Entreplantation : 3 matériels d’arrachage à l’Essai

22 mars 2009

Comment convaincre les viticulteurs de pratiquer régulièrement le remplacement des ceps morts dans leurs parcelles ? En leur démontrant que l’entreplantation n’est peut-être pas un travail aussi fastidieux qu’ils imaginent. C’est en ayant une discussion à bâtons rompus sur ce sujet que l’idée de comparer les performances de plusieurs matériels d’arrachage des ceps s’est concrétisée. Le projet a été construit rapidement grâce à une collaboration de MM. Lionel Dumas Lattaque, Joël Deborde et Michel Girard, de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, avec l’équipe de la revue « Le Paysan Vigneron ». Le 5 novembre dernier, un test de trois équipements d’arrachage a été mis en place pour essayer de recueillir des éléments précis sur les temps de travaux et la qualité du travail effectué. La présentation des résultats de ce test met en évidence que l’utilisation de moyens mécaniques ouvre de nouvelles possibilités pour organiser l’entreplantation de façon plus rationnelle.

 

L’entreplantation de ceps de vigne est une pratique sur laquelle les viticulteurs ont des avis très partagés. Certains en sont de fervents partisans depuis très longtemps et d’autres considèrent que cette intervention n’est plus compatible avec l’organisation des travaux de leurs exploitations. Pourquoi les avis sur cette pratique de remplacement des ceps sont-ils aussi tranchés ? La réponse à cette question est principalement liée à deux éléments, la charge de travail manuel importante pour arracher, préparer le sol, et mettre en terre le plant et le taux de reprise parfois aléatoire. Les propriétés de petites et moyennes surfaces sont, en général, celles qui pratiquent l’entreplantation car les disponibilités en main-d’œuvre le permettent. Ensuite, il semble que pour obtenir de bons niveaux de reprise des plants, un certain nombre de règles simples sont incontournables. C’est un travail qui demande de l’anticipation pour identifier les ceps morts à arracher (en été, avant ou juste après les vendanges) et créer de bonnes conditions pour l’implantation et la pousse du futur plant. Si l’arrachage intervient en conditions de sol humides, les phénomènes de lissage et de compactage de la terre dans les trous de plantation risquent de gêner ultérieurement le développement des racines des jeunes plants. Pour éviter l’incidence négative du compactage de la terre, l’arrachage doit être effectué assez tôt en saison sur des sols bien ressuyés. Ensuite, la mise en terre des jeunes plants tôt dans la saison fin décembre ou début janvier favorise le tassement naturel de la terre et une pousse plus précoce au printemps. Lors d’étés secs, la réalisation d’un arrosage en juillet ou en août est toujours bénéfique à la croissance des plants en première feuille. L’ensemble de ces opérations doit être intégré dans le calendrier global des travaux dans les propriétés pour favoriser le taux de reprise des plants. Enfin, au sein d’une propriété, il paraît aussi judicieux que des travaux d’entreplantation soient abordés chaque année en concentrant l’effort de replantation sur une partie du vignoble et non sur la totalité. C’est un moyen astucieux pour répartir la charge de travail dans le temps tout en se fixaznt l’objectif d’entreplanter tout le vignoble au bout de cinq année par exemple. L’utilisation de matériels spécifiques pour effectuer l’arrachage et l’ameublissement du sol se développe depuis quelques années, ce qui permet déjà de réduire les temps de travaux de manière significative. Néanmoins, aucune approche technique comparative n’existait jusqu’à présent pour quantifier la durée et la qualité du travail dans les parcelles. Cette réflexion est à l’origine de la mise en place du test de trois matériels d’arrachage le 5 novembre dernier à Beauvais-sur-Matha et à Migron.

Travailler dans deux types de sols pour évaluer les temps de travaux

L’idée était de comparer l’utilisation de plusieurs matériels dans deux configurations de sol, des terres de groies superficielles assez légères (ayant une bonne portance) et une situation de pays bas argileux beaucoup plus difficile surtout si les conditions sont humides. Le protocole mis en place par M. Lionel Dumas Lattaque, le technicien viticole de la Chambre d’agriculture 17 et M. Joël Deborde, le conseiller en machinisme de la Chambre d’agriculture 17, avaient comme objectif de concevoir cet essai dans une situation de chantier proche des réalités d’une exploitation viticole. Les deux parcelles mises à disposition par M. Jacky Chat présentaient un taux de mortalité des souches de l’ordre de 1,5 % et le dispositif a permis de tester chaque matériel sur l’arrachage de 30 souches réparties sur une dizaine de rangs. L’ensemble des souches à arracher avait été préalablement coupé à une hauteur de 30 à 40 cm au-dessus du sol pour permettre aux chauffeurs de les repérer rapidement. Les mesures qui ont été effectuées ont porté à la fois sur les performances de chaque matériel et la qualité du travail effectué. MM. L. Dumas Lattaque et J. Deborde avaient établi un protocole permettant de mesurer le temps global d’arrachage des trente ceps, le temps moyen pour arracher une souche et par déduction la vitesse de déplacement du matériel dans les rangs. Chaque équipement (tracteur + matériel) a été aussi pesé pour évaluer l’incidence de leur utilisation sur le compactage des sols. La facilité de conduite de chaque matériel a été également évaluée en tenant compte des remarques des chauffeurs qui étaient tous habitués à faire ce travail. Le choix des matériels pour ce test s’est limité à trois équipements qui correspondent aux habitudes de travail d’un certain nombre de viticulteurs dans la région. Historiquement, le premier outil utilisé pour arracher des ceps morts est la tarière. Les constructeurs ont développé des matériels spécifiques portés qui fonctionnent dans les rangs de vigne. Ensuite, des prestataires de services ont imaginé de pouvoir monter sur des bras de mini-pelles des fers en forme de U qui permettent d’arracher les souches. Plusieurs entrepreneurs de travaux agricoles travaillent avec ces équipements et proposent des prestations d’arrachage facturées à l’heure. Le troisième outil qui a été intégré dans cet essai a été mis au point par un constructeur régional, M. Eric Boisumault, installé à Jarnac. Il s’agit d’un matériel rotatif installé entre les roues du tracteur.

Un Jury pour apprécier la qualité du travail

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Le jury en plein travail.

La qualité du travail effectué a été évaluée par un jury de 4 personnes qui a observé une dizaine de trous par modalités. Le jury était composé de techniciens d’un viticulteur et d’un pépiniériste pour essayer de recueillir un avis objectif sur le travail effectué. M. Lionel Dumas Lattaque, technicien viticole à la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, M. Michel Girard, technicien viticole à la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, M. Pierre Ancelin, viticulteur à Migron et de M. Fredy Fradin, pépiniériste à Aujac, ont donc parcouru toutes les modalités en ayant une approche d’observations identique. Ils ont mesuré la profondeur, la longueur et la largeur des trous, cherché la présence de racines entières ou broyées, apprécié l’importance du travail de rebouchage au moment de la mise en terre du plant, regardé l’état d’ameublissement du sol en surface et en profondeur. L’essai s’est déroulé le 5 novembre, après deux jours de pluies assez abondantes (50 mm). Sur le site de Beauvais-sur-Matha, les conditions pluvieuses n’ont pas perturbé le fonctionnement des matériels, compte tenu de la nature filtrante des terres de groies. A Migron, les trois matériels ont fonctionné dans des conditions beaucoup plus difficiles, en raison des teneurs en argiles élevées des sols de pays bas. L’accès à la parcelle et dans les rangs et la portance du sol permettaient d’effectuer le travail, mais la terre avait déjà un niveau d’humectation important. La qualité du travail des trois matériels a été pénalisée par le contexte climatique. Cette situation de travail met en évidence l’importance d’organiser l’arrachage en tenant compte des conditions de sol les plus adaptées à chaque situation.

 

Les trois matériels d’arrachage de l’essai

La tarière de marque Rabaud, montée à l’arrière d’un tracteur (mise à disposition par un viticulteur, M. Robert Bellebeau, de Sonnac), permettait d’effectuer l’arrachage sur deux rangs en un seul passage. La présence de protections latérales facilitait son accès au niveau du palissage pour pouvoir engager la tarière au-dessus des souches à arracher. La position du chauffeur en permanence tourné vers l’arrière au cours de l’arrachage ne permet pas toujours d’avoir une bonne vision sur le travail effectué et elle occasionne aussi une certaine fatigue. La section des têtes de souches est souvent préférable pour faciliter le travail. Le chauffeur du tracteur qui a conduit le matériel pendant l’essai possédait une grande maîtrise de l’utilisation de la tarière.

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La tarière Rabaud.

L’arracheuse Boisumault est un matériel à axe vertical de 600 mm de diamètre sur lequel se montent des pales de type Rotavator. La rotation du disque provoque, en s’enfonçant dans le sol, l’arrachage du cep et des déplacements verticaux et latéraux (par des vérins hydrauliques) permettent d’optimiser l’approche vers le cep et la profondeur de travail. Le module d’arrachage se monte entre les roues du tracteur, ce qui permet au chauffeur d’avoir une bonne visibilité sur le travail. Cette arracheuse fonctionne bien lorsque les têtes de souches ne sont pas coupées. Les performances hydrauliques des tracteurs récents permettent de faire fonctionner l’arracheuse Boisumault. C’est le constructeur qui a assuré la conduite du matériel pendant l’essai.

La mini-pelle est équipée à l’extrémité de son bras d’un fer à U dont la base a la forme d’une lame de couteau qui passe en dessous les racines des souches. Un mouvement d’aller-retour avec le fer à U dans le sol permet de couper les racines et d’extraire le cep mort. Le matériel fonctionne plus facilement lorsque les troncs à arracher sont coupés à 30-40 cm de hauteur. Les temps d’accès aux souches et d’arrachage s’en trouvent nettement améliorés. La mini-pelle permet d’arracher des souches sur deux rangs en un seul passage et le chauffeur a une parfaite visibilité sur le travail qu’il effectue. C’est un entrepreneur de travaux agricoles, M. Jean-Pierre Trochut, de Migron, qui a prêté et conduit sa mini-pelle pendant l’essai.

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L’arracheuse Boisumault.

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La mini-pelle avec le fer à U.

 

 

 

 

 

 

Les tableaux ci-après présentent la synthèse des notations qui ont été effectuées sur les trois matériels. Le contexte de travail sur les sols de groies était bien meilleur que dans le pays bas et les conclusions des techniciens et du jury mettent en évidence que les trois équipements présentent des avantages et des inconvénients. Les écarts de temps de travaux pour l’opération proprement dite d’arrachage entre les trois matériels sont assez faibles. Les différences de temps de travaux sont plutôt liées à la vitesse de déplacement dans les rangs et à la capacité des matériels à fonctionner ou pas sur un ou deux rangs de vigne. Les vitesses de déplacements de la tarière et de l’arracheuse Boisumault sont nettement plus importantes que celles de la mini-pelle. Par contre, la tarière et la mini-pelle offrent l’avantage de travailler sur deux rangs en un seul passage. Le confort de travail des chauffeurs est un élément qu’il a été difficile de mettre en évidence dans les conditions de cet essai. Néanmoins, le bon sens laisse à penser que le chauffeur de la tarière se fatiguera beaucoup plus rapidement que ceux des deux autres matériels. Les mesures de compactage au niveau du sol mettent en évidence un net avantage à la mini-pelle, mais les niveaux de pression exercés par les tracteurs restent tout de même assez limités par rapport à l’utilisation d’un pulvérisateur traîné de 1 000 l. Les plus grosses différences entre les matériels se situent au niveau de la qualité du travail.
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Les commentaires techniques sur la tarière

Dans les terres de groie, le cep est bien extrait mais de nombreuses racines entières restent dans le sol. La profondeur de travail est bloquée par la banche de cailloux car il arrive que les pales situées sur la vrille soient bloquées par les pierres. Lorsque les ceps à arracher sont situés juste à côté d’un piquet, les rotations de la vrille fragilisent le palissage. Les trous ont un diamètre de 55 à 80 cm (moyenne à 60 cm alors que la vrille a un diamètre de 40 cm) et une profondeur de 25 à 40 cm (selon la présence de pierres). Le matériel provoque une projection de terre au-delà des limites du trou (à 40 cm) qui va nécessiter un travail de rebouchage conséquent. Dans les vignes étroites, cette présence de terre a l’inconvénient de se situer au niveau des passages de roues des tracteurs, ce qui peut compliquer les travaux de rebouchage. L’ameublissement de la terre est satisfaisant.

Dans le sol de pays bas, la vrille soulève de gros blocs d’argile et laisse un trou béant. Le diamètre des trous est compris entre 60 et 70 cm, mais il est parfois difficile d’apprécier les limites de leurs pourtours. La profondeur totale sous l’axe de la vrille est de 30 cm, mais la zone travaillée au niveau des pales n’est que de 20 cm. Les bords des trous sont souvent lissés et seules des périodes de gel permettront de faire éclater les blocs d’argile. Si un cep se prend dans la vrille, les projections de blocs d’argile sont encore plus importantes. Les travaux de rebouchages seront importants. Il apparaît souhaitable dans les sols argileux d’utiliser la tarière en situation de terre bien ressuyée.

Les commentaires techniques sur l’arracheuse Boisumault

Dans les terres de groies, l’utilisation de l’arracheuse Boisumault a nécessité plusieurs déplacements latéraux de l’outil dans l’axe des rangs pour bien extraire les souches et les racines. Cela conduit à l’obtention de trous assez larges, à la remontée de quelques pierres et à la présence de racines déchiquetées. La conception de l’outil permet de travailler à une profondeur moyenne de 30 cm. Les dimensions des trous sont en moyennes assez importantes, une longueur de 60 à 80 cm, une largeur de 45 à 75 cm (70 cm en surface et 15 cm en profondeur) et une profondeur stable autour de 30 cm (pouvant aller jusqu’à 35 cm). Les membres du jury ont estimé qu’il fallait prévoir de ramener la terre éjectée sur les côtés et de reboucher le trou avant de planter. Plus le cep est gros, plus la taille du trou est importante. L’ameublissement de la terre est assez bon.
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Dans le sol de pays bas, l’arrachage a été plus facile comme en attestent les dimensions des trous, une longueur de 50 à 65 cm, une largeur de 40 (la moyenne) à 60 cm et une profondeur de 25 à 30 cm. Le jury a observé des fragments de racines déchiquetées (générant du temps pour les enlever) et dans ces sols très argileux, l’ameublissement est limité. Quelques petits blocs d’argile ont été remontés à la surface du trou. Le constructeur estime que son matériel fonctionne mieux lorsque les ceps ne sont pas sectionnés, car la souche est prise par les deux extrémités du disque rotatif.
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Les commentaires techniques sur la mini-pelle

Dans les sols de groies, la mini-pelle permet d’extraire le cep et les racines facilement avec un minimum de manipulations. Le fait que la lame du fer à U passe en dessous le talon de racines limite leur fragmentation et évite les déplacements de terre en surface. L’ameublissement de la terre est satisfaisant. Les risques de dessèchement du sol sont limités et aucune intervention de rebouchage n’est à prévoir. En revanche, on ne perçoit pas le travail en profondeur et dans ce sol caillouteux on peut penser que la présence de poches d’air sous les pierres est possible. Lors de plantations rapides après l’arrachage, il faudra tasser sérieusement la terre au-dessus des racines des jeunes plants. La longueur des trous est comprise entre 65 et 90 cm (valeur moyenne de 75 à 80 cm), car la minipelle travaille légèrement en biais par rapport au cep. La longueur du trou dépend de la position de la mini-pelle dans le rang et du nombre de passages de la lame dans le sol. La largeur des trous est toujours de 50 cm et aucune projection de terre n’est observée. La profondeur des trous, assez régulière, se situe entre 30 et 40 cm.

Dans les terres de pays bas, la mini-pelle laisse peu de grosses mottes en surface et présente une bonne capacité d’extraction des ceps et des racines. Il n’a pas été possible d’apprécier les phénomènes de lissage en profondeur qui sont très probables. La longueur des trous, très régulière, se situe entre 50 et 65 cm. Leur largeur, de 40 à 65 cm, limite considérablement le rebouchage. La profondeur des trous de 25 à 30 cm apparaît parfois un peu insuffisante pour planter des greffés-soudés dans de bonnes conditions.

une expérimentation entreplantation est mise en place

Dans le cadre de cette opération, un projet complémentaire de suivi et d’observation des résultats de l’entreplantation va être mis en place. Un relevé de temps de travaux au moment de la plantation des greffés soudés sera effectué et au cours de l’année 2009, des notations de développement des jeunes plants sur chaque modalité (les trois blocs sur les sites de Migron et de Beauvais-sur-Matha sont envisagés.

Les équipes de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, de Charente, de la Station viticole du BNIC et de la revue Le Paysan Vigneron ont mis leurs moyens en commun pour construire cette démarche technique à plus long terme. Nous espérons pouvoir publier les résultats de cet essai entreplantation à la fin de l’année 2009.

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