Evolution Des Stades Phénologiques De l’Ugni Blanc Pendant Les Dernières Décennies

15 mars 2009

Tous les professionnels de notre région, comme dans la plupart des vignobles français, constatent depuis deux décennies une tendance à l’avancement de la date des vendanges. Cette précocité accrue est communément attribuée au réchauffement climatique, dont la réalité fait aujourd’hui l’objet d’un quasi-consensus au sein de la communauté scientifique.

 

La Station Viticole du BNIC a réalisé une étude sur ce sujet pour objectiver et quantifier ce gain de précocité, et évaluer son incidence sur des paramètres relatifs à la composition de la vendange, aux conditions de vinification, et de conservation des vins et donc au final sur la composition des eaux-de-vie de Cognac.

Ce type d’investigation est possible grâce aux importantes bases de données constituées au fil des ans dans le cadre des dispositifs d’observation de la Station Viticole et notamment du réseau maturation.

Une avancée de la précocité

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Figures 1 à 5 : Evolution des stades phénologiques de 1979 à 2006.

stades_pheno_2.jpgDepuis 1979, malgré de fortes fluctuations inter annuelles, on observe une tendance nette à l’avancement de la date des vendanges (figure 1). La tendance correspond à un gain d’environ 7 jours tous les dix ans.

La date de début des vendanges ne correspond pas à un état physiologique précis des raisins. Elle est bien sûr influencée par la précocité, mais aussi par les contraintes et les choix stratégiques des opérateurs. La véraison, début de l’accumulation des sucres dans les baies, correspond, elle, à un stade physiologique bien défini, non influencé pas des facteurs humains.

Sur les 28 années des contrôles enregistrés dans nos bases de données, la maturation, qui correspond à la période entre la véraison et la récolte, dure en moyenne 46 jours. Les dates de vendanges et de véraison sont bien corrélées (figure 2). On observe toutefois pour certaines années une durée de maturation très rapide :
– 35 jours en 1991, année de gel se traduisant par une charge très faible (48 hl/ha) ;
– 26 jours en 2003 liés à des conditions météorologiques exceptionnelles (canicule).

Compte tenu de cette forte corrélation, le critère retenu pour évaluer la précocité est la date de début des vendanges, qui prend en compte l’ensemble du cycle (y compris la maturation) et correspond aux moûts récoltés.

La date de fin floraison est également relativement bien corrélée à la date de début de vendanges. Par contre, celles de début floraison et surtout de débourrement le sont beaucoup moins. Ainsi, pour la date débourrement la tendance d’avancée précédemment observée sur la date début vendanges n’existe pratiquement plus (figure 3).

La tendance, estimée par régression linéaire (figure 4), donne de 1979 à 2006 (28 ans) une avancée de :
– 21 jours pour le début des vendanges ;
– 19 jours pour la véraison ;
– 19 jours pour la fin floraison ;
– 14 jours pour le début floraison ;
– 4 jours pour le débourrement.

On peut donc conclure que l’avancée de la date des vendanges observée ces dernières années est due essentiellement à une diminution de la durée du cycle végétatif. C’est ce qui ressort de la figure 5, qui illustre bien, pour l’essentiel, l’accélération des phases de véraison et de maturation.

L’Incidence de l’évolution de la précocité sur les moûts et les eaux-de de-vie

Distinguer la tendance et les fluctuations annuelles

La précocité a été dissociée en deux composantes (figure 6) :
– la tendance à moyen terme (avancement de la précocité, entre groupes d’années) ;
– les fluctuations de précocité entre années proches.

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Figure 6 : Décomposition de la date des vendanges en une tendance (évolution) entre groupes d’années et en fluctuations intra groupe.

Toute évolution depuis les années 1980 sera corrélée à l’avancée de la précocité observée sur la même période. Mais, d’autres facteurs ont également évolué : technique, vignoble…

Ainsi, un paramètre est plus vraisemblablement lié à la précocité si on observe un effet analogue pour les deux composantes : la tendance (avancée) et les fluctuations.

Par ailleurs, l’effet des fluctuations de précocité sur les années 2001 à 2006 a également été évalué. L’ensemble des conditions récentes (vignobles, techniques…) sont à priori plus d’actualité pour les années avenir. De plus, l’année 2003 avec de fortes températures estivales est considérée par les météorologues comme un bon exemple des conditions que le réchauffement climatique devrait engendrer.

L’incidence de la précocité sur des paramètres influant sur les vinifications et la conservation des vins

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Tableau 1 : Résultats sur les principaux paramètres technologiques pour les moûts.

 

Des vendanges plus précoces correspondent à des températures plus élevées pendant les vendanges et les vinifications :
– tendance : + 4.1 °C (pour – 16 jours) ;
– fluctuations : + 3.4 °C (pour – 16 jours).

Ces fortes valeurs correspondent à plusieurs effets :
– l’élévation des températures à une date donnée (attribuable au réchauffement climatique) ;
– plus un millésime est précoce plus les températures sont estivales, on se situe en période plus chaude ;
– vraisemblablement des phénomènes « d’inertie », le temps a tendance à rester plus chaud après des périodes chaudes.

L’avancée de la date des vendanges a permis de compenser en grande partie celle de la maturité sur le TAV potentiel. Il reste une tendance positive sur le TAV potentiel début vendanges mais celle-ci est de faible amplitude. Les fluctuations possèdent un effet beaucoup plus marqué, notamment sur les moûts récoltés.

Cette différence entre moûts début vendanges et moûts réellement récoltés est à relier aux conditions météorologiques et aux températures plus élevées précédemment décrites. En année fortement précoce, les conditions météorologiques sont plus favorables à l’augmentation du TAV potentiel (activité photosynthétique et accumulation de sucres).

Pour l’acidité on observe également un effet marqué des fluctuations. La tendance sur une longue période est également importante. Cette tendance correspond à la baisse d’acidité des vins observée dans les différents vignobles français qui s’explique, au moins en grande partie, par les fortes températures lors de la maturation entraînant une dégradation de l’acide malique (Gaudillère, 2005).

L’incidence de la précocité sur la composition des eaux-de-vie

L’effet des fluctuations de précocité ne semble pas significatif pour les composés majeurs : les alcools supérieurs (dont l’isobutanol, figures 12 et 13), l’acétate d’éthyle, l’éthanal, l’acétal. La composition des eaux- de-vie apparaît donc peu affectée par ces fluctuations. Les teneurs en esters d’acides gras, notamment en caprylate, semblent un peu plus faibles pour les années de forte précocité.
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Par contre, bien que d’amplitude limitée, un effet de ces fluctuations ressort significativement pour de divers composés connus pour être liés à la matière première :
– TDN (norisoprénoide du raisin) ;
– cis-3 hexénol et hexanol (oxydation des acides gras insaturés) ;
– méthanol (pectines) ;
– furfural (sucres non fermentescibles en c5) ;
– …
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L’hexanol, le cis-3-hexènol sont issus de l’oxydation des acides gras insaturés. Ils constituent avec le TDN les marqueurs de la trituration de la vendange lors des phases préfermentaires de la vinification. Sur une vendange insuffisamment mûre, ils peuvent, avec d’autred composés chimiques analogues, dont l’hexanal, conférer aux vins des notes végétales.

Globalement, les teneurs cis-3-hexénol et en hexanol sont plus basses pour les années de vendanges plus précoces (figures 14 et 15). Ainsi pour ces composés, comme pour le TAV ou l’acidité, il semble que la maturité soit plus complète pour les années de vendanges précoces.

conclusion

foligna3_opt.jpegDepuis 1979, on observe une évolution de la précocité avec une avancée de la date de vendanges de 21 jours liée à un raccourcissement du cycle végétatif.

Cette avancée s’accompagne de températures plus élevées lors des vendanges et des vinifications. Cette élévation de température est plus marquée pour les années les plus précoces, car on se rapproche de la période estivale.

Sur les moûts, le TAV potentiel est plus élevé et l’acidité plus faible pour les années de vendanges précoces. Pour ces années, les concentrations en certains composés des eaux-de-vie (Cis-3 hexénol, hexanol, TDN, méthanol…) liés en partie à la matière première sont également plus faibles.

Sur la base de ces indicateurs, les années de vendanges précoces correspondent donc aux récoltes les plus « mûres ».

L’évaluation et la prise en compte des effets du changement climatique pour le vignoble des Charentes est un questionnement important pour la filière Cognac. Elle passe par la connaissance des variations observées au cours des décennies passées, mais aussi une approche des perspectives d’évolution du climat régional.

L’évolution climatique a été dans un premier temps simulée à l’échelle planétaire dans le cadre du GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) selon différents scénarios, largement médiatisés, correspondant à différents niveaux de rejet des gaz à effet de serre. Météo France finalise aujourd’hui des outils en vue de décliner ces évolutions climatiques mondiales en évolutions climatiques régionales, qui seront particulièrement utiles pour affiner les perspectives à l’échelle du vignoble.

STICS pour la vigne (Simulateur mulTIdisciplinaire pour les Cultures Standard) est un modèle mathématique développé par l’INRA, à l’élaboration duquel la Station Viticole a participé et qui vise à reproduire le fonctionnement de la vigne. Les données d’entrée du modèle sont d’une part les caractéristiques de la parcelle (sol, mode de conduite) et les techniques culturales (fertilisation, entretien du sol…), d’autre part les données météorologiques journalières (températures minimale et maximale, précipitations, rayonnement, humidité relative, vent). Les données de sortie sont les dates des différents stades phénologiques, l’estimation de la vigueur et de la production de la vigne. Ce modèle peut être utilisé de façon prospective pour évaluer l’incidence du changement climatique sur la production viticole.

Ces études, qui correspondent à une attente forte de la profession, constituent un nouveau et important champ d’investigation pour la Station Viticole.

Bibliographie

GAUDILLERE J.-P., 2005. Site, climat, pratiques culturales : qu’est-ce qui détermine le rendement et la composition des moûts ? Données physiologiques. Journée technique de la Station Viticole du BNIC.

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