Flavescence dorée : Un combat sur 80000 hectares

2 juillet 2013

une épidémie explosive dans toute la région

La flavescence dorée représente-t-elle un danger majeur pour la productivité et la pérennité du vignoble charentais ? Beaucoup de viticulteurs répondent de façon négative à cette question car leur préoccupation du moment est les maladies du bois qui font « crever » tous les ans de plus en plus de souches. Cette réaction surprenante est compréhensible compte tenu du caractère spectaculaire et brutal de la mortalité des ceps atteint d’esca et de BDA. Pourtant, la flavescence dorée est un mal tout aussi dangereux surtout quand la maladie s’implante librement. Laisser prospérer les 3, 4, 5 premières souches contaminées peut conduire à l’arrachage de la parcelle entière trois ans plus tard. La méconnaissance de la maladie et son expansion par foyers dans des zones géographiques limitées au départ ont contribué à ne pas prendre la juste mesure du mal. Durant de nombreuses années, l’absence de dispositif de lutte à l’échelle de toute la région a permis à la maladie de prospérer. L’épidémie a atteint un degré de nuisance élevé qu’il est encore difficile de cerner avec précision. Indéniablement, la flavescence dorée représente un réel danger pour la productivité et la pérennité du vignoble. Heureusement, les professionnels ont décidé de mettre en place une action de lutte régionale pluriannuelle, dont le fondement repose sur l’élimination de l’innoculum infectieux dans les parcelles.

Durant l’année 2012, la flavescence dorée qui était considérée jusqu’à présent comme « un mal » secondaire localisé à quelques zones est devenue une grande cause régionale. L’investissement des professionnels pour sensibiliser les viticulteurs a porté ses fruits car les démarches de prospections de symptômes à l’automne dernier ont atteint un niveau sans équivalent. Un véritable plan de bataille pluriannuel a été mis en place à l’échelle de toutes les communes viticoles pour endiguer l’expansion de la maladie. Les deux éléments clés du dispositif de lutte sont l’implication personnelle des viticulteurs et la constance des efforts pendant plusieurs années.

 

 

 

A l’issue des prospections de l’automne 2012, la situation peut être qualifiée de toujours préoccupante, même si la mobilisation pour la recherche des symptômes à la fin de l’été dernier a été bonne. La flavescence dorée est un problème qu’il faut désormais intégrer de manière permanente dans l’approche globale de gestion de la protection du vignoble. Après 3, 5, 7 ans de lutte sérieuse, peut-on affirmer avoir définitivement éradiqué cette maladie ? Malheureusement non ! Ce discours peu encourageant mais très réaliste est tenu de plus en plus souvent par de nombreux techniciens. Il faut parler vrai : « Un territoire viticole, contaminé par cette maladie et ensuite assaini, demeure à long terme une zone à fort risque qu’il faudra surveiller de près. » La flavescence dorée est une maladie incurable dont on est en mesure de faire régresser presque totalement les nuisances grâce à la mise en place de stratégies de lutte globales rigoureuses et pérennes. Par contre, si de telles stratégies ont démontré leur efficacité, elles ne garantissent pas la disparition totale de la maladie. Après 4 à 5 années de lutte au cœur d’un foyer, ne plus retrouver de souches porteuses de symptômes est fréquent. Les viticulteurs peuvent alors avoir le sentiment d’avoir gagné la partie mais, dans la réalité, on est sûr de rien. Entre le moment où une souche est contaminée par une cicadelle infectieuse et l’expression des symptômes, une à deux années peuvent s’écouler.

Prospecter est le seul moyen d’éliminer l’innoculum infectieux des parcelles

p19.jpgActuellement, aucun traitement chimique ne permet de détruire les phytoplasmes responsables de la maladie une fois qu’ils ont pénétré dans les souches. Un seul cep porteur de ces bactéries infectieuses est suffisant pour relancer une dynamique d’épidémie importante. La FD est un mal insidieux, sournois, dont il ne faut pas sous-estimer la capacité de ré-infestation. Un petit foyer de 2 souches non détecté prospère toujours de manière spectaculaire et, trois ans plus tard, une parcelle entière peut être arrachée et en plus l’épidémie a pu être disséminée dans un rayon de plusieurs kilomètres. La capacité de cette maladie « à se faire oublier » pendant 1, 2, 5, 10 années est une réelle spécificité qu’il ne faut pas perdre de vue. L’état actuel des connaissances scientifiques n’a pas permis de trouver un moyen de détruire les phytoplasmes dans les souches en place sans détériorer les tissus végétaux. Le moyen de lutte majeur repose donc sur l’identification et l’arrachage des souches extériorisant des symptômes. L’élimination de l’inoculum infectieux présent dans les parcelles est fondamentale pour stopper durablement l’extension de la FD. La recherche des symptômes par le biais des prospections nécessite du temps et des compétences. La réalisation des prospections doit désormais être considérée comme une intervention culturale manuelle supplémentaire que les viticulteurs doivent intégrer dans le calendrier des travaux au même titre que les épamprages ou les relevages. Concentrer uniquement la lutte sur l’application d’une couverture insecticide pour contrôler le vecteur, la cicadelle de la FD, ne permet pas d’éliminer les ceps contaminés porteurs des phytoplasmes et donc le potentiel infectieux de la maladie demeure intact. Il faut s’attaquer « aux racines du mal » en prospectant les symptômes. Ensuite, la mise en œuvre de la lutte insecticide est une mesure complémentaire indissociable qui limite la dissémination de la maladie. Une fois les parcelles assainies durablement, un allégement de la couverture insecticide pourra être envisagée si un protocole de surveillance du territoire est maintenu.

Lutter efficacement contre la FD nécessite un engagement à long terme

p20.jpgLa flavescence dorée est présente dans l’ensemble de l’aire de production du vignoble de Cognac. En moins de 10 ans, l’expansion de la maladie a été spectaculaire et, depuis un an, les professionnels déploient des moyens nettement plus importants pour construire des stratégies de lutte plus efficaces. L’année 2012 a été marquée par un investissement technique d’envergure pour sensibiliser les viticulteurs à la recherche des symptômes. La forte implication de l’UGVC dans le dossier flavescence dorée a permis de construire une dynamique de lutte globale pour l’ensemble de la région délimitée alors qu’auparavant elle se limitait trop souvent aux zones contaminées et aux communes de sécurité. L’état des lieux 2011 avait révélé un développement rapide et diversifié de la maladie qui a suscité une profonde inquiétude. Des nouveaux foyers de fortes intensités ont été identifiés dans diverses zones saines de la région délimitée et le retour de la maladie dans plusieurs secteurs assainis constitue des sources d’inquiétudes majeures. La flavescence dorée a prospéré rapidement malgré les différents dispositifs de lutte mis en place par les SRAL. Pour faire face à l’urgence de la situation, des moyens de lutte beaucoup plus importants ont été mis en place en 2012.

Des viticulteurs prospecteurs : la seule solution réaliste

p21.jpgLa clé de voûte des stratégies de lutte repose sur la recherche des symptômes pour les éliminer. Prospecter 80 000 ha de vignes en 3-4 semaines nécessite du temps et des compétences. Faire appel à des équipes de prospecteurs professionnels peut sembler être la solution la plus fiable, mais la mise en œuvre pratique de cette démarche s’avère délicate. A raison de 1 h 30 à 2 heures par hectare (en l’absence de symptômes dans des vignes larges), il faudrait en théorie 120 à 160 000 heures de travail pour établir un état des lieux exhaustif de l’état sanitaire du vignoble. Cela représente l’équivalent de 3 300 à 4 600 semaines de travail. Au sein de la région de Cognac, est-il possible de mobiliser pendant 4 à 5 semaines 60 à 100 personnes maîtrisant parfaitement la reconnaissance des symptômes ? La réponse à cette question est malheureusement non. Malgré toute la bonne volonté des techniciens régionaux travaillant sur la FD, le gisement de compétences ne dépasse pas une quinzaine de personnes dont les disponibilités en temps demeurent assez limitées. Former des équipes de prospecteurs expérimentés est sans doute une piste de réflexion à développer, mais cela ne peut pas être mis en place dans l’urgence. On ne devient pas un expert de la reconnaissance des symptômes de la FD après une ou deux journée de formation. Si lors de l’été sec de 2011 les symptômes étaient précoces et faciles à reconnaître, en 2012 leur apparition tardive et avec une intensité d’expression moindre a rendu le travail de détection beaucoup plus difficile. Il faut beaucoup pratiquer pour être en mesure de repérer les symptômes discrets. En plus, avec un cépage blanc comme l’ugni blanc les risques de confusion de symptômes avec de la chlorose, des expressions foliaires d’esca, de BDA, des carences en oligo-éléments sont possibles.

Un handicap majeur pour la lutte : la méconnaissance de la maladie

p22.jpgDepuis plus d’un an, les responsables de l’UGVC après avoir pris en compte tous ces éléments ont mené une réflexion globale pour faire face à la fois à une situation d’urgence et construire un projet de lutte structuré dans le long terme. La flavescence dorée est une maladie récente qui, en l’absence de contrôle, est en mesure de fragiliser durablement la pérennité du vignoble. En quelques années, elle est devenue une préoccupation majeure mais qui est malheureusement encore sous-estimée par beaucoup de viticulteurs. Cette situation s’explique par la méconnaissance des symptômes et les risques de confusion avec d’autres affections. La diffusion d’informations sur la flavescence dorée dans les cursus de formation en viticulture-œnologie a commencé seulement depuis une quinzaine d’années, ce qui explique le déficit de connaissances autour de la maladie. Il est donc compréhensible que beaucoup de viticulteurs ne se sentent pas capables de rechercher dans les vignobles des symptômes qu’ils n’ont vu que sur des planches photos. Dans de telles conditions, comment créer une dynamique pérenne de sensibilisation auprès de l’ensemble de chaque viticulteur de la région délimitée ? Jusqu’à présent, seules les propriétés directement confrontées ou très proches d’un foyer ont pris la juste mesure du danger FD. L’équipe de l’UGVC a considéré qu’il était souhaitable de s’appuyer sur les forces vives du syndicat pour constituer un réseau de référents locaux dont la mission est d’être des interlocuteurs privilégiés du dispositif de lutte. Au cours de l’été 2012, des efforts techniques et de communication importants et inégalés ont été déployés dans toutes les zones de la région délimitée pour inciter les viticulteurs à réaliser des prospections de symptômes.

Le choix réaliste et assumé de responsabiliser chaque viticulteur

Annabelle Monnereau et Julien Lesueur, les deux responsables de l’UGVC ayant en charge le dossier FD, ne cachent pas que la gestion de la lutte à court et long terme n’est pas simple à aborder : « La flavescence dorée a connu une telle expansion depuis 2010 qu’il fallait réellement créer une forte sensibilisation des viticulteurs situés dans le PLO mais aussi dans toutes les zones considérées encore comme saines. Les mauvaises surprises depuis trois ans sont liées à la sous-estimation du pouvoir de nuisibilité de la maladie. Les systèmes de lutte mis en place depuis une dizaine d’années se sont avérés efficaces pour assainir les foyers existants mais pas pour créer une dynamique de recherche des symptômes adaptée à la puissance de l’épidémie. Faute d’avoir pu localiser les nouveaux foyers suffisamment tôt, la maladie a pris une longueur d’avance. Aujourd’hui, nous sommes convaincus que le rôle du prospecteur doit représenter le cœur du dispositif de lutte. L’expérience de dispositifs de lutte bien gérés après la découverte de foyers virulents démontre qu’il est possible d’assainir durablement des zones contaminées si une surveillance permanente du territoire est mise en place. Le principal volet de lutte est la recherche des ceps extériorisant des symptômes chaque fin d’été. Une fois que les analyses ont confirmé que les souches sont bien porteuses des bactéries responsables de la maladie, leur arrachage est le seul moyen d’éliminer le réservoir d’inoculum de FD. Nous avons fait le choix de responsabiliser individuellement et collectivement tous les viticulteurs de la région pour qu’ils prennent en charge eux-mêmes la réalisation des prospections. Les disponibilités en temps des équipes de techniciens compétents présentes n’étaient pas suffisantes pour envisager des prospections généralisées sous la forme de prestations de service. Faire réaliser les prospections par les viticulteurs nous a semblé être le seul moyen rationnel de « traquer » les symptômes dans le vignoble même si cette solution est décriée par certains. La lutte contre la flavescence dorée est désormais une grande cause régionale qui nécessite l’implication personnelle de chaque viticulteur. En 2012, on a mis en place une nouvelle approche de gestion de la lutte reposant sur la volonté de faire un état des lieux dans chaque commune, en apportant une information directe et personnalisée à chaque viticulteur et en utilisant des référents techniques pour relayer localement le message FD. A la fin de l’été dernier, plus de 250 sur les 450 délégués ont été formés à la reconnaissance des symptômes par les techniciens des Chambres d’agricultures de Charente et de Charente-Maritime. L’animation de ce réseau d’interlocuteurs de terrain a été assurée par le recrutement d’une technicienne, Laeticia Sicaud, dont l’activité est rattachée à la FREDON de Cognac. Le BNIC s’est aussi fortement impliqué en prenant en charge toutes les actions de communication sur la maladie et auprès des viticulteurs. La création du site internet Stop flavescence dorée, l’envoi des dossiers d’information à chaque viticulteur et les relances par SMS pour les prospections ont été gérés par les services du BNIC. »

Le rôle clé des référents locaux en 2012 pour mailler le territoire viticole

p23.jpgp23b.jpgIndéniablement, au cours de la fin de l’été 2012, les initiatives de recherches de symptômes spontanées ou organisées dans toute la région délimitée ont été nettement plus importantes à l’intérieur comme à l’extérieur du PLO. Le contexte de faible expression des symptômes du dernier millésime n’a pas facilité les choses. L’équipe de la FREDON de Cognac a collecté en 2012 un nombre de fiches de prospection sans équivalent (3 000), ce qui atteste de la réussite de la campagne de sensibilisation. Lors de l’automne 2012, un nombre accru de viticulteurs a fait l’effort de passer dans les vignes pour « traquer » les symptômes de FD. Le travail de prospection a été quantifié commune par commune grâce aux retours des fiches de prospection. Cela a débouché sur le calcul d’un taux de prospection. Agnès Darton, la responsable du dossier FD à la FREDON de Cognac, considère que le rôle des viticulteurs référents a été déterminant : « Les viticulteurs qui ont accepté de devenir des référents FD sont des personnes réceptives aux dangers de cette maladie. On s’est rendu compte de leur implication lors des formations de reconnaissance des symptômes. Le contenu des échanges et des discussions était riche et ensuite, ces personnes ont fait preuve d’une réelle bonne volonté pour sensibiliser leurs collègues sur le terrain. Leur mission n’a pas toujours été simple pour trouver les arguments pour convaincre ses proches voisins d’effectuer le travail supplémentaire de prospection. L. Sicaud a maintenu des contacts téléphoniques avec tous les référents pour recueillir leur ressenti sur le déroulement des prospections et sur les remontées de fiches. Nous avons le sentiment que la prise de conscience du danger FD a été beaucoup plus importante dans les secteurs contaminés, les communes de sécurité et les zones considérées comme saines. Le nombre de fiches de prospection qui nous ont été retournées permet d’établir que 64 % de la superficie totale du vignoble ont été prospectés. Le taux de prospection fluctue fortement selon les endroits avec parfois des chiffres à moins de 25 % et d’autres à 90 %. Dans l’ensemble, ce chiffre est tout de même satisfaisant par rapport à celui des années précédentes. Un nombre beaucoup plus important de prélèvements d’échantillons de feuilles (465) ayant extériorisé des symptômes a été analysé. Tous les points de prélèvements dont les analyses se sont révélées positives ont fait l’objet d’une géo-localisation. Si, en 2012, les actions de recherches de symptômes individuelles et collectives ont été nettement plus importantes, cela ne veut pas dire pour autant que l’on a suffisamment cherché la FD. Ce travail de fourmi doit se poursuivre dans les années à venir pour qu’à court terme on puisse réellement établir un état des lieux représentatif de la situation réelle. Durant les deux ou trois années à venir, les efforts de prospections doivent encore être renforcés. »

Un état des lieux 2012 toujours inquiétant mais plus fiable

p24.jpgLes prospections de symptômes de l’automne 2012 ont malheureusement porté leurs fruits puisque de nouveaux foyers de fortes intensités ont été découverts en dehors du PLO (à Meursac et à Saint-Pierre-de-Juillers) et dans le PLO (à Chamouillac, à Saint-Martial-de-Mirambeau et à Nieul-le-Virouil). Le vignoble de Cognac est donc profondément touché par la flavescence dorée puisque 43 % de la surface de vigne a le statut de communes contaminées (une augmentation de 6 % par rapport à la situation de 2011). Les arrachages de parcelles entières, bien que représentant une surface totale de 7,34 ha inférieure à celle de l’année dernière (9,31 ha) restent inquiétants car cela concerne principalement la découverte des nouveaux foyers. Cela signifie que dans ces zones, la maladie implantée depuis plusieurs années a pu être disséminée sans contrainte. De mauvaises découvertes autour de ces nouveaux foyers sont probables à l’automne 2013. Le périmètre du PLO 2013 connaît une nouvelle extension pour atteindre le niveau inégalé de 67 % du potentiel de production de la région délimitée. En Charente-Maritime, le PLO représente 79 % des surfaces et en Charente 55 %. Toutes ces données démontrent bien l’ampleur du développement de la maladie qui concerne aujourd’hui tous les viticulteurs de la région. Plus on cherche la FD, plus on en trouve et plus l’état des lieux gagne en fiabilité. Cette notion de qualité de l’état sanitaire de l’ensemble du territoire viticole charentais vis-à-vis de la FD représente un élément capital d’une part pour construire des stratégies de lutte efficaces et d’autre part pour mettre en place un dispositif de bio-vigilance à long terme. Le net investissement des viticulteurs dans les prospections en 2012 représente un gage de réussite pour l’avenir dans la mesure où il sera poursuivi et intensifié en 2013, 2014 et en 2015.

Une volonté de repenser les protocoles de sortie du PLO

p25.jpgLes démarches d’assainissement débouchant sur une sortie du PLO en cours ne sont pas remises en cause mais la méthode d’assainissement fait actuellement l’objet d’une réflexion approfondie. La volonté de certains viticulteurs d’arrêter l’application d’une couverture insecticide permanente en l’absence de symptômes pendant plusieurs années est tout à fait logique. C’est un objectif louable en phase avec les attentes environnementales actuelles et le respect des équilibres naturels. Une réflexion est en cours pour établir de nouveaux protocoles de travail durant l’intervalle de temps nécessaire à l’assainissement et aussi ultérieurement. Quand une, deux, trois… communes souhaitent sortir du PLO, la notion qualitative du travail de prospection prend une importance capitale. La compétence des prospecteurs est directement impliquée dans le diagnostic d’appréciation de la disparition de l’innoculum de la maladie. Le fait que des zones du PLO n’extériorisent aucun symptôme pendant plusieurs années successives atteste de la régression de la maladie mais ne constitue pas une garantie totale de sa disparition. Des travaux scientifiques conduits à l’INRA de Bordeaux ont mis en évidence que l’expression des symptômes fluctue selon les cépages (merlot peu sensible, ugni blanc moyennement et cabernet très sensibles) et la climatologie de chaque cycle végétatif. Les millésimes précoces et très secs comme ceux de 2011 sont propices à une expression des symptômes plus tôt en saison dont la nature étaient aussi très caractéristique. A l’inverse, des cycles végétatifs plus tardifs marqués par des périodes pluvieuses retardent l’apparition des symptômes et leur intensité demeure limitée. En 2012, les premiers symptômes sont réellement apparus durant la première quinzaine de septembre alors que l’année précédente, à la mi-juillet ils étaient bien visibles.

La reconnaissance des symptômes accessible aux personnes ne connaissant pas la maladie

Les personnes réalisant les prospections doivent donc faire preuve d’une certaine expertise pour détecter tous les types de symptômes les plus marqués comme les plus discrets. Les techniciens estiment que sur un cépage comme l’ugni blanc, la reconnaissance des symptômes est assez facile à acquérir. Des personnes n’ayant pas de connaissance de la maladie sont en mesure de visualiser et de mémoriser assez facilement l’extériorisation des symptômes. Le principal problème concerne plutôt l’époque de réalisation des prospections qui varie fortement selon les conditions de chaque millésime. A. Darton estime que toutes les personnes attentives au développement de la vigne sont en mesure d’acquérir de bonnes capacités de reconnaissance des symptômes de FD : « Au cours de l’été 2011, l’expression forte et précoce de la maladie avait permis à beaucoup de personnes n’ayant jamais vu de symptômes de se faire l’œil en passant plusieurs journées dans des foyers bien infestés. En 2012, les symptômes étaient plus discrets mais tout de même caractéristiques et plusieurs jeunes stagiaires de la Fredon ont acquis rapidement une bonne capacité de diagnostic. L’un des principes essentiels pour maîtriser une détection est d’essayer de corréler le premier élément d’identification perçu à la recherche d’autres symptômes complémentaires sur la même souche. Si, par exemple, l’aspect foliaire gaufré d’une feuille ayant une couleur de limbe moins verte mais trop jaune interpelle, il faut prendre le temps d’explorer la souche plus finement pour observer le degré d’aoûtement des rameaux et l’état des grappes (en parfait état ou desséchées). De toute façon, dès que l’on a un doute, il faut faire appel à un avis extérieur pour confirmer. Les référents locaux ou les techniciens sont des interlocuteurs formés dont le regard extérieur sera toujours plus objectif. Le partage des expériences est toujours enrichissant pour apprécier les différences de développements liées aux effets de vigueur, de structure de port de végétation, d’âge des vignes, de précocité des terroirs… La reconnaissance des symptômes de FD est un exercice qui se cultive en pratiquant chaque année comme pour les autres maladies et affections. »

Une CVO spécifique pour financer durablement la lutte

p27.jpgLe bilan de la campagne de lutte contre la FD en 2012 au niveau de la mobilisation des viticulteurs est satisfaisant mais ce constat encourageant ne doit pas laisser à penser que « la partie est gagnée ». Les efforts techniques et de communication mis en place par le Comité technique Stop flavescence dorée reposent sur des moyens financiers qu’il faut pérenniser. A. Monnereau et J. Lesueur tiennent sur ce sujet un discours réaliste qui repose sur une volonté de construire des stratégies de lutte qui s’inscrivent dans la pérennité : « Les efforts techniques et de communication déployés en 2012 ont débouché sur une nette progression des actions de prospection dans l’ensemble de la région. Indéniablement, la lutte en 2012 a franchi un cap et des résultats intéressants ont été obtenus. Le travail réalisé ne permet pourtant pas encore d’avoir une vision réelle de l’état sanitaire FD des 80 000 ha de la région délimitée. Nous devons donc poursuivre les actions en nous donnant les moyens financiers d’organiser la lutte d’une manière encore plus efficiente. En 2012, les actions de lutte ont pu être financées grâce à des budgets existants de l’interprofession. Pour 2013 et les années à venir, les responsables de l’UGVC ont souhaité affecter un budget spécifique au développement des actions de lutte contre la FD, en proposant de lever une CVO pour l’amélioration de l’état sanitaire du vignoble. Le projet a été présenté et approuvé à l’unanimité par les représentants de la viticulture et du négoce siégeant au BNIC. Le prélèvement de cette cotisation va permettre de pérenniser les actions de lutte contre la FD. Notre souhait est à la fois de renforcer les moyens concrets de la lutte sur le terrain et aussi de financer des actions de recherche à plus long terme. »

Renforcer les relations de terrain des techniciens en s’appuyant sur les référents communaux

Une nouvelle dynamique de lutte est donc en train de se mettre en place pour la campagne 2013. Le réseau de référents locaux a donné pleine satisfaction en terme de maillage du territoire viticole. L’animation du réseau de délégués par L. Sicaud a été un élément dynamique de la lutte. Dans un certain nombre de communes (Auge-Saint-Médard, Chamouillac, Saint-Sévère, Saint-Eugène, Rouillac, l’île de Ré, l’île d’Oléron…), les initiatives des délégués ont réussi à créer des animations en cohésion avec tous les acteurs de terrain (techniciens de la Fredon, des Chambres d’agriculture, des coopératives et des négociants) qui ont contribué à rendre la lutte plus opérationnelle. L. Sicaud a repris ses fonctions d’animatrice auprès des délégués depuis la mi-mai. Elle est rattachée à l’équipe de la FREDON de Cognac qui fait office de pilote régional de la lutte. Les professionnels continuent de penser que le renforcement des relations entre le terrain et les techniciens pendant la toute la saison est la clé du succès de la lutte. Le dialogue avec les 480 référents communaux mobilisera beaucoup d’énergie en 2013. L’ensemble de ces bénévoles de la lutte contre la FD ont besoin d’être accompagnés tout au long de la saison dès juin-juillet pour faire passer les messages des dates de traitements et ensuite, à partir de fin août, pour l’organisation des prospections. Les délégués vont recevoir dans les toutes prochaines semaines une valisette de communication comportant un listing détaillé des contacts techniques locaux et régionaux, des documents d’informations sur la maladie, des planches de reconnaissance de symptômes, des fiches de prospection et une clé USB qui permettra d’éditer tous ces documents si besoin. Une réflexion est aussi en cours pour proposer une démarche de certification des prestataires de services proposant de réaliser le travail de prospection. Un cursus de formation à la reconnaissance des symptômes et une évaluation de la capacité des prospecteurs professionnels est à l’étude. La mise en place dans le long terme d’un protocole de surveillance du territoire est également une préoccupation importante une fois que les foyers sont assainis. Quelle stratégie est-il possible de mettre en place pour éviter une réapparition de la maladie ? Les professionnels en charge du dossier FD de la région souhaitent également partager et bénéficier des expériences de stratégies de lutte mises en place dans d’autres régions viticoles.

Bibliographie et sources : BNIC. Chambre d’agriculture 16 et 17. FREDON de Cognac. L’Union générale des viticulteurs pour l’AOC
Cognac. INRA Bordeaux Aquitaine, UMR SAVE, ISW, Bordeaux Science-Agro.

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