Ce que vous n’avez jamais osé demander à votre comptable

22 mars 2009

La fiscalité des eaux-de-vie est chose trop complexe pour ne pas avoir envie d’en simplifier l’approche, afin de mieux comprendre le mécanisme des prélèvements fiscaux et sociaux. C’est l’objectif de cet article, réalisé avec l’aide de Patrick Lardillon, directeur au sein du cabinet PricewaterhouseCoopers de Cognac, responsable du secteur agricole.

exploitant En activité :

« Je suis au régime du forfait »

Charles exploite 6 ha de vignes et 20 ha de champs à Sainte-Colombes en Bons Bois Char ente-Maritime. Il est au forfait. Il en a le droit puisque son chiffre d’affaires ne dépasse pas 152 000 € sur deux ans (moyenne annuelle de 76 000 €). En 2007, Charles a vendu 20 hl AP d’eaux-de-vie de compte 5 (récolte 2001) au prix unitaire de 1 800 €. Pour ces eaux-de-vie, la base forfaitaire imposable (le revenu imposable et non l’impôt) s’élèvera à 602 € par hl AP. Cette somme correspond au bénéfice forfaitaire eau-de-vie qui figure au « Journal officiel » du 1er janvier 2009 au titre des revenus 2007. Cette base imposable s’ajoutera aux autres revenus de Charles – bénéfice forfaitaire vin, bénéfice forfaitaire grandes cultures… – pour constituer son revenu fiscal. C’est à partir de ce revenu fiscal que sera calculé son impôt, après application du barème progressif de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), de 0 à 40 %, des éventuelles déductions, du quotient familial… A ce prélèvement fiscal s’ajoutera le prélèvement social MSA, à peu près équivalent à 35 % du revenu fiscal.

retraité :

« J’étais au forfait lorsque j’étais en activité »

Michel est retraité à Foussignac en Fins Bois Charente. Mais au cours de sa vie active, il était soumis au régime du forfait. En 2007, profitant de la remontée des cours, il vend tout son stock d’eaux-de-vie soit 200 hl AP (50 hl AP de compte 8, le reste en comptes 9 et 10) pour la somme totale de 500 000 €. Sur ses 50 hl AP comptes 8, Michel paiera de l’impôt sur une base d’imposition de 330 € par hl AP (bénéfice forfaitaire eau-de-vie publié au « JO » 2009 au titre de 2007) soit 16 500 € de base imposable. Sur les comptes d’âge 9 et 10, les forfaits eaux-de-vie 2007 ressortent à zéro. Michel réalisera donc cette partie de son stock sans aucun prélèvement fiscal et social.

Au plan social, Michel supportera sur son bénéfice forfaitaire de 16 500 € un taux de prélèvement de 12,10 % correspondant aux seuls CSG et RDS.

Attention ! Au lieu de céder tout son stock d’un coup, Michel a préféré n’en vendre que la moitié, histoire de se garder « une poire pour la soif » et peut-être profiter d’une nouvelle période de hausse. A un prix moyen de 2 500 € l’hl AP, son chiffre d’affaires 2007 atteint 250 000 € (250 € x 100 hl AP). Il dépasse les limites du forfait (152 000 € sur 2 ans). Conséquence : il se retrouvera au réel dès le 1er janvier 2008. Sa prochaine vente, quel que soit le moment où elle interviendra, relèvera obligatoirement du bénéfice agricole réel, normal ou simplifié.

Régime Du Forfait (Exploitant En Activité)

regime_forfait.jpg

exploitant En activité :

« Je suis au Bénéfice Réel Normal »

Pierre a 45 ans. Il exploite 25 ha de vignes en Grande Champagne. Début 2008, il a vendu un lot de 100 hl AP de compte 8 au prix unitaire de 2 700 €. Au Bénéfice Réel Normal, sa marge brute imposable sera égale au montant de la vente diminué de la valeur du stock. Cette valeur du stock est inscrite à l’actif du bilan. Elle correspond au prix de revient du stock, soit le coût de production de la récolte 1998, assortie de l’augmentation annuelle des frais de conservation. Dans la comptabilité de l’exploitation, le coût de production unitaire de la récolte en vin 1998 ressort à 600 € l’hl AP. Toujours dans la comptabilité, le coût unitaire du vieillissement de la récolte 1998 représente, sur dix ans, la somme de 250 € par hl AP. La marge imposable unitaire s’élève donc à 1 850 € l’hl AP, soit 2 700 € l’hl AP – 850 € l’hl AP (600 € + 250 €). En tout, le viticulteur aura donc dégagé 185 000 € de marge brute sur sa vente d’eaux-de-vie. Cette marge brute ne correspond pas au bénéfice net à taxer. De la somme de 185 000 €, il convient de soustraire les prélèvements sociaux de la MSA. Sur la vente des 100 hl AP de compte 8, ces prélèvements sociaux s’élèvent à 60 000 €. Le bénéfice net à taxer est donc de 125 000 € (185 000 € – 60 000 €). Cette somme correspond-elle au revenu fiscal véritablement soumis à l’impôt ? Pas forcément. Il faut savoir que sous le régime du Bénéfice Réel agricole, l’exploitant a la possibilité de pratiquer certains aménagements fiscaux – déduction pour investissement, option pour la moyenne triennale, étalement des revenus exceptionnels… – susceptibles de venir atténuer son bénéfice net taxable. Pierre n’a pas opté pour ces aménagements fiscaux. Son revenu fiscal est bien de 125 000 €. C’est ce montant qui sera soumis au barème progressif de l’IRPP (Impôt sur le revenu des personnes physiques). Si Pierre se situe dans la tranche d’imposition à 40 %, la ponction fiscale sur sa vente d’eau-de-vie équivaudra à 50 000 € sur une vente totale de 270 000 €, soit un prélèvement de 18 %. Si l’on ajoute au prélèvement fiscal le prélèvement social, on peut considérer qu’impôt et MSA auront allégé d’environ 40 % le chiffre d’affaires réalisé par le viticulteur sur sa vente (110 000 € de prélèvement sur une vente de 270 000 €).

retraité :

« J’étais au Bénéfice Réel Normal lorsque j’étais en activité »

Si avant d’arrêter son activité, le viticulteur retraité était au Bénéfice Réel Normal, les ventes d’eaux-de-vie qu’il réalisera durant sa retraite seront taxées selon les règles du réel (avec, au plan social, un taux de prélèvement réduit de 12,10 % couvrant CSG et RDS). Cependant, l’ancien exploitatant peut dénoncer le réel pour revenir au forfait, sous certaines conditions (voir avec son comptable).

Régime Du Réel Normal (Exploitant En Activité)

regime_reel.jpg

exploitant En activité :

« Je suis au Bénéfice Réel Simplifié »

Jacques exploite une propriété viticole en Fins Bois. Dans les années 80, il a opté pour le régime du réel simplifié et ne l’a jamais dénoncé pour le réel normal. Ses eaux-de-vie entrent en comptabilité au cours du jour moins une décote de 30 % (70 % de la valeur vénale). En cas d’augmentation des cours, le bénéfice sera taxé par avance, en l’absence de toute vente. Lors de la vente effective, les prélèvements fiscaux et sociaux porteront sur la différence entre le prix unitaire de la vente et la valeur en stock inscrite au dernier bilan (le cours du jour de l’année précédente – 30 %). Entre réel normal et réel simplifié, le seul changement a trait à la valorisation du stock. Sinon le mode de détermination du résultat obéit aux mêmes règles.

retraité :

« J’étais au Bénéfice Réel Simplifié lorsque j’étais en activité »                                               

Même traitement que pour l’exploitant soumis au bénéfice réel normal.

Régime Du Réel Simplifié (Exploitant En Activité)

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exploitant En activité :

« Je suis soumis à l’impôt sur les sociétés (IS) »

Paul exploite 70 ha de vignes en Petite Champagne. Associé gérant d’une EARL, il a fait le choix de l’IS (l’impôt sur les sociétés). Il faut savoir que la fiscalité du travail se divise en deux grandes familles : l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et l’impôt sur les sociétés (IS). Forfait agricole comme bénéfice réel agricole, normal ou simplifié, relèvent de la première catégorie, l’IRPP. Pierre a opté pour la seconde formule, l’IS. Cependant, pour calculer le bénéfice net imposable, IS et Bénéfice Réel Normal partagent les mêmes règles de détermination du résultat (valeur de vente – valeur de stock). Admettons que Paul ait lui aussi vendu un lot d’eaux-de-vie de 100 hl AP de compte 8 au prix unitaire de 2 700 € l’hl AP. Il dégagera comme l’exploitant au bénéfice réel normal 185 000 € de marge brute sur sa vente. Cependant, par rapport au bénéfice réel normal, le régime de l’IS introduit deux changements de poids. Premier changement : la MSA ne sera calculée que sur la rémunération du mandataire social (gérant ou président), indépendamment du résultat de la vente. Le montant du prélèvement MSA dépendra de la rémunération que s’alloue le mandataire social. Deuxième changement : comme barème d’impôt, le régime de l’IS retient le principe des taux fixes : 15 % jusqu’à 38 120 € et 33,33 % au-delà. A l’IRPP, c’est la notion de tranches progressives d’imposition qui joue.

Vente d’eaux-de-vie par le bailleur de biens ruraux

Il s’agit du cas où le bailleur perçoit son fermage en nature, en l’occurrence sous la forme d’eaux-de-vie. Deux situations sont à considérer :

− ou la vente correspond à un épisode isolé. S’appliquera alors le régime des plus-values privées

− ou la vente est habituelle. C’est le régime des BIC (bénéfices industriels et commerciaux) qui jouera.

La vente est isolée

La vente d’eaux-de-vie sera taxée selon le régime des plus-values des particuliers, au taux de 30,10 % (18 % de taxation fiscale et 12,10 % de prélèvement social). La base d’imposition – la plus-value – équivaut à la différence entre le prix de vente et la valeur de stock reçue au titre du fermage. A ce montant, il convient toutefois d’appliquer un abattement de 10 % par année de détention, au-delà de la deuxième année. Ainsi, après 12 ans de détention, la plus-value sera exonérée en totalité.

La vente est régulière

Dans ce cas-là, c’est le régime des BIC (Bénéfices industriels et commerciaux) qui s’applique. Le stock est inscrit à l’actif pour la valeur du stock reçue au titre du règlement du fermage. Le bénéfice taxable est égal à la différence entre la valeur du stock et le prix de vente diminué des frais souscrits pour la conservation et la vente du stock (frais de stockage, frais de courtage, frais de gestion, frais d’assurance…). Le bénéfice ainsi déterminé sera taxé fiscalement au taux progressif de l’IRPP et, socialement, à l’identique d’un commerçant, soit environ 35 %.

Régime De l’IS (Dans Le Cadre Du Réel Normal)

regime_is.jpg

Vente d’eaux-de-vie dans le cadre d’une succession

Plusieurs cas de figure sont à considérer :

− Le ou les héritiers qui reçoivent le stock sont eux-mêmes exploitants à titre individuel. Dans ce cas-là, le stock transmis s’intégrera dans leurs propres stocks comptables et sera donc soumis aux règles des bénéfices agricoles.

− Le ou les héritiers ne sont pas exploitants agricoles. Lorsqu’ils vendront le stock, ils se verront taxer au régime des plus-values des particuliers (avec un abattement de 10 % par année de détention, au-delà de la deuxième année figurant dans l’acte de succession).

− Cas du conjoint survivant : il n’est pas rare que le conjoint survivant recueille l’usufruit de l’intégralité du stock, le ou les enfants en recevant la nue-propriété.

Première question – Dans quelle mesure l’usufruitier a-t-il le droit de vendre le stock, sachant qu’en matière de stock, la jouissance des fruits revient à les consommer ? C’est la définition même du bien « consomptible » (bien dont on ne peut faire usage sans le consommer). L’article 587 du Code civil autorise l’usufruitier à se « servir » du stock, c’est-à-dire le vendre, à une condition près toutefois : rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur estimée à la date de la restitution. De ce principe, on peut tirer la conséquence suivante : le conjoint survivant qui a le quasi-usufruit des eaux-de-vie, a seule vocation à percevoir les profits retirés de leur vente, le ou les nus-propriétaires ne conservant qu’une créance sur les valeurs de ces produits. Naturellement, le conjoint survivant qui perçoit seul l’intégralité du produit de la vente des eaux-de-vie supporte seul la charge de l’impôt.

Dans la réalité, comment ces principes trouvent-ils à s’appliquer ? Concrètement, l’usufruit du conjoint survivant s’éteindra à son décès. C’est donc à cette date que les héritiers pourront faire valoir leur créance sur le stock issu de la succession. Sur quelle valeur portera-t-elle ? Elle portera sur la valeur du stock estimé au cours du jour lors du décès du conjoint. Exemple : admettons que le conjoint survivant ait reçu de son époux décédé le quasi-usufruit de 100 hl AP de Cognac, estimé à 2 000 € au moment de la succession de l’époux. Quelques années plus tard, le conjoint survivant vend ces 100 hl AP à 4 000 € l’hl AP. Il acquitte de l’impôt sur le montant de la vente. A son décès, les héritiers font faire valoir une créance sur succession de 100 hl AP à la valeur du jour au moment du décès du conjoint (valeur de 1 500 € l’hl AP par exemple). Dans les faits, ou bien le conjoint aura conservé l’argent de la vente du stock et les héritiers pourront faire valoir leur créance ; ou bien il aura tout « brûlé » et l’action des héritiers s’arrêtera là, sachant que, pour s’exercer, une créance a besoin d’avoir un actif en face. C’est toute la limite du quasi-usufruit, qui permet à l’usufruitier de profiter des opportunités de marchés mais ne garantit pas aux héritiers de recouvrer leur créance.

Deuxième question – Quel régime fiscal va s’appliquer au conjoint survivant lors de la réalisation du stock ? Si le conjoint survivant a participé à la production des eaux-de-vie, il peut être admis à relever des BA (Bénéfices Agricoles), la vente du stock étant considérée comme le prolongement de ses activités antérieures. Dans l’hypothèse inverse, il sera soumis au régime des plus-values des particuliers (abattement de 10 % par année de détention, à partir de la deuxième année figurant dans l’acte de succession).

Au cas où le conjoint survivant ne posséderait pas la totalité de l’usufruit du stock, la vente des eaux-de-vie serait imposée d’une part en BA pour lui-même et d’autre part en plus-value pour les autres détenteurs non exploitants, au prorata de l’usufruit détenu par chacun. A noter que cette taxation sous le régime des plus-values ne jouera que si la vente est isolée. En cas de ventes régulières, c’est le régime des BIC qui s’appliquera.

Actualité fiscale 2009
et Direction d’entreprise en temps de crise – conférence

La Chambre de commerce et d’industrie de Cognac et le cabinet PricewaterhouseCoopers de Cognac animeront le 16 février prochain une conférence sur le double thème de l’actualité fiscale 2009 et de la direction d’entreprise en temps de crise. En première partie d’après-midi (accueil à partir de 14 heures salle de la Salamandre à Cognac), Bruno Richardaud et Vincent Nobileau, associés du cabinet PricwaterhouseCoopers Cognac, ainsi que Thierry Droulez, avocat fiscaliste du cabinet d’avocats d’affaires Landwell (cabinet correspondant de PwC) présenteront la loi de finances 2009, la loi de finances rectificative pour 2008. Ils évoqueront également les principaux textes parus en 2008 (loi de modernisation de l’économie…). La seconde partie d’après-midi (à partir de 16 h 45) sera consacrée plus directement à la gestion de l’entreprise. Les intervenants essayeront de répondre à la question suivante : « Comment diriger son entreprise en période de crise ? » Optimisation de la trésorerie et besoin de financement d’exploitation, gestion des relations avec les partenaires financiers, opportunités fiscales, capacité à réagir en cas de difficulté, opportunités de développement feront partie des points abordés. En plus des intervenants cités plus haut, participeront à ce second volet Claude Maumont, vice-président de la CCI de Cognac et un représentant d’OSEO*, l’établissement public industriel et commercial chargé d’aider les PME dans leur développement technologique et/ou financier. Fin de réunion prévue à 19 heures.

L’accès est libre. Toutefois, pour une meilleure organisation ou pour toute information complémentaire, les personnes intéressées sont invitées à téléphoner au 05 45 82 99 79 – Fax : 05 45 82 88 95 – valerie.brouillet@fr.pwc.com

* Placé sous la tutelle du Minefi et du ministère délégué à la Recherche et à l’Enseignement supérieur, OSEO est le fruit du rapprochement de l’Anvar (l’Agence pour l’innovation) et de la BDPME (Banque de développement des petites et moyennes entreprises). Dans sa composante financière, OSEO a pour mission de favoriser l’accès au financement des PME en apportant des garanties aux banques.

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