeune homme handicapé physique pour lequel un véhicule adapté va se révéler le sésame à l’emploi.

Paradoxalement, la remontée des « projets de rebonds » est le problème majeur auquel se trouve aujourd’hui confrontée la Fondation. « Est-ce la culture de l’assistanat ? Nous avons un peu de mal », avoue sans fard l’ancien ministre. « Nous pourrions sans difficulté doubler la cadence. » Pour favoriser l’émergence de projets, la Fondation compte non seulement sur le réseau de ses sites relais mais aussi sur le vivier des acteurs sociaux de terrain (ANPE, missions locales, associations…).

Entre l’instruction du projet et sa sanction – l’accord ou non des aides – la Fondation s’engage à ne pas dépasser un délai de deux mois. Après être passé par le premier tamis du site relais, le dossier est transmis à un comité d’agrément régional composé de sept à dix « seniors haut de gamme », anciens cadres supérieurs, dirigeants d’entreprise… Ces seniors, qui donnent deux jours de leurs temps par semaine à la Fondation, se réunissent tous les quinze jours-trois semaines pour émettre un avis sur les dossiers. Ces derniers sont ensuite confiés au comité exécutif de la Fondation, composé de neuf membres, tous de haut niveau : Vincent Bolloré, président, Bertrand Dufourcq, à la tête de la Fondation de France, Antoine Veil (mari de Simone Veil), Christian Vulliez, directeur général adjoint de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris… Convoqué tous les deux mois, toujours un mercredi de 17 h 30 à 20 h, ce comité a la haute main sur les décisions. Soit il se conforme aux avis des comités d’agréments, soit il joue sur le curseur du volet dotation, soit encore il rattrape un avis défavorable. Michel Giraud se dit attaché à ce formalisme des procédures, gage de professionnalisme et d’efficacité. L’argent transite par la Fondation de France. « En dehors des 4 % réservés à la Fondation de France pour sa gestion comptable, tout l’argent va au “coup de pouce” », indique le directeur du comité exécutif. La Fondation devrait être prochainement reconnue d’utilité publique. Depuis sa création en 1998, elle a aidé environ 1 400 « rebonds de vie », à un rythme de 400 par an.

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