Excès et contrastes du millésime 2011

10 août 2011

Depuis 6 mois, les vignobles Charentais et Bordelais ont été confrontés à une sécheresse historique liée à la présence d’un anti-cyclone qui a détourné toutes les perturbations océaniques vers d’autres contrées. De février à la mi-juillet, le déficit de pluviométries a été d’une rare intensité au point que toutes les cultures en ont considérablement souffert. Un climat méditerranéen s’est installé dans notre région pendant tout le printemps et le début de l’été. La vigne, qui apprécie la chaleur, a dans un premier temps bien supporté la phase quasi estivale de mars, avril et mai. Pas une goutte de pluie pendant trois mois de printemps réputés plutôt humides et frais, c’est du jamais vu ! Au fil des semaines, le scénario craint de la grande sécheresse de 1976 est redevenu d’actualité et le déficit de pluviométries extrêmes à la fin juin devenait très préoccupant. La nature manquait d’eau et tous les agriculteurs scrutaient le ciel avec impatience, espérant enfin une dépression ou au mieux un orage providentiel. L’horizon est resté bleu vif pendant trois mois, sauf dans quelques rares endroits.

Les vignes se sont développées vite et bien et de mémoire de viticulteurs charentais, on ne se souvient pas avoir vu les ugni blancs fleurir aussi tôt (fin mai). Malgré une sortie de grappes inférieure aux valeurs moyennes d’environ 10 %, le beau temps a contribué à une bonne pollinisation. Fin juin, les vignes avaient trois semaines d’avance mais l’apparence de grappes était assez hétérogène. Un tri de baies important s’est produit dans certaines parcelles et les grappes peinaient à grossir. L’état de sécheresse persistant a eu à la fois l’avantage de littéralement « sécher » le mildiou et l’inconvénient de bloquer la croissance des rameaux très tôt autour du 10 juin. Un nombre conséquent de parcelles dans la région présente un volume de feuillage maigre peu en phase avec la vigueur habituelle des ugni blancs charentais. Les fortes chaleurs de fin juin ont même provoqué des phénomènes de grillure de baies assez importants. Début juillet, l’ensemble des viticulteurs et des techniciens étaient unanimes pour envisager des vendanges extrêmement précoces et des raisins à fort potentiel de maturation. Une récolte des chardonnay à partir du 20 août, les sauvignon une semaine plus tard et un début de vendange pour les ugni blancs à partir du tout début septembre; une situation tout à fait réaliste pour ce millésime 2011.

La première décade de juillet, moyennement chaude et toujours sèche, a continué de faire languir les vignes. Les effets de la sécheresse sont devenus de plus en plus marqués et le développement hétérogène des grappes s’est amplifié. L’alimentation hydrique insuffisante des souches a perturbé le grossissement des baies et tous les cépages ont semblé perdre un peu de leur précocité. Les premières baies de chardonnay ont commencé à vérer vers le 14 juillet et à cette même époque en Gironde, la véraison des merlot et des sauvignon implantés sur des terroirs précoces commençait.

Les pluies tant attendues sont enfin arrivées au cours de la deuxième décade de juillet. Une véritable séquence pluvieuse s’est installée avec des précipitations abondantes (de 60 à 100 mm) qui ont fait beaucoup de bien mais aussi localement des dégâts conséquents. Dans la nuit du 11 au 12 juillet, un orage violent s’est abattu dans une vaste zone allant de Barzan à Montpellier-de-Médillan. Les premières estimations de pertes de récolte sont inquiétantes dans ce secteur très viticole. Plus de 400 ha de vignes sont sérieusement touchés et la moitié de cette surface produira moins de 40 hl/ha. Un vent très violent a amplifié les dégâts des grêlons et des parcelles ont été dévastées à 100 %. D’autres orages de grêle plus localisés et de moindre intensité ont touché Saint-Bris-des-Bois, Saint-Césaire, Siecq, Vaux-
Rouillac, Lignières-Sonneville. En quelques jours, les baies ont changé de façon spectaculaire et la période humide s’est poursuivie jusqu’à la fin du mois. Les pluies de cette fin juillet vont-elles retarder ou accélérer la fin de cycle végétatif ? Comme les sols sont désormais bien réhydratés, l’intensité des chaleurs et des pluies d’août jouera un rôle majeur sur la précocité des vendanges et la structure qualitative du futur millésime.

De nouvelles séquences pluvieuses retarderaient la date de récolte et surtout fragiliseraient l’état sanitaire dans tout le vignoble et tout particulièrement dans les zones grêlées. A l’inverse, trois semaines de chaleurs intenses pourraient accélérer le processus de maturation et vendanger tout début septembre redeviendrait de pleine actualité. Dans tous les cas de figure, les vendanges seront précoces et « typées » par le climat du mois d’août. 2011 est un millésime où l’attention que porteront les viticulteurs au suivi de la maturation sera capitale compte tenu de la forte hétérogénéité des grappes sur les souches. Les effets nature du sol, du sous-sol et l’entretien agronomique des parcelles semblent avoir eu cette année une grande influence. La charge de grappes est très variable et leur état de développement aussi. Certains raisins déjà compacts et presque prêts à vérer en côtoient d’autres qui sont lâches, très verts et nettement moins avancés. Les quatre mois de sécheresse historique ont malmené les raisins et maintenant, après deux semaines de pluies et fraîcheur, les conséquences éventuelles d’un excès d’humidité sur l’état sanitaire ne sont pas à sous-estimer.

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