La grande réforme des plus-values professionnelles

13 mars 2009

proprit_medoc_opt.jpegCes dernières années ont vu l’irruption de réformes fiscales d’envergure, touchant à la fois les particuliers et les entreprises. S’il ne fallait citer qu’un exemple, ce serait celui de la réforme du régime d’exonération des plus-values professionnelles, réalisée fin 2005 et amendée par la loi de finance pour 2007. Plus récemment sont intervenues d’autres modifications, comme l’introduction du « bouclier fiscal » ou encore la réforme de fond des successions et des libéralités, avec ses incidences fiscales. Ces points et d’autres ont fait l’objet d’une présentation le jeudi 22 mars à Cognac par le cabinet d’expertise comptable PricewaterhouseCoopers Entreprise dans le cadre de ses conférences. La réunion s’est tenue en présence de Francis Descubes, Jean-Marie Ordonneau, Michel Pasquet, Bruno Richardaud, Patrick Thomas.

 

Réforme du régime d’exonération des plus-values professionnelles

C’est la loi de finance rectificative pour 2005 qui a aménagé le régime des plus-values professionnelles et ce de manière globalement très favorable à la transmission d’entreprise, la loi de finance pour 2007 se chargeant, pour sa part, de conforter et de compléter le dispositif. En guise d’introduction, il convient de rappeler ce qu’est une plus-value professionnelle : c’est une opération qui génère une plus-value lorsqu’un bien est inscrit à l’actif du bilan d’une activité professionnelle, que ce bien fasse l’objet d’une cession ou d’un transfert de patrimoine. Les dispositifs d’exonération des plus-values professionnelles sont aujourd’hui au nombre de quatre : exonération lors de la cession globale de l’entreprise – Exonération pour les petites entreprises – Exonération dans le cadre du départ à la retraite – Abattement pour durée de détention.

Exonération de la transmission d’une entreprise individuelle (article 238 quidecies du Code général des impôts – CGI)

Ce dispositif exonère d’impôt les plus-values dégagées, à condition que l’entreprise soit cédée dans sa globalité ou au moins pour une branche complète d’activité. L’exonération est totale lorsque la valeur des biens transmis est inférieure à 300 000 € et partielle (application d’une dégressivité) entre 300 et 500 000 €. Sont concernées toutes les entreprises industrielles, artisanales, agricoles (sauf les holdings). L’exonération s’applique aussi bien aux transmissions à titre gratuit (donations) qu’aux transmissions à titre onéreux (ventes). Les sociétés imposées à l’IR (impôt sur le revenu) peuvent bénéficier de la mesure à condition que les parts de société revêtent un caractère professionnel et que le gérant ou les associés cédant leurs parts exercent une activité professionnelle au sein de l’entreprise. Le dispositif concerne aussi les sociétés soumises à l’IS (impôt sur les sociétés). Par contre, dans ce cadre-là et à l’inverse du cas de figure précédent, les associés ne doivent pas exercer d’activité au sein de la société. En effet, dans une société soumise à l’IS, les parts de société sont réputées appartenir au patrimoine privé même s’il s’agit de l’outil de travail. Entre IS et IR, c’est donc la notion de professionnalité qui établit la barrière pour l’exonération des plus-values. Afin d’éviter les allers-retours opportunistes, la clause des 5 ans d’activité préalable s’applique. De plus, la transmission à titre onéreux ne doit pas s’opérer au sein de la famille (pas de lien de parenté entre le cédant et le cessionnaire). Maintenant, dans le cadre d’une « optimisation fiscale », est-ce qu’une entreprise individuelle qui céderait ses biens à une société à l’IS dans une sorte de « vente à soi-même » pourrait bénéficier de l’exonération ? Pour lever le doute, Il faudra attendre 2009 et la fin de la période des trois années où l’administration fiscale peut revenir sur un avantage (période calculée après 2006, 1re année d’application de la mesure). Jusqu’alors la prudence s’impose.

Exonération des plus-values des petites entreprises (article 151 septies du CGI)

Qu’est-ce qui change par rapport à la mesure précédente ? La principale différence réside dans le fait que l’article 151 septies du CGI permet l’exonération isolée d’un bien alors que le régime précédent visait la cession de l’entreprise dans sa globalité ou au moins une branche complète d’activité. En cas de vente de matériel agricole par exemple, c’est donc l’article 151 septies du CGI qui s’appliquera. Il prévoit, sous certaines conditions (1), une exonération totale ou partielle des plus-values lorsque le montant des recettes est inférieur à un montant donné. Jusqu’à la loi de finance rectificative pour 2007, le montant était de
250 000 € TTC pour l’exonération totale et entre 250 000 € et 350 000 € pour l’exonération partielle dégressive. Avec la loi finance rectificative pour 2007 ces seuils s’assouplissent quelque peu. Non pas tant sur la hauteur de ces seuils, identique, que sur la manière de les calculer. Les recettes retenues pour l’appréciation du seuil s’apprécient désormais HT et non plus TTC. Un gain non négligeable qui peut représenter selon le régime de TVA 5,5 ou 19,6 % du chiffre d’affaires. Par ailleurs, la détermination des recettes fonctionne désormais de la même manière quelle que soit la catégorie de revenu (commerciale, libérale, agricole). On applique « la moyenne des recettes HT réalisées au titre des exercices clos, ramenée, le cas échéant à 12 mois, au cours des deux années civiles qui précèdent l’année de réalisation de la plus-value ». Autre changement : la condition de délai d’activité (5 ans) ne joue plus en cas de sinistres ou d’expropriation. Sont concernées par ce nouveau dispositif les plus-values réalisées à compter du 1er janvier 2006. Une précision encore : l’article 151 septies du CGI ne s’adresse qu’aux activités professionnelles. Si un société civile type EARL ou SCE abrite des associés exploitants et non exploitants, le régime d’exonération s’appliquera aux premiers mois mais pas aux seconds.

Exonération dans le cadre du départ à la retraite (article 151 septies A du CGI)

Cette mesure, très favorable, permet l’exonération totale des plus-values liées à la vente de l’entreprise lorsque l’exploitant, individuel ou sociétaire, cesse son activité et part en retraite. Le dispositif existe depuis la loi de finance rectificative pour 2005. Il s’applique aux plus-values court terme et long terme réalisées depuis le 1er janvier 2006. A l’origine, le départ à la retraite devait intervenir dans l’année suivant la cession. Sauf que des difficultés pouvaient survenir, quand le cédant avait du mal à vendre son entreprise. La LFR 2007 prévoit désormais que le départ à la retraite du dirigeant puisse intervenir aussi bien dans les douze mois précédant la cession que dans les douze mois suivant la cession. Champ d’application de la mesure : cessions à titre onéreux, uniquement de la part d’entreprises individuelles ou de sociétés de personnes ne relevant pas de l’IS.

L’abattement pour durée de détention (article 151 septies B du CGI)

Depuis le 1er janvier 2006, les plus-values à long terme dégagées sur des éléments immobiliers affectés à l’exercice de l’activité bénéficient d’un abattement de 10 % par année de détention au-delà de la cinquième année. L’exonération est donc totale au bout de 15 ans. Le dispositif vise les immeubles bâtis ou non bâtis (terres, bâtiments) affectés par l’entreprise individuelle à sa propre exploitation, dès lors qu’ils sont inscrits au bilan ou sur le registre des immobilisations. Mine de rien, cette disposition fait figure de petite révolution. Avant 2006, un bien inscrit à l’actif était redevable « à vie » des plus-values, sauf à bénéficier de l’exonération des plus-values des petites entreprises (article 151 septies du CGI) avec les seuils afférants. Souvent, la solution consistait à conserver à titre personnel le patrimoine immobilier afin de profiter de l’exonération des plus-values privées au terme des 15 ans mais avec la conséquence de ne pas pouvoir déduire les impôts fonciers, les intérêts d’emprunts, les frais d’acquisition. Le 151 septies B permet de reconsidérer de fond en comble l’approche des plus-values professionnelles.

Société à l’IS : le nouveau régime des plus-values de cession de titres

L’article 29 de la loi de finance pour 2005 a introduit un régime d’exonération progressive des plus-values de cession de titres. En matière de plus-values, il s’agit de « la » grande réforme, la plus lourde d’effets. A terme, elle coûtera cher à l’Etat. Son impact budgétaire devrait être considérable. Mais il semble que cette réforme s’inscrive dans une tendance lourde. En Europe, il n’y a pas plus que trois pays, dont la France, à taxer les plus-values. La mesure ne devrait donc pas être remise en cause. Reste que vu son coût, l’Etat a préféré différer son application.

Le principe de la mesure est le suivant : sur le gain net de cession, il est prévu d’appliquer un abattement d’1/3 par an au-delà de la cinquième année de détention. Autrement dit, l’abattement est de 1/3 après 6 ans de détention, des 2/3 après 7 ans et de 100 % après 8 ans de détention. Un régime très favorable donc. Sauf que la mesure n’est pas rétroactive. La durée de détention se calcule à partir de la date d’acquisition ou à compter du 1er janvier 2006 si la date d’acquisition est antérieure. Ainsi les premières exonérations ne s’appliqueront donc qu’aux cessions qui interviendront en 2012 pour 1/3, en 2013 pour 2/3 et en 2014 à 100 %. En clair, la règle ne prendra son plein effet que dans sept ans, un délai que d’aucuns jugeront bien long. Cependant, une exception est créée pour le dirigeant partant à la retraite (voir plus loin).

Champ d’application : la mesure s’adresse aux détenteurs de titres de sociétés imposées à l’IS (SA, SARL, entreprise agricole relevant de l’IS de plein droit ou sur option ?), quelle que soit l’activité de la société (agricole, artisanale, libérale, industrielle).

Portée de l’abattement : l’abattement porte sur l’impôt sur le revenu au taux proportionnel de 16 % mais laisse de côté les prélèvements sociaux CSG, CRDS (11,3 %), maintenus. La mesure reste tout de même intéressante. Au lieu de 27 %, l’impôt n’est que de 11 %.

L’exception liée au départ à la retraite du dirigeant de société

Dans un cas seulement, l’abattement peut démarrer immédiatement : quand le dirigeant de société cède ses titres pour partir à la retraite. Sous certaines conditions, les années de détention antérieures à 2006 peuvent être prises en compte. Pour ce faire, il faut que la cession porte au minimum sur 50 % des droits sociaux. Le cédant doit avoir exercé de manière continue et pendant 5 ans, une fonction de gestion ou de direction dans la société cédée et détenu au moins 25 % des droits de vote ou financiers de cette société. L’exonération intégrale est possible si le dirigeant détient ses droits sociaux depuis plus de huit ans au 1er janvier 2006. Autre condition : la société doit être une PME, c’est-à-dire, au sens fiscal du terme, employer moins de 250 salariés et afficher un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’€ ou un total bilan inférieur à 43 millions d’€. Sur les conditions du départ à la retraite du dirigeant, la loi de finance pour 2007, comme déjà vu plus haut, a assoupli les choses. Désormais, le dirigeant dispose d’un créneau de 24 mois pour prendre sa retraite et céder ses titres. A noter qu’il doit avoir acquis tous les trimestres nécessaires pour faire valoir ses droits à la retraite. Le rachat de trimestre ne rentre pas dans le décompte pour bénéficier de l’exonération de plus-values. Quelques détails de ce type doivent être vérifiés avant de se lancer dans la démarche.

L’exonération des plus-values de cession de titre étendue aux membres de la famille

Un point très important – autrement dit potentiellement très favorable – a été introduit par instruction administrative du 22 janvier 2007. De par sa propre volonté, l’Administration a étendu le champ d’application de la loi. De quoi s’agit-il ? L’exonération des plus-values de cession de titres est étendue aux membres du groupe familial, ascendant, descendants, frères, sœurs et conjoint. Exemple d’une société à l’IS détenue par douze personnes appartenant toutes au groupe familial. Si le dirigeant rempli les conditions de départ à la retraite, tout le monde est exonéré des plus-values. Qui dit mieux !

(1) Que l’activité ait été exercée pendant 5 ans au moins, que le bien cédé ne soit pas un terrain à bâtir.

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