Au début des années 1900, Eugène Poussard, un viticulteur de Peugrignoux à Pérignac en Charente-Maritime, a fait évoluer le principe de la taille Guyot car, à cette époque, le vignoble était confronté à des phénomènes de dépérissement importants des souches appelé apoplexie, l’ancêtre de l’esca. Cet homme, né à Genté en 1878, a commencé par être journalier dans plusieurs domaines viticoles du Pays Bas et de la région d’Ars en Charente. Devenu un tailleur expérimenté, il a constaté que la taille Guyot engendrait des phénomènes de dépérissement sur des souches encore jeunes. L’acquisition de la petite propriété de Peugrignoux lui a permis de se livrer à ses propres expériences de taille. Durant toute sa vie, il a cherché à communiquer le fruit de son travail aux autres viticulteurs de la région. Un siècle plus tard, le travail et les réflexions d’E. Poussard représentent toujours un acquis technique important en matière de lutte préventive contre les maladies du bois
Eugène Poussard était un fin observateur du développement de la vigne qui à l’époque a été interpellé par les différences de sensibilité à l’apoplexie des souches. Certains ceps exprimaient des symptômes et d’autres pas. Chaque hiver, au moment de la taille, il fendait avec une serpe de nombreux ceps atteints d’apoplexie. Au fil des années, il s’est rendu compte que les souches atteintes de cette maladie avaient très souvent une alimentation de sève perturbée par la présence sur les troncs ou sur les bras de grosses plaies de taille. 4 à 5 ans plus tard, ces blessures provoquaient l’apparition de pousses chétives qui engendraient à terme la mortalité du bras et du cep.
Les observations au vignoble ont débouché sur une méthode de taille « moins mutilante »
Eugène Poussard a imaginé qu’en réalisant toujours les plaies de taille sur le dessus du cep, le courant de sève à partir de la base du tronc vers les bras s’effectuerait par-dessous dans de meilleures conditions. L’exécution annuelle de la taille reposait sur le positionnement du courson toujours en dessous la latte avec le premier bourgeon dirigé au-dessous. Il a mis en pratique cette méthode de taille sur son vignoble et, au bout de quelques années, la diminution importante des symptômes d’apoplexie l’a conforté. Son expérience pratique a fait l’objet d’un suivi par René Lafon, l’ingénieur agricole qui dirigeait la Station Viticole du BNIC. Après plusieurs années d’essais, les résultats des travaux ont confirmé les observations pratiques d’E. Poussard. L’évolution de la taille Guyot avec un positionnement systématique des coursons en dessous de la latte permettait d’assurer une circulation de la sève plus continue entre la base des racines et les bras, et donc de réduire fortement l’apparition des symptômes d’apoplexie.
Les vignobles des années 1900 et 2000 aussi sensibles aux maladies du bois
Le sens de l’observation d’un vigneron passionné des « belles souches » a permis de déboucher sur un principe de taille dont l’intérêt est aujourd’hui unanimement reconnu. E. Poussard avait aussi réfléchi aux moyens de rénover des souches atteintes d’apoplexie en testant différentes approches dont l’une d’elles était sur le recépage. La consultation des documents historiques montre que le vignoble de Cognac du début des années 1900 et 2000 présente un point commun : une grande sensibilité aux maladies du bois. Un siècle plus tard, des travaux de recherche réhabilitent la taille Guyot-Poussard en tant que moyen préventif tendant à réduire la sensibilité des souches à l’esca, l’eutypiose et au BDA.
Bibliographie :
– Témoignages de Mme Josette Pouilloux, de Thierry Pouilloux et de Jérémy Pouilloux, les descendants directs d’Eugène Poussard, qui exploitent le vignoble de Peugrignoux à Pérignac.
– Témoignage de Félix Poussard, le petit-fils d’Eugène Poussard.
– Livret technique sur la taille de la vigne dans les Charentes et l’apoplexie de René Lafon, ingénieur agricole et directeur de la Station Viticole du BNIC.