Etiquette « Martell Blue Swift » : Le dénouement

12 décembre 2017

« Martell Blue Swift », un Cognac V.S.O.P. « fini » en fûts de bourbon, n’est pas à proprement parler un Cognac puisqu’il a fait l’objet d’une étape qui n’est pas prévue au cahier des charges de l’appellation. Mais peut-il pour autant afficher sur son étiquette principale le terme « Cognac V.S.O.P. » en tant qu’ingrédient ? Après des mois de débats plutôt crispés en région, l’administration de la répression des fraudes et le service juridique du BNIC viennent de rendre leur verdict. La réponse est oui. Un soulagement pour la marque qui porte beaucoup d’espoirs dans ce nouveau produit.

Bien qu’ils soient dans une même gamme de vieillissement, le « Martell Blue Swift » est vendu 50 US$ là où le « VSOP Martell » vaut 40 US$. Et pourtant, ce sont les ventes de « Martell Blue Swift » qui progressent le plus vite. « Deux fois plus vite que les objectifs que nous nous étions fixés » explique César Giron, Le P.-D.G. de Martell Mumm Perrier Jouet. Ce que vit la maison Martell depuis 1 an qu’elle distribue son nouveau produit aux États unis est un cas d’école : Les produits innovants sont identitaires, donc attractifs et porteurs de valeur ajoutée.

 

Qu’est-ce que le « Finishing » ?

Les termes « Finishing » (finition) ou « finish cask » (finition en fût) ou même « cask » sont toujours associés à un nom de vin ou de spiritueux différent de celui contenu dans la bouteille. C’est une pratique courante et surtout en pleine expansion dans le monde des spiritueux qui consiste à « typer » un spiritueux en terminant son vieillissement dans des fûts ayant préalablement contenu le vin ou l’eau-de-vie en question. Certaines maisons de Whiskies ont d’ailleurs fait de la pratique du « Bourbon cask » ou Sherry cask » une marque de fabrique pour élargir leurs gammes ou se démarquer de leurs concurrents.

 

Une première pour le Cognac

« Martell Blue Swift » est destiné à concurrencer le marché des Bourbons, particulièrement porteur aux États-Unis. C’est un Cognac VSOP qui a été « typé » par une finition en fûts de Bourbon. Ces barriques ont deux caractéristiques très particulières : d’abord elles sont fabriquées en chêne américain. Contrairement au chêne sessile ou le chêne pédonculé pour les chênes français, le chêne blanc dit « Américain » présente des caractéristiques aromatiques singulières. C’est un bois moins riche en tanins et en vanilline qui se caractérise plutôt par des notes épicées et fraîches due à la présence de whisky lactone, une molécule caractéristique de la noix de coco. Le chêne américain offre également une agréable rondeur en bouche disent les spécialistes. L’autre caractéristique réside dans le mode de fabrication des fûts bourbons. Lors de la fabrication, la chauffe des fûts est beaucoup plus soutenue qu’en France. Ce brûlage extrême confère, des notes grillées et gourmandes et une sucrosité très caractéristiques.

 

Tous les enjeux d’une étiquette.

 

Sur la question de l’étiquetage, il y a au moins un point sur lequel chacun s’accordait, c’est qu’en l’état actuel de la réglementation, le « Martell Blue Swift » n’était pas du Cognac. En effet, contrairement à ses concurrents, comme le Whisky ou même les Brandies, le Cognac n’autorise pas la pratique du « finish cask » dans ses règles de production.

Restait donc à définir les règles applicables à cette étiquette. Et c’est là que les choses se sont compliquées : Pourtant, sur le strict plan juridique, les règles d’étiquetage de ces mentions sont clairement définies par les textes Européens. Mais les « interprétations Cognaçais » ont été parfois différentes. L’argument de la protection des usages et de l’image du Cognac était généralement avancé. Ce qui était beaucoup moins mis en avant, au moins dans les discussions officielles, c’est que la mise sur les marchés de ce produit très innovant donnait clairement à la maison Martell l’occasion de renforcer sa position sur le marché des États Unis.

 

Un heureux dénouement pour Martell.

 

« Dès le commencement de ce projet, nous avions identifié que ce produit risquait de poser des interrogations. Nous avons donc joué la transparence en invitant la profession à définir une règle de conduite concernant le développement des « finish cask » et plus largement l’innovation dans l’appellation Cognac » expliquent les dirigeants de Martell. Mais dans le courant de l’année 2017, les discussions se sont crispées dans la famille du Négoce. Martell, qui voulait avancer, a donc fait le choix de lancer son produit s’en sont suivies des discussions au sein de l’interprofession et parallèlement  avec l’administration en charge de la protection du consommateur et de la répression des Fraudes.

Au mois d’octobre dernier, le verdict est tombé : L’étiquette proposée par la société Martell a été validée par les administrations. Elle pourra donc être déclinée sur cette base dans tous les pays du globe. (Cf. Schéma ci-contre)

 

Le coup de pied dans la fourmilière

 

La naissance de « Martell Blue Swift » aura agité le landerneau Cognaçais, c’est le moins qu’on puisse dire… Mais dans la réalité, chacun reconnaît que Martell a rendu service à bien des maisons qui rêvaient de prendre cette initiative depuis des années. Et lorsque César Giron affirme « si nous n’avons rien d’autre à raconter que VS, VSOP et XO pour expliquer le Cognac, ça risque vite d’être barbant », il sait bien qu’il porte la caution de la viticulture et d’une bonne partie du négoce. Alors, il surenchérit « Aujourd’hui, nous sommes contraints d’écrire le terme « Spirit Drink » sous « Martell ». Est-ce bien ce que nous voulons ? Nous devons être plus ambitieux et inscrire la Marque « Cognac » sous « Martell » ». Un groupe de travail « innovation » a été constitué au sein de l’interprofession pour réfléchir aux pratiques à autoriser et à réglementer pour demain. L’idée est de prendre les devants en tenant la plume pour ne pas laisser les autres décider à notre place expliquent les dirigeants de Martell

 

 

Commentaire Etiquette MARTELL BLUE SWIFT

 

Martell Blue Swift : Étiquette conforme.

 

L’analyse de la répression des fraudes et du service juridique du BNIC pour valider la conformité de l’étiquette de « Martell Blue Swift » repose sur les règlements européens suivants :

Règlement UE 110/2008 du Parlement européen concernant la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses.

Règlement UE 716/2013 portant modalités d’application du règlement (CE) n o 110/2008 du Parlement européen et du Conseil concernant la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses

 

1/ Spirit Drink (Boisson spiritueuse) : Dans le règlement 110 – 2008, c’est la dénomination de vente la plus générique pour définir une boisson de plus de 15 % vol, et donc à fortiori un Cognac déclassé pour avoir fait l’objet d’un « Bourbon finish cask ». Pour mémoire la mention « eau-de-vie de vin » présente sur les premières versions de l’étiquette a été remplacée par « spirit drink » jugé moins confusant. Cette désignation a été portée juste en dessous de la marque pour être visible. Elle ne peut pas être assimilée à l’ingrédient (Cognac VSOP) mentionné en caractères plus petits et séparé par une ligne (bleu-blanc-rouge).

 

2/Made of Cognac VSOP… (Fabriqué avec un Cognac VSOP) : L’article 4 du règlement 716/2003 autorise l’allusion à une indication géographique (Cognac VSOP) sur l’étiquette à condition que celle-ci soit le seul ingrédient et que cette allusion ne figure pas sur la même ligne que la dénomination de vente (Spirit Drink). D’autre part, pour ne pas induire le consommateur en erreur, la taille des caractères de cette allusion (Cognac VSOP) doit être inférieure à celle utilisée pour la dénomination de vente.

 

2/ …Then finished in Bourbon Casks (puis fini en fûts de bourbons) : Martell décrit sans ambiguïté la finition, sur une ligne à part, comme une étape supplémentaire au processus de fabrication du Cognac VSOP. Il n’y a donc pas d’ambiguïté ni sur le mode d’élaboration du Blue Swift, ni pour le risque de détournement de notoriété du Cognac.

 

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