La France possède une seule unité de déshydratation d’alcool viticole pour la production de biocarburant. C’est l’entreprise Deulep (1), dont le siège social est à Marseille.
Jusqu’en 2000, le règlement communautaire interdisait de vendre l’alcool viticole sous intervention (prestations viniques, article 28, D.O. de crise art. 30…) comme biocarburant en Europe « afin de ne pas perturber les marchés traditionnels ». Distillé entre 92 et 94,5 % vol. par les distilleries viticoles, l’alcool viticole pouvait cependant partir à la biocarburation mais hors de la Communauté (Brésil, zone Caraïbes…). Il était alors vendu par adjudication par l’U.E. Depuis 2000, la donne a changé. Dans la mesure où l’Europe veut développer la biocarburation, elle estime que l’alcool viticole a désormais sa place sur le marché européen. Ainsi, aujourd’hui, les pays membres font-ils partie des destinations possibles pour l’alcool-carburant issu de la viticulture. L’Union européenne a déjà procédé à plusieurs ventes publiques vers les entreprises de biocarburation européennes, une opportunité qu’a saisie l’entreprise Deulep. Rachetée depuis quelques années par une structure betteravière, cette société pratiquait déjà, entre autres activités, du stockage d’alcool pour le compte de l’ONIVINS. Elle a créé une unité de déshydratation d’alcool viticole qui fonctionne depuis 2-3 ans. A ce jour, c’est le seul outil de transformation de l’alcool viticole existant en France. On retrouve une unité de ce type en Espagne et une autre en Italie, ce qui porte le nombre d’usines de déshydratation d’alcool viticole à trois en Europe. Si l’éclosion de nouveaux sites de déshydratation s’annonce un peu partout en Europe, ces unités ne seront pas forcément spécialisées dans le viticole.
Fabriquer de l’alcool absolu
La finalité d’une usine comme Deulep est simple : monter l’alcool brut des distilleries – qui arrive à 92 % vol. – en alcool absolu, utilisable par les raffineries. « L’alcool sort de chez moi avec moins de 500 PPM d’eau, sachant que la limite maximale imposée dans les contrats est de 3 000 PPM rendu chez les pétroliers », indique P. Mura. Le procédé technique utilisé repose sur des transferts de masses et de chaleur. L’alcool passe sur un tamis moléculaire composé de billes sur lesquelles circulent des flux de vapeur alcoolique. Sous la pression de l’alcool, l’eau pénètre dans les billes. Dans une atmosphère de vide très poussé, un nouveau flux d’alcool absolu transitant de bas en haut permet aux molécules d’eau retenues dans les petites billes de ressortir sous forme de vapeur d’alcool. Une fois condensé, ce mélange eau/alcool repasse dans une colonne qui permet d’éliminer l’eau. Pour l’anecdote, la société Deulep utilise sur son site de Saint-Gilles, dans les Bouches-du-Rhône, 35 tonnes de ces petites billes.
A ce jour, Deulep, via la procédure d’adjudication européenne, a déshydrater 160 000 hl AP de biocarburant pour le compte de la Suède (2), sachant que sa capacité de production atteint les 400 000 hl AP. Lors de la dernière adjudication européenne d’alcool vinique pour la carburation, le prix de marché s’affichait à 21 € l’hl AP. Même s’il est probable que ce prix de marché progresse de quelques euros – jusqu’à 25 € l’hl de pur – il est bien sûr très éloigné du prix de revient de l’alcool-carburant d’origine viticole, estimé à plus du double. Le directeur de Deulep l’admet sans ambages : le biocarburant d’origine viticole coûte plus cher à produire que l’alcool betteravier et qui plus est, s’avère de moins bonne qualité. « C’est pourquoi, dit-il, nous avons dimensionné nos installations au seul volume des marcs et des lies, dans la mesure où, fatalement, il faudra toujours traiter ces produits. »
(1) Deulep : Distilleries, entrepôts et usines du Languedoc et de Provence. L’entreprise dispose de quatre sites.
(2) En Suède, l’utilisation de bioéthanol passe par deux grandes catégories de consommateurs : une flotte captive d’autobus et des véhicules équipés de moteurs capables de fonctionner totalement à l’éthanol.
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