FNSEA – Réforme des retraites : « Un rendez-vous manqué »

29 novembre 2010

Convaincue qu’il fallait réformer le système de retraite, la FNSEA a pourtant le sentiment d’un rendez-vous manqué, elle qui souhaitait voir « rebattre les cartes », au bénéfice des retraites agricoles.

Au sein du Cor (Comité d’orientation des retraites*), Jean-Bernard Bayard fut associé à la réflexion sur la réforme des retraites. Ce « Nordiste », agriculteur à Izel-les-Equerchin, dans le canton d’Arras, se situe en bonne place dans l’organigramme de la FNSEA. Il occupe le poste de secrétaire général adjoint. D’une voix forte, qui n’a pas besoin de micro pour se faire entendre, il a brossé à grands traits la réforme des retraites, votée le 27 octobre dernier. Qu’on s’entende bien ! Le syndicat agricole soutient sans ambiguïté la réforme des retraites. « Toute autre attitude serait à nos yeux irresponsable. On ne peut pas léguer aux générations futures de tels déficits. » Si rien n’était fait, des simulations, réalisées par le Cor, fixent le déficit annuel à 40-50 milliards d’€ à l’horizon 2020 et à 100 milliards en 2050. Le régime agricole connaît quant à lui des déficits annuels de l’ordre d’1,3-1,4 milliard d’€. « C’est la survie même du régime de répartition qui est en jeu » diagnostique le dirigeant agricole. Face à cette situation, « soit il fallait diminuer le montant des pensions, soit augmenter les cotisations, soit augmenter la durée d’activité. D’une manière très claire, c’est la durée d’activité qui fut choisie. » D’accord sur l’allongement de la durée d’activité, qui passe de 60 à 62 ans, le syndicat majoritaire a pourtant le sentiment « d’un rendez-vous manqué ». Lui aurait souhaité « que l’on rebatte totalement les cartes au niveau des retraites, sur l’ensemble des régimes ».

Aujourd’hui une vingtaine de régimes de retraites existent : régimes privés des salariés, régimes des non-salariés (MSA, professions libérales), régime des cultes ainsi que tous les régimes spéciaux des fonctionnaires. Que revendique la centrale agricole en matière de retraite ? A la fois des objectifs à long terme – que l’on peut qualifier de « prospectifs » – et des objectifs à plus court terme, sans doute plus facilement atteignables.

tva sociale

La « TVA sociale » appartient à la première catégorie. J.-B. Bayard a d’ailleurs hésité à prononcer le terme. « C’est presque un gros mot, a-t-il avoué, qui ne passe plus auprès du gouvernement ni de certaines centrales syndicales. » Il considère pourtant la « TVA sociale » comme la seule porte de sortie pour continuer à financer les retraites. « Dans un monde totalement ouvert aux échanges, il paraît difficile de faire peser tout le poids des retraites sur le seul revenu du travail. De fait, les produits d’importation échappent au financement des retraites, alors même qu’ils introduisent des distorsions de concurrence. » Dans un futur plus ou moins proche, le syndicat agricole verrait bien cette « TVA sociale » – sans doute rebaptisée – alimenter, tous régimes confondus, le socle minimal, c’est-à-dire le minimum vieillesse. Reste la retraite par points. En agriculture, ce régime par points présente la particularité de fonctionner par paliers. D’où une « lecture » difficile et, surtout, des déperditions en ligne. Qui plus est, ce régime porte sur l’ensemble de la carrière et non sur les meilleures années. Au cours de la négociation, la profession agricole a demandé que soient retenues les 25 meilleures années. Elle a reçu une fin de non-recevoir ou presque. Il a été convenu que la MSA conduise une étude sur le sujet. Un rapport sera rendu. Le dirigeant agricole l’a admis sans difficulté. « Il s’agit juste d’une porte entrouverte et absolument pas d’un aboutissement. » Même chose pour la pénibilité du travail (possibilité de départ anticipé). Alors que le régime général va s’appliquer aux salariés agricoles, les non-salariés agricoles devront justifier, pour en bénéficier, d’une incapacité permanente à hauteur de 10 %. Plusieurs autres mesures techniques butent sur de pareils blocages.

A 51 ans, Patrick Couillaud préside la MSA des Charentes après avoir été à la tête de la MSA 17. Les deux caisses charentaises ont fusionné en avril 2010. Installé dans le sud Charente-Maritime, P. Couillaud exploite 27 ha de vignes et 120 ha de céréales. Le président du groupe mutualiste a livré quelques chiffres. A ce jour, la MSA des Charentes verse 114 000 retraites à 37 000 salariés (17), 25 000 salariés (16), 28 000 non-salariés (17), 22 000 non-salariés (16). Le régime agricole des Charentes compte un actif pour trois retraités. Sur les retraités qui quittent chaque année le monde actif, en moyenne 10 % ont moins de 60 ans, 56 % 60 ans, 10 % 62 ans, 13 % 65 ans et 7 % prennent leur retraite après 65 ans. En Charente, 50 % des chefs d’exploitation agricole partent avec moins de 500 € mensuels, 49 % entre 500 et 1 000 € et 1 % avec plus de 1 000 €. Montant « kif-kif » en Charente-Maritime. Pour rappel, le minimum vieillesse « pauvreté », lui, s’élève à 645 € (4 230 F). Ainsi, la moitié des retraités agricoles charentais se situeraient en dessous de ce minimum vieillesse, pour des raisons différentes d’un cas à l’autre (aide familial, insuffisance de trimestres…). Se plaindre de trop cotiser quand on est actif et de ne pas assez percevoir une fois retraité est, paraît-il, une « figure de style ». Cependant, peut-on espérer un jour voir niveau de prestation et niveau de cotisation à l’unisson, et tout simplement décent ?

* Créé en 2000, le Cor (Conseil d’orientation des retraites) est un lieu permanent d’études et de concertation entre parlementaires, représentants des partenaires sociaux et représentants de l’Etat. Il compte 39 membres.

 

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