La disparition des Avertissements agricoles peut laisser « orphelins » un certain nombre de viticulteurs qui souhaitaient diversifier leur source d’information en matière de protection du vignoble. Ces responsables de propriétés à la recherche de conseils techniques indépendants des contingences commerciales pour raisonner leur protection du vignoble peuvent s’appuyer sur les prescriptions des Chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime qui aujourd’hui proposent une information complète englobant des conseils de protection du vignoble avec l’Epiflash, des conseils agronomiques et un état des lieux du suivi de la phénologie avec le Flash Viti et l’Infocépage. Ces documents sont édités à un rythme hebdomadaire pendant toute la durée du cycle végétatif et le travail technique sur tous ces sujets est aussi utilisé pour l’animation de groupes de lutte raisonnée.
Le vignoble de Cognac est naturellement beaucoup plus sensible à certains parasites comme le mildiou, l’oïdium (plus récemment) et localement le black-rot. L’Ugni blanc possède une aptitude à réagir rapidement aux effets du climat entre la mi-avril et la fin août. Sa forte vigueur lui confère des avantages et aussi une véritable sensibilité à certaines maladies et en particulier au mildiou. Le climat océanique qui règne sur le vignoble contribue bien sûr au développement des « bons et mauvais champignons ». Cette situation conduit naturellement les viticulteurs à être attentifs à la mise en œuvre de la protection du vignoble.
Les cycles végétatifs 2007 et 2008 ont encore démontré la capacité de nuisance du mildiou sur la production de certaines propriétés. Les trous dans les calendriers de traitements, l’inadaptation des produits utilisés au niveau de risque réel, les pulvérisateurs mal réglés… ont conduit à des situations pénalisant la productivité d’îlots de parcelles entiers. La montée en puissance de l’oïdium entre 2002 et 2006 peut être considérée comme un événement dont l’origine est à relier aux conséquences de l’évolution de la climatologie. Bref, le vignoble charentais est une zone sensible à diverses maladies et parasites.
La protection du vignoble suscite beaucoup d’intérêt à Cognac
La présence historique de démarches de préconisations de la protection du vignoble indépendantes des contingences commerciales atteste de l’intérêt que représentent ces approches pour de nombreuses propriétés dans la région de Cognac. Les phénomènes de concentration des firmes phytosanitaires (4 acteurs principaux en vigne) et de la distribution depuis 10 ans ont modifié les relations entre les viticulteurs et leurs distributeurs. Les surfaces en vignes nettement plus importantes de beaucoup d’exploitations obligent aussi à penser la mise en œuvre de la protection du vignoble différemment.
Un responsable d’un domaine viticole d’une cinquantaine d’hectares nous expliquait l’importance qu’il accorde à un conseil indépendant des contingences commerciales : « Je travaille avec deux distributeurs de produits phytosanitaires qui m’apportent beaucoup dans la connaissance des spécialités commerciales. Par contre, la façon dont ils abordent le suivi technique de la protection depuis quelques années ne me convainc pas totalement. Le raisonnement des interventions doit tenir compte de l’appréciation des risques dans les parcelles et des contraintes propres à chaque exploitation. Aussi, le fait de pouvoir disposer et consulter plusieurs sources d’informations avant de prendre la décision de réaliser ou pas un traitement est toujours enrichissant. L’apport des techniciens de la distribution présente l’intérêt d’avoir une information plus locale mais qui accorde une place importante aux aspects produits. Les préconisations émanant d’organismes comme les Chambres d’agriculture ou le SRPV sont intéressantes de par leur indépendance des contingences commerciales et leurs visions régionales plus fondamentales de la pression parasitaire. Ma préoccupation première est d’optimiser les interventions sans que la productivité des parcelles en soit affectée. Dans les années comme 2005 ou 2006, le raisonnement de la protection contre le mildiou a permis de limiter le nombre d’interventions et leurs coûts. Dans des contextes d’années à très fortes pressions de mildiou comme 2007 et 2008, l’apport de technicité est essentiel pour positionner à bon escient chaque spécialité. Mon souhait est de m’investir dans des démarches de protection du vignoble de plus en plus respectueuses de l’environnement en ayant une attitude plus responsable. Cette évolution de comportement repose sur un investissement personnel de formation et d’observation au niveau de la propriété, et aussi sur un accès à des sources d’informations locales et régionales solides indispensables pour appréhender de façon juste le contexte de chaque millésime. »
La collaboration fructueuse entre les chambres d’agriculture de Charente, de Charente-Maritime et l’IFV Charente
Ce témoignage est assez représentatif des attentes de beaucoup de viticulteurs qui souhaitent aller plus loin dans leur approche de conduite de la protection du vignoble mais en s’appuyant sur des moyens techniques fiables. Les Chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime et la Station IFV Charente ont construit une démarche globale de gestion raisonnée de la protection du vignoble depuis 15 ans qui s’appuie sur un réseau de 16 parcelles d’observation réparties dans la région délimitée.
L’ITV et maintenant l’IFV jouent un rôle important dans cette initiative avec le développement des démarches de modélisation Potentiel Système sur le mildiou, l’oïdium et le blak-rot. La collaboration avec les deux Chambres d’agriculture de notre région a débouché sur le développement d’une initiative de préconisation de lutte, l’Epiflash, dont la diffusion (sous la forme d’abonnements) connaît un certain développement. Le souhait des trois acteurs a été de construire une démarche d’observation et d’expérimentation à la fois pérennisée et représentative d’un vignoble ayant une implantation géographique diversifiée. La mise en œuvre des démarches de modélisation est effectuée sur le réseau de 16 parcelles d’observation. Le choix des sites a tenu compte de la nature des sols et des spécificités climatiques de chaque zone. Les modèles sont testés en tenant compte de la climatologie de chaque site (pluviométrie, température et ensoleillement) et les techniciens réalisent sur chaque parcelle des observations plus fines pour valider en permanence les prévisions de la modélisation. Les parcelles d’observations disposent toutes d’un témoin non traité qui permet de suivre l’évolution des maladies (mildiou, oïdium, black-rot et botrytis), des parasites (vers de la grappe, cicadelles vertes et cicadelles de la flavescence dorée, des prédateurs d’acariens) et des stades phénologiques. Ce travail mobilise de la fin mars à la fin septembre six personnes à plein temps qui chaque semaine font des observations et des comptages précis dont la synthèse débouche sur des préconisations de lutte. L’outil a fait ses preuves depuis plusieurs années et en 2009, il jouera un rôle majeur dans la région suite à l’arrêt des Avertissements agricoles.
Des expérimentations sur divers sujets pour construire une réflexion technique approfondie
L’équipe de techniciens, Laetitia Caillaud et Magdaléna Girard, Lionel Dumas Lattaque de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, Laura Mornet, Grégory Martannaud et Yoann Lefèbvre de la Chambre d’agriculture de la Charente et François Michel Bernard et Alexandre Michez de l’IFV Charente ont déployé beaucoup d’énergie pour proposer aux viticulteurs de la région une offre de préconisations techniques structurée et complète. En dehors des travaux spécifiques à la démarche de modélisation et protection raisonnée du vignoble, un volet d’expérimentations est mis en place par l’ensemble de ces organismes. Des essais de stratégies de traitement comparant différents produits sont menés sur l’oïdium, le mildiou et le botrytis. Les aspects de modulation de doses des spécialités commerciales (projet Opti-doses) et de contrôle du fonctionnement des pulvérisateurs viticoles font aussi l’objet d’études dont les résultats ouvrent de nouvelles perspectives. Les maladies du bois mobilisent bien sûr beaucoup d’énergie avec une série d’expérimentations concernant l’intérêt du traitement à l’eau chaude, les plants protégés avec des Trichoderma, l’incidence de l’établissement des jeunes vignes et la conduite de l’entreplantation. Le désherbage chimique fait aussi l’objet d’expérimentations au niveau des stratégies produits, des réductions de doses et de l’évolution de la flore. Des réflexions ont aussi commencé en 2008 sur l’association de plusieurs pratiques d’entretien des sols au cours de l’année, du chimique au printemps et le mécanique en été pour réduire l’utilisation des intrants phytosanitaires. La fertilisation des vignes fait l’objet d’un essai à long terme qui n’a pas encore livré beaucoup d’enseignements. Chaque année, les collaborations entre techniciens dans ces essais donnent lieu à des publications sous forme de condensé dans le Flash Viti ou de manière plus large dans les Chambres Infos.
Un débourrement plus homogène Et Un Risque Mildiou Pour l’Instant Moyen
Le début de cycle végétatif 2009 commence dans d’assez bonnes conditions par rapport aux deux millésimes précédents. Le climat sec et plutôt froid des mois de février et mars ont retardé l’éclosion des premiers bourgeons d’Ugni blanc et le débourrement est intervenu à une époque normale. Les pluies du mois d’avril et surtout la très belle dernière semaine de ce mois ont permis aux bourgeons de se développer de façon rapide et assez homogène. Un décalage naturel des stades végétatifs entre les sites précoces et les sites tardifs, mais globalement, le taux de débourrement des bourgeons semble bon et supérieur à ceux des derniers millésimes. En ce début de mois de mai, beaucoup de parcelles d’Ugni blanc ont atteint le stade moyen 2 à 3 feuilles étalées, mais il est encore trop tôt pour pouvoir apprécier la charge d’inflorescences. Sur les Merlot, la végétation plus avancée permet d’observer une charge d’inflorescences plutôt intéressante.
Les suivis du complexe parasitaire des Chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime et de l’IFV ont commencé depuis la mi-mars. Les informations issues de la modélisation faisaient état à la fin mars d’un niveau de risque mildiou faible, une situation tout à fait cohérente compte tenu des niveaux de pluviométrie très modestes depuis le 1er janvier. Le mois d’avril a été assez pluvieux puisque, en moyenne, les précipitations ont atteint 98 mm, soit un niveau nettement supérieur à celui d’avril 2008. Ce contexte a fait grimper le niveau de risque mildiou qui au 4 mai n’était qualifié que de moyen. La concentration des pluies sur seulement quelques jours répartis en trois séquences a limité la montée en puissance du risque alors qu’en 2008, des niveaux de précipitations inférieurs de 20 % répartis sur 20 jours avaient fait fortement grimper le niveau de risque. Les pluviométries d’avril 2009 ont donc fait monter le risque mildiou alors qu’au début de ce mois la climatologie pouvait permettre d’envisager un niveau de risque oïdium plus inquiétant.
Magdaléna Girard et Yoann Lefèbvre, les techniciens chargés de la rédaction de l’Epiflash, estiment au 5 mai qu’il convient de déclencher le premier traitement à caractère préventif avant les prochaines pluies. Les informations du modèle ont révélé que les œufs d’hiver de mildiou sont arrivés à maturité depuis le 3 mai et toutes les pluies postérieures à cette date seront en mesure déclencher des contaminations de masse. Au sein du réseau de parcelles d’observations, quelques sites présentent un niveau de risque mildiou plus élevé mais qui n’est pas comparable avec celui de 2008. La situation au niveau de l’oïdium ne semble pas préoccupante car les organes de conservation de la maladie n’étaient pas arrivés à maturité au 5 mai. Le climat des trois dernières semaines de mai va être encore une fois déterminant sur le développement ou la stabilisation des risques parasitaires.