Feu d’alcool : un centre de formation au coeur du vignoble

22 février 2018

Le 17 décembre dernier a eu lieu la pose de la première pierre de l’école départementale du feu de Charente à Jarnac. Un site qui regroupera plusieurs fonctions en son sein, notamment la caserne des pompiers volontaires de la ville, des bâtiments dédiés à la formation des pompiers et surtout des plateaux techniques, supports de formation et d’entraînement des effectifs en toute sécurité. Mais la plus grande fierté des instigateurs du projet est « le plateau technique feu alcool », une infrastructure unique, à l’image des enjeux de la région.

Par nature, les pompiers Charentais sont probablement les plus grands spécialistes connus en matière de feu alcool. Mais parmi les effectifs de la région de Cognac, combien ont réellement eu dans leur carrière, à combattre un incendie déclaré sur une distillerie ou un chai de stockage ? Ces incendies sont rares et pourtant chaque caserne fait en sorte que ses effectifs soient au « top niveau » pour appréhender chaque scénario dans des conditions optimales. Les pompiers redoutent les feux d’alcool car ils figurent parmi les plus dangereux. Ils impliquent des techniques particulières de lutte et des formations spécifiques.

 

Danger extrême, techniques particulières

 

Le Commandant Walter Ozène, responsable de la cellule communication du SDIS 16 explique « Les flammes des feux alcool sont bleues et ne dégagent pas de fumées. Elles sont donc invisibles en plein jour. En revanche, elles libèrent un flux thermique hors normes, supérieur aux hydrocarbures classiques comme l’essence ou le gazole, ce qui complique la lutte car il faut nous tenir à grande distance. ». Il est donc nécessaire de contenir les coulées de liquides enflammés pour limiter les suraccidents envers des personnes et la propagation ultrarapide des flammes d’un bâtiment à l’autre. Autre particularité de l’alcool, la flamme est plus difficile à éteindre ce qui impose l’utilisation d’émulseurs (additifs à 1 % dans l’eau) différents des autres catégories d’incendies. Enfin, compte tenu de tous ces paramètres, la difficulté de maîtrise d’un incendie ne dépend pas du volume d’alcool en feu mais de la superficie concernée.

 

Jusqu’ici formés avec les moyens du bord

 

« Un pompier qui n’a jamais été confronté au feu peut être à l’origine de situations dangereuses tant pour lui-même que pour ses coéquipiers » explique le commandant Ozenne. La formation permet d’une part d’acquérir les bons réflexes techniques et d’autre part d’être confronté à une situation de stress ultime et de réagir de façon adaptée. Pour l’aspect théorique, les formations alcool se faisaient généralement au centre de secours de Cognac et intégraient des visites d’installations de grande taille pour appréhender l’ampleur du danger. Des manœuvres sont également effectuées sur des réserves incendie à proximité des chais. Concernant l’extinction d’un feu à proprement parler, elle se faisait jusqu’ici à taille réduite : Un feu était provoqué dans un bac inox d’1 mètre carré posé au sol. Une berce émulseur à la taille d’une maquette avait été conçue pour conserver, autant que faire ce peu le rapport d’échelle à la taille de l’ « incendie ». Pour la mise en situation réelle, les pompiers se confrontent à des mises en situation réelles en plein air ou dans des bâtiments en allumant eux-mêmes des feux. Mais la sécurité inhérente à ces exercices n’est pas satisfaisante. En 2003, lors d’un exercice à Maine-de-Boixe, un hangar désaffecté qui servait de support à une formation, a été entièrement ravagé par un incendie.

 

Une école du feu à la hauteur des besoins départementaux.

 

Pour les 1 300 sapeurs-pompiers qui sont formés (équivalent 7 000 jours de formation par an) de manière itinérante sur tous les centres de secours du département de la Charente, les choses vont bientôt changer. Le nouveau site du SDIS qui sera construit à Jarnac intégrera, 4 unités distinctes : La caserne des pompiers volontaires de Jarnac, l’école départementale du feu, un plateau technique généraliste (feux domestiques) et un plateau technique feu alcool. L’ensemble de ces infrastructures permettra aux pompiers charentais d’évoluer dans un environnement confortable et parfaitement sécurisé. Lors de la pose de la première pierre le 18 décembre 2017, en présence de Geneviève Darrieusecq, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, Jérôme Sourisseau, le président du SDIS a rappelé qu’il aura fallu près de 20 ans pour aboutir à ce projet ambitieux, à l’image des exigences de la filière du Cognac.

 

2 Plateaux techniques spécifiques.

 

Par plateau technique, on entend un ensemble d’infrastructures qui permettent, en toute sécurité, de confronter les pompiers à des situations d’incendie proches de la réalité du terrain. Par exemple, sur le plateau technique généraliste, on retrouvera la reproduction d’une maison à feu sur trois niveaux avec différents équipements de simulation. L’incendie, qui sera alimenté par gaz naturel (pas de fumées), pourra être instantanément éteint pour garantir la sécurité des stagiaires en cas d’incident. Ce plateau technique permettra de simuler des exercices liés aux fuites de gaz, aux risques chimiques, électriques, aux toits photovoltaïques, à la désincarcération, etc.

Aux côtés de cette infrastructure d’entraînement assez « commune », sera installé le fameux plateau technique feu alcool. Ce dernier qui est unique en France recouvrira 1 700 m2. Il reproduira des installations conformes à la réalité d’exploitation avec la possibilité de déclencher des feux de cuvettes extérieures (jusqu’à 250 m2) et en bâtiment (4 murs à ciel ouvert avec une porte pour l’intervention), des feux de flaque (jusqu’à 480 m2) et des coulées en caniveaux. Un chai pédagogique (qui ne sera pas incendié celui-là) de plus de 100 m2 permettra d’expliquer aux stagiaires les installations de stockage rencontrées dans la région et tous les risques induits.

 

Un support pour les travaux de recherche.

 

L’université de Poitiers, a signé une convention avec le SDIS 16 pour utiliser les futures installations de l’école du feu de Jarnac à des fins de travaux de recherche pour le compte de trois infrastructures – IRIAF (Institut des risques industriels, assurantiels et financiers), CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et l’ISEA-ENSMA (Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace, École nationale supérieure de mécanique et aéronautique)-. Outre quelques revenus complémentaires qui contribueront à l’amortissement de l’outil, ces partenariats permettront notamment des partages d’information pour mieux comprendre les phénomènes d’incendie.

 

 

 

Encart

Le centre de secours de Jarnac et l’école du feu : quelques chiffres…

 

Coût total du projet : 8,7 millions d’€

 

La Caserne de Jarnac :

Pompiers volontaires. 700 départs par an

L’ancien bâtiment qui datait de 1973, ne répondait plus aux exigences actuelles.

Le nouveau bâtiment couvrira 1 100 m2

 

La formation des pompiers :

Le SDIS 16 cumule 7 000 jours de formation par an pour 2 700 stagiaires.

Pour les feux alcools, la formation initiale d’un pompier représente entre 3 jours (simple équipier) et 4 semaines (chef de colonne, officier en charge de 2 x 4 véhicules) de formation.

 

L’école départementale

Bâtiments administratifs et salles de cours : 1 630 m2

Plateaux techniques : 3 700 m2

 

Le risque Alcool en Charente

5 000 chais de stockage, 1 000 distilleries, 20 sites SEVESO.

 

 

 

La filière partenaire du financement au travers d’un fonds de formation

 

Le BNIC a créé en 2017 un fonds de dotation appelé « Projets avenir Cognac » ouvert, sur la base du volontariat à tous les acteurs de la filière, qu’ils soient négociants ou viticulteurs. Le plateau technique feu alcool de la future école du feu de Jarnac figurera parmi les premiers grands dossiers à être financés. « Une première approche nous a permis de budgétaire une contribution au financement du plateau technique à hauteur de 1,24 million d’Euros » explique Patrice PINET, le président du syndicat des maisons de Cognac. À ce jour, les maisons de Cognac sont les seules à être engagées dans cette initiative mais, le projet est naissant. En 2017, le statut des fonds de dotation permettait un crédit d’impôts de 60 % du montant donné par l’entreprise (dans la limite de 5 pour milles de son chiffre d’affaires). Pour toute information, contacter Mme Blanc hard au BNIC qui est en charge de ce dossier (pblanchard@bnic.fr).

 

Quid de la Charente Maritime ?

Sur le terrain, le partenariat entre les pompiers de Charente et Charente Maritime est quotidien. Des protocoles existent entre les deux SDIS pour protéger les communes du territoire selon la proximité des casernes. Il est donc naturel que le SDIS 17 ait été associé aux réflexions lors de la conception. Les sapeurs-pompiers susceptibles d’être en contact avec ce type de feu sur le territoire de la Charente Maritime profiteront dont des installations charentaises pour se former à ce type de feu. Pour ce qui est des installations de formation plus « classiques », le SDIS 17 disposait depuis janvier 2 013 d’un centre de formation au sein de la base aérienne de st Agnant avec une maison à feu, une maison secours à personnes, un plateau secours routier, des caissons pour l’observation des phénomènes thermiques, un bâtiment administratif comprenant 3 salles de cours et une remise pour les engins du centre de formation. Une extension est en cours de conception pour la formation des équipes aux feux de navires avec une salle de cours et deux caissons de simulation supplémentaires.

Le commandant François Thèves, Chef du service Risque Industriel souligne à quel point ces formations sont vitales pour l’acquisition des bons réflexes à reproduire en situation réelle. « Les retours d’expérience des derniers feux d’alcools, peu fréquents il est vrai, nous ont montré que ces actions de formations avaient porté leurs fruits. Il nous semble donc important de maintenir à niveau nos personnel, le plateau représentant une réelle plus-value. »

 

 

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