En Rouge : « A Chaque Terroir Correspond Une Typicité De Vin »

10 mars 2009

vigne_terroir_opt.jpegAdapter la qualité des vins rouges aux attentes des négociants et des consommateurs pour pérenniser les débouchés commerciaux, c’est un choix stratégique que la cave des Hauts de Gironde a fait depuis une dizaine d’années. Cette évolution a engendré un certain nombre de changements fondamentaux au niveau de la conduite des vinifications et de l’entretien du vignoble. Les démarches de sélection parcellaire sont devenues indispensables pour essayer de produire des raisins adaptés à chaque typicité de vin. Or, « en rouge » on ne peut pas lutter contre le terroir et au fil des années, la meilleure connaissance de la nature des sols du parcellaire s’est imposée comme une approche indispensable. Un travail de fond a été entrepris sur ce sujet par la coopérative en utilisant des moyens de zonage innovants : les mesures de résistivité du sol.

La juste appréciation des potentialités des terroirs viticoles est devenue au fil des années un enjeu technique important avant de réaliser les plantations mais aussi ensuite dans les vignes en place, pour optimiser les conditions d’établissement du vignoble et les pratiques culturales en fonction des objectifs qualitatifs. Dans toutes les propriétés, les viticulteurs savent que leurs parcelles ne sont pas égales en terme de comportement végétatif, de niveaux de rendements et de qualité de production. L’incidence de la nature du sol et du sous-sol interfère fortement sur le comportement agronomique de chaque parcelle et même probablement à l’intérieur d’un même îlot jugé homogène. Les discussions sur ces sujets avec des viticulteurs débouchent souvent sur des constatations très enrichissantes : ce groupe de parcelles mûri plus précocement, cette situation de coteau supporte mal les sécheresses estivales, la croissance végétative de certaines terres plus argileuses reste exubérante tard en saison, les sols se ressuient mal au printemps dans tel endroit… L’hétérogénéité des sols est une composante majeure de la notion de terroir et son influence sur le développement végétatif, le niveau de concentration qualitative des raisins s’avère importante. Tout le savoir-faire des viticulteurs réside dans leur capacité à apprécier les spécificités de sol de chaque îlot et de mettre en œuvre les pratiques les plus adaptées pour tirer le meilleur profit de chaque situation. A l’échelle d’une exploitation individuelle comme d’une coopérative, le fait de pouvoir mettre en place des démarches de sélection qualitatives en travaillant au niveau du parcellaire s’inscrit à la fois dans une volonté de maîtriser la qualité des vins dans la pérennité et les coûts de production. La recherche permanente d’une meilleure compétitivité économique sur les propriétés est devenue un enjeu majeur surtout pour la réalisation de certaines interventions comme l’ébourgeonnage, la vendange en vert, l’effeuillage qui nécessitent des charges en main-d’œuvre importantes. Le fait de réaliser ces pratiques contribue à favoriser l’amélioration de la concentration qualitative des raisins, mais la réponse des différentes parcelles à ces interventions peut s’avérer aléatoire selon la nature des sols. Par ailleurs, ne faut-il pas moduler l’intensité de ces interventions en fonction du type de vin que l’on cherche à élaborer ? Les approches de conduite des parcelles plus judicieuses intégrant l’effet nature des sols et du sous-sol semblent devenues des axes de réflexion prioritaires au moment de la réalisation d’une plantation comme dans des vignes en place. Le choix des cépages, des clones et des porte-greffes les plus adaptés à chaque terroir, l’anticipation des problèmes d’excès ou d’insuffisance de vigueur, l’adaptation de l’importance de la surface foliaire à chaque niveau de production de raisins, la mise en œuvre de méthodes d’entretien des sols cohérentes… doivent s’appuyer sur une parfaite connaissance des potentialités agronomiques parcellaires de chaque propriété.

Produire des vins qui correspondent aux attentes des nouveaux consommateurs

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M. Olivier Bourdet Pees, l’œnologue responsable de la qualité des vins à la cave des Hauts de Gironde.

La cave des Hauts de Gironde a travaillé les aspects de sélection qualitative au vignoble d’une manière progressive depuis une vingtaine d’années au fur et à mesure que les attentes qualitatives des acheteurs se sont formalisées. La première phase de sensibilisation a concerné au milieu des années 80 l’état sanitaire de la vendange blanche à la récolte. Le développement d’une production importante de vins blancs secs aromatiques à base de Sauvignon ne pouvait être envisagé qu’à partir de raisins parfaitement sains (pour réaliser des macérations pelliculaires). Des démarches de lutte globales par des moyens agronomiques et une protection chimique spécifique ont été mises en place sur les cépages blancs et les efforts des viticulteurs les plus motivés au moment de la récolte ont été récompensés par un système de paiement tenant compte de l’état sanitaire. Par la suite, la volonté des responsables de la cave d’aborder les relations commerciales avec des négociants importants dans un état d’esprit plus ouvert au niveau de la qualité des vins rouges a fait évoluer considérablement les méthodes de production à la vigne comme au chai. M. Olivier Bourdet Pees, l’œnologue qui a en charge la responsabilité des vinifications sur l’ensemble des caves, estime que les objectifs en matière d’élaboration de qualité des vins rouges ont considérablement changé à partir du milieu des années 90 : « L’équipe de direction de la cave a su nouer des relations commerciales plus constructives avec des négociants importants, et ce dialogue nous a fait prendre conscience que le type de vins rouges que nous produisons n’était pas totalement en phase avec les attentes du marché. Notre direction nous a alors demandé d’intégrer ces nouvelles attentes plus commerciales dans nos approches d’élaboration de vins rouges. Une telle évolution a remis en cause un certain nombre de nos certitudes de techniciens qui culturellement étaient centrées sur la recherche de vins rouges structurés. Or, les vins rouges très structurés ne correspondent plus aux attentes qualitatives de la nouvelle génération de consommateurs qui sont peut-être moins connaisseurs mais incontournables. Notre rôle d’œnologue n’est pas de faire le vin qui nous plaît mais d’élaborer des qualités en phase avec les attentes des consommateurs. Ce nouveau challenge n’est tout de même pas facile à aborder car les nouveaux consommateurs ont souvent du mal à exprimer leurs attentes et une partie de notre travail de technicien est aujourd’hui d’essayer de comprendre ce que veut le client. Au niveau de la cave, on est passé en moins de dix ans de trois qualités de vins rouges à plus de huit styles de typicités différentes qui se déclinent ensuite en une vingtaine de produits commerciaux. Cette évolution, bien qu’elle ait été conduite d’une manière progressive, a remis en cause toute l’organisation de production à la vigne comme au chai. »

Des sélections parcellaires sur plus de 1 000 ha

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M. Jérôme Ossard, le responsable des activités viticoles à la cave des Hauts de Gironde.

Le fait de vouloir élaborer des vins rouges de cuvées spécifiques a incité la coopérative à s’engager dans la mise en place d’un travail global de maîtrise de la qualité associant l’œnologue, O. Bourdet Pees, et le responsable des activités viticoles, M. Jérôme Ossard. Un dialogue constructif s’est mis en place presque naturellement entre techniciens de la vigne et du vin pour construire une démarche de production cohérente à la fois sur les plans qualitatif et économique. Il a fallu en quelque sorte « connecter » le contenu du verre aux conditions de production des raisins. La réflexion de fond a été conduite dès le départ avec la bonne volonté de cinq viticulteurs motivés par ce nouveau challenge. En 1998, une première approche de sélection parcellaire a été mise en place de façon volontaire sur une dizaine d’hectares afin de tester la faisabilité de la démarche à la fois sur les plans technique et économique. Au niveau du vignoble, la mise en place d’un cahier des charges global intégrant des éléments comme un niveau de rendement inférieur à 50 hl/ha, une surface foliaire en rapport avec la charge de grappes, une parfaite maîtrise de l’état sanitaire et la création d’un environnement propice à la maturation (en réalisant un ébourgeonnage en vert, un effeuillage et des vendanges vertes) a nécessité une mobilisation de travail et d’énergie importante. L’investissement qualitatif réalisé dans les parcelles s’est révélé positif au niveau de la qualité des vins et l’initiative pilote a été présentée à l’ensemble des adhérents. Par la suite, les surfaces engagées de façon volontaire dans les démarches de sélections parcellaires se sont développées régulièrement car la cave a mis en place un système de paiement à la qualité. L’utilisation depuis 2002 d’un équipement de mesures infrarouges au moment des apports de vendange a permis de différencier les niveaux de maturité phénoliques et d’établir une grille de paiement à la qualité cohérente. Actuellement, plus de 1 000 ha sont conduits de cette manière, ce qui représente 30 % de la collecte totale de la coopérative. O. Bourdet Pees, l’œnologue, a pu au fil des années élaborer une gamme de vins ayant des typicités différentes, affirmées, et beaucoup plus constantes quels que soient les millésimes. Le potentiel de qualité des raisins rouges récoltés par la cave s’est accru et cela a permis de conduire les vinifications dans un état d’esprit de recherche positive de typicité. Néanmoins, J. Ossard, qui a en charge le suivi technique des sélections parcellaires, a constaté que certains îlots réagissaient beaucoup mieux que d’autres aux efforts techniques mis en œuvre.

En rouge, on ne peut pas lutter contre le terroir

Les disparités de comportement dans un vignoble ont suscité un certain nombre d’interrogations au sein de l’équipe d’œnologues et de techniciens viticoles. Cela les a amenés à prendre conscience des avantages et des limites liés à la nature du sol et du sous-sol, et le discours sur ce sujet est empreint d’une grande cohérence : « Au fil des années, le travail de sélection parcellaire a permis de faire nettement progresser la qualité des vins et d’élaborer des lots ayant des typicités bien différenciées. Le gros travail réalisé au vignoble était parfois pleinement récompensé et d’autres fois les résultats bien qu’intéressants n’étaient pas à la hauteur des efforts fournis par les viticulteurs. Ce constat nous a amenés à pousser plus loin la réflexion pour comprendre pourquoi les résultats qualitatifs de certaines parcelles restaient décevants. On s’est très vite rendu compte que l’influence nature du sol et du terroir jouait un rôle déterminant.

Les terres argilo-calcaires sont naturellement propices à l’élaboration de vins très structurés, de garde, qui au moment de la maturité conservent un squelette conciliant à la fois une structure phénolique riche et une acidité basse. De telles caractéristiques au niveau de la vendange sont un gage de qualité pour élaborer des vins de garde qui auront une belle longévité dans le temps. A l’inverse, vouloir élaborer sur ces sols des vins ronds et souples devient beaucoup plus compliqué et pourtant une demande commerciale importante existe aujourd’hui sur ce type de produits. Les terroirs graveleux s’avèrent plus propices à l’élaboration de vins conciliant de la souplesse, du fruité, de la rondeur et une structure tannique suffisante. A l’inverse, vouloir rechercher dans ces zones des concentrations intenses va nécessiter une mobilisation de moyens très importants pour des résultats pas réellement satisfaisants. En rouge, on ne peut pas lutter contre le terroir et au contraire il faut essayer de tirer profit de chaque situation. Le facteur terroir joue un rôle plus ou moins important selon le style de vin que l’on cherche à élaborer. Les efforts importants que l’on avait demandés au départ aux gens pour atteindre nos objectifs de recherche de typicité étaient localement pénalisés par le terroir. Si on avait continué dans cette voie, on aurait épuisé tout le monde et au final les résultats au niveau de la qualité des vins n’auraient été que moyens. C’est pour cette raison qu’à partir de 2002 nous avons décidé de réaliser une étude pédologique sur les zones de collecte de la cave pour se donner les moyens d’exploiter au mieux chaque environnement naturel. »

L’étude pédologique a révélé une très forte hétérogénéité de sol

sols.jpgL’étude pédologique s’est déroulée entre 2003 et 2006 et chaque année 100 fosses pédologiques ont été étudiées. Les conclusions de ce travail ont confirmé les observations pratiques des techniciens et des viticulteurs dans le vignoble, et quatre grands types de sols ont été identifiés : des sols profonds développés sur le complexe des sables du Périgord, des sols sur substrats argileux sur le complexe des sables du Périgord, des planno-sols sablo-graveleux sur des argiles lourdes et des sols sablo-argileux développés sur le complexe des sables du Périgord. Chaque année, les résultats des études secteur par secteur étaient présentés aux viticulteurs afin de leur communiquer un certain nombre d’informations essentielles concernant les futures plantations (choix des cépages, porte-greffes, densité de plantation, conditions culturales…) et les vignes en place. Cela a permis, d’une part, de mieux comprendre pourquoi certaines parcelles extériorisaient des excès de vigueur, une sensibilité à la sécheresse… et, d’autre part, de mettre des moyens pour remédier à ces problèmes. L’un des enseignements majeurs de cette étude pédologique a été la mise en évidence de la très forte hétérogénéité des sols à quelques centaines de mètre près qui est sûrement à relier à la topographie accidentée de certaines zones et à la proximité de l’estuaire de la Gironde. Dans de telles conditions, l’étude pédologique révélait des choses très intéressantes mais ne pouvait déboucher sur une cartographie précise des sols qu’en multipliant de façon importante le nombre de fosses pédologiques.

L’intérêt indéniable suscité par cette première étape du travail au niveau de la coopérative et des viticulteurs chez lesquels les fosses avaient été réalisées, rendait souhaitable d’aller jusqu’au bout de la démarche. En effet, l’apport de connaissances approfondies a permis aux vinificateurs d’aller plus loin dans la gestion qualitative des lots de vendange et aux viticulteurs de mieux comprendre pourquoi certaines parcelles ne réagissaient pas suffisamment à certaines pratiques viticoles. Néanmoins, la réalisation de 50 à 60 fosses supplémentaires par commune nécessitait un investissement humain et financier lourd que les responsables de la cave jugeaient à la fois incohérent vis-à-vis du contexte économique actuel et indispensable pour aller plus loin au niveau de la sélection terroir et des partenariats commerciaux. Les discussions avec le prestataire ayant en charge la mise en œuvre de l’étude pédologique (la société Sovivins) ont permis d’envisager une démarche de travail différente consistant à utiliser un outil de zonage, les mesures de résistivité pour cartographier l’hétérogénéité des sols et réaliser ensuite les fosses pédologiques uniquement aux endroits les plus judicieux (et non pas selon une méthodologie systématique pour tenir compte de l’hétérogénéité des sols).

Les mesures de résistivité permettent de cartographier à la fois l’homogénéité et l’hétérogénéité des sols

L’utilisation des mesures de résistivité des sols en continu permet de développer des approches de cartographie au niveau des deux premiers mètres de sous-sol. La technique est devenue opérationnelle avec la mise au point du système ARP à partir du début des années 2000. Dans les domaines agricole et viticole, les nouvelles approches d’agriculture de précision visant à moduler les apports d’intrants (engrais et protection phytosanitaire) à l’intérieur d’une même parcelle deviennent aujourd’hui une préoccupation d’actualité et les mesures de résistivité des sols représentent un des moyens utilisés pour les mettre en œuvre (au même titre que les images satellites ou les cartes de rendements). L’entreprise Géocarta a développé un système de cartographie ARP reposant sur des mesures de résistivité des sols avec un secteur d’activité spécifique à l’agriculture (prioritairement en grandes cultures au départ et depuis 4 ans en viticulture). Les résultats des mesures de résistivité sont transcrits sous la forme de cartes exprimant l’hétérogénéité des sols jusqu’à une profondeur de 2 m. Les cartes de résistivité ne s’apparentent pas du tout à des cartes pédologiques mais elles représentent le moyen de repérer au sein d’une parcelle et d’un territoire complet les zones de sols qui sont à la fois d’une nature homogène et hétérogène. Sur le plan visuel, un code de couleur permet de localiser immédiatement les différences. L’utilisation de ce procédé (d’agriculture et de viticulture de précision) permet ensuite de réaliser d’une manière beaucoup plus rationnelle et plus économique les études pédologiques. Les cartes de résistivité permettent de positionner des fosses pédologiques avec efficience et donc de pouvoir en réduire le nombre sans que les résultats des études en soient pénalisés sur le plan de leur validité.

Des références prestigieuses dans l’univers viticole

La société Géocarta a mis au point un procédé de mesures opérationnel (le système ARP) utilisé comme un outil technologique de zonage. L’unité de recherches de science du sol de l’INRA d’Orléans a testé et validé l’intérêt scientifique du système ARP. Depuis plus de cinq ans, l’outil de zonage développé par l’entreprise a trouvé un champ d’application assez large au niveau des grandes cultures et de la viticulture.

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Exemple sur un ensemble de parcelles (8 ha – Secteur de Reignac – Mai 2006). Les zones rouges correspondent à des sables graveleux plus ou moins épais. Les zones en bleu correspondent à des zones argileuses.

Parmi les références dans ces domaines, le travail réalisé pour les adhérents de la coopérative céréalière Epis Centre a permis d’apporter des moyens de réflexions concrets pour gérer les itinéraires culturaux en tenant compte des variations intra-parcellaires. Les résultats ont permis d’identifier des différences de texture, de profondeur des sols, de pierrosité, de réserve utile… et la prise en compte de ces données nouvelles associées à d’autres éléments a débouché sur des préconisations intra-parcellaires de modulations de doses de semis et d’apport d’éléments fertilisants (N, P et K). L’entreprise a développé une approche spécifique pour affiner la connaissance des terroirs viticoles et la prestation de zonage a intéressé le CIVC et le BNIC pour leurs parcelles d’expérimentations. En effet, le fait de pouvoir cartographier l’hétérogénéité des sols où sont implantées des expérimentations représente un apport de connaissances nouveau et enrichissant pour la construction des protocoles d’études. Un certain nombre de grands domaines comme le château Cheval Blanc, le château Léoville Lascase, le château Figeac, le château Cos d’Estournel, le château Mouton Rotschild, les vignobles Moët & Chandon… qui avaient réalisé des études pédologiques, ont effectué des cartographies de résistivité pour valider leurs études de parcelles avant la replantation et aussi pour essayer de réaliser des vendanges d’une manière plus sélective sur les domaines (par zone ayant atteint une maturité homogène). L’approche qui est conduite au niveau de la cave des Hauts de Gironde est une première dans le secteur viticole, en raison à la fois de la nature du projet et de l’importance des surfaces qui vont être cartographiées (près de 3 000 ha).

Le programme de zonage avec des mesures de résistivité sur 3 000 ha

M. J. Ossard considère que l’utilisation des mesures de résistivité pour réaliser des cartographies est un moyen rationnel au niveau économique pour conduire d’une manière rationnelle l’étude pédologique sur la zone d’activité de la cave des Hauts de Gironde : « L’élaboration de vins rouges ayant une typicité diversifiée est un challenge majeur pour la cave et ses adhérents. Le travail que nous avons réalisé au niveau des sélections qualitatives et de l’étude pédologique s’est révélé essentiel et l’effet terroir est une réalité dont nous devons tenir compte dans les approches de vinification et dans la conduite des itinéraires culturaux. La nature des sols très hétérogène justifie l’intérêt de la réalisation d’une étude pédologique précise, mais cela aussi en renchérit considérablement le coût. La principale difficulté est d‘effectuer les profils d’étude de sols aux endroits opportuns pour justement tenir compte de l’hétérogénéité des terroirs. Il nous fallait trouver une méthode de travail adaptée à notre contexte économique car on n’avait pas les moyens de réaliser 10

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Le quad tractant l’appareil de mesure : le multipôle ARP.

fosses pédologiques par parcelle en n’étant pas sûr de les positionner au bon endroit. L’outil de zonage avec des mesures de résistivité développé par la société Géocarta nous a paru un moyen réaliste sur le plan économique pour cartographier l’hétérogénéité des sols et ensuite positionner avec pertinence les fosses pédologiques. L’objectif de la cave est d’identifier les parcelles ayant une nature des sols identiques pour ensuite optimiser la conduite du vignoble, les périodes de vendange et l’extraction du potentiel de qualité durant les vinifications. La collaboration de travail avec la société Géocarta concerne une approche de zonage sur 3 000 ha durant les cinq prochaines années dont le coût atteint 50 € ht/ha (des aides réduiront ces charges). Il est aussi probable que le déroulement de la deuxième phase de l’étude pédologique sera aussi moins lourd sur le plan financier. Avant de nous engager définitivement dans cette voie, nous avons testé l’intérêt des mesures de résistivité sur un site pilote de 20 ha durant le printemps 2006. Sur cet îlot, les fosses pédologiques ont confirmé la validité de la cartographie obtenue à partir des mesures de résistivité. » L’étude de terroir menée par la cave des Hauts de Gironde CarTeT (cartographie des Terroirs de Tutiac) s’articule autour de plusieurs phases : une pré-étude pédologique (fosses) d’identification de secteurs, l’établissement d’une cartographie des parcelles par les mesures de la résistivité électrique et une validation pédologique à partir des cartes de résistivité. L’approche de zonage par les mesures de résistivité a commencé cet hiver pour environ 500 ha de vignes, et ce sont les techniciens de la cave qui effectuent les mesures avec un équipement spécifique tracté par un quad qui parcourt tous les rangs de vignes. A l’issue d’une journée de travail, les enregistrements des mesures de résistivité concernant toutes les parcelles sont transmis par internet à la société Géocarta qui réalise le traitement des données et établit la cartographie.

Une relation entre les mesures de résistivité et la nature des sols au sein d’une même parcelle

La résistivité d’un sol représente sa capacité à limiter le passage d’un courant électrique et cette aptitude est étroitement liée aux caractéristiques intrinsèques et pérennes des sols tels que la teneur en argile, la teneur en sable, la texture, la présence ou non de carbonate de calcium, le taux d’éléments grossiers, la profondeur et le type de substrat géologique. Les mesures de résistivité sont effectuées à une profondeur qui varie entre 0 et 2 m pour caractériser de manière différenciée l’horizon du travail du sol, l’horizon racinaire et une couche plus profonde.

D’un point de vue technique, le principe est extrêmement simple, il suffit d’injecter un courant dans le sol via deux électrodes et de mesurer le potentiel résultant grâce à deux autres électrodes. Le positionnement des électrodes détermine à la fois la profondeur et le volume de terrain prospecté. Les mesures peuvent être effectuées dans les vignes toute l’année car l’équipement utilisé pour les enregistrements est léger. La validité des cartographies de résistivité repose à l’origine sur la qualité des mesures et la mise au point de l’outil, le multipôle ARP a nécessité un travail de recherche conséquent. C’est un matériel léger et peu encombrant qui est constitué d’un châssis portant quatre essieux de roues crantées en acier. Il peut être tracté par un quad, un tracteur interligne ou être monté sur un tracteur enjambeur. Le matériel est équipé de capteurs (des électrodes), d’un résistivimètre (traitant 100 mesures à la minute), d’un radar de mouvement déclenchant les mesures tous les 20 cm et d’un GPS avec différentiel ayant pour fonction de géoréférencer les mesures effectuées. Un ordinateur PC de terrain permet de contrôler le bon fonctionnement du résistivimètre et collecte les informations en vue de leur traitement. Le premier essieu du multipôle ARP injecte le courant électrique dans le sol et les trois autres essieux enregistrent le potentiel résultant de l’injection du courant. Les trois essieux d’enregistrement sont situés respectivement à 0,50, 1 et 2 m de l’essieu émetteur, ce qui permet de collecter des informations sur une profondeur de sol variant entre 0 et 2 m. Les mesures ont lieu tous les 20 cm et le multipôle ARP peut être utilisé à une vitesse assez élevée.

Cet hiver, l’équipement tracté par un quad utilisé par les techniciens de la cave des Hauts de Gironde permettait d’effectuer la cartographie de 15 à 20 ha de vignes par jour (en parcourant tous les rangs). Le matériel n’occasionne aucune dégradation au niveau de la structure des sols lorsqu’il est tracté avec un quad équipé de pneus basse pression.

Des technologies de pointe dont le coût est devenu accessible

A l’issue de chaque journée de travail, les enregistrements des mesures de résistivité sont transmis par Internet à la société Géocarta qui les traite et établit une cartographie des sols. Tout le fondement de la démarche de cartographie réside sur les technologies utilisées pour le traitement des mesures de résistivité. Les ingénieurs de la société Géocarta ont développé un savoir-faire unique issu de technologies de pointe qu’ils continuent de faire progresser.

A l’origine, ce sont des partenariats scientifiques avec le Laboratoire d’hydrogéologie et de géophysique de l’université de Paris VI et avec le CNRS qui ont permis de construire la démarche globale de mise au point du système de mesures ARP et de traitement des données débouchant sur les cartographies de résistivité. La technique est complètement opérationnelle depuis 2002 et de nombreuses applications dans le domaine agricole et viticole en confirment l’intérêt. Les valeurs de résistivité enregistrées sur un terrain n’ont pas une correspondance directe et univoque avec un type de sol ou une texture. Par contre sur une parcelle donnée, les zones électriquement homogènes correspondent à des types de sols identiques. A l’inverse, des sols de natures identiques sur le plan pédologique mais provenant de parcelles différentes peuvent avoir des valeurs de résistivité différentes.

C’est pour cette raison que les responsables de la société Géocarta considèrent leur technique de mesures de résistivité comme un outil de zonage permettant de différencier au sein d’un parcellaire les zones homogènes des zones hétérogènes. L’approche ne se substitue pas aux études pédologiques mais elle représente un moyen d’en optimiser la mise en œuvre. Le coût des prestations des mesures de résistivité des sols est dépendant du degré d’implication des clients dans la mise en œuvre concrète des travaux d’enregistrement. Il peut être maximum (300 € ht/ha) si les ingénieurs de la société Géocarta réalisent eux-mêmes les enregistrements au vignoble avec du matériel très spécifique (un enjambeur pour vignes étroites) et minimum (50 € HT/ha) si le travail de mesure au champ est complètement pris en charge par le client avec un équipement standard (tracté par un quad est utilisé dans les vignes larges ou en grandes cultures).

L’initiative de la cave des Hauts de Gironde s’inscrit dans une volonté d’utiliser des moyens technologiques nouveaux et accessibles sur le plan économique pour connaître les potentialités des différents terroirs et aider les viticulteurs à mettre en œuvre les itinéraires culturaux adaptés à chaque situation.

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