Cahier des charges : le passage obligé

12 mars 2009

Après la crise de la vache folle en 1996, les éleveurs se sont retrouvés en première ligne sur le front de la certification. Il fallait à tout prix sé-cu-ri-sé le consommateur. Dans la filière porcine aujourd’hui, on estime à près de 60 % la production sous cahiers des charges. Exemple avec le Porc de la Frairie, un signe de qualité estampillé Poitou-Charentes.

photo_3514.jpgEmmanuel Fortin est installé depuis janvier dernier. Ses parents et lui possèdent un élevage de porcs à Ardilleux, petit village des Deux-Sèvres, à une dizaine de kilomètres de la Charente, côté Ruffec. Ils sont post-sevreurs-engraisseurs, c’est-à-dire qu’ils achètent les porcelets au sevrage, entre 3 et 4 semaines et les revendent comme porcs charcutiers*, à l’âge de six mois, quand ils pèsent autour de 110 kg. Avec leurs 6 000 à 6 500 porcs abattus par an (la production de 250 truies), ils font partie des élevages qui commencent à être spécialisés. A titre de comparaison, on considère comme « gros élevages » des ateliers de 1 000 truies, tels qu’il en existe en Bretagne. L’intégralité des 200 ha de céréales de l’exploitation passe dans l’alimentation animale. Sur la frontière entre le 16 et le 79, les Fortin père et fils adhèrent au groupement de producteurs Cap 16, la Coopérative agricole porcine de la Charente, basée à Saint-Yrieix près d’Angoulême. Ils livrent au groupement de producteurs la totalité de leurs porcs. Présidée par Marc Feugnet, de Rouillac, Cap 16 compte environ quatre-vingts éleveurs pour un volume de production de 120 000 porcs vendus par an à différents circuits.

La filière porcine Poitou-Charentes n’a pas attendu la crise de la vache folle pour mettre en place un système de certification. Pionnière dans la démarche, la région lance en 1992 le Porc de la Frairie, première marque collective de porcs certifiés en France (voir le témoignage de Marc Feugnet). Le cahier des charges « porc de Poitou-Charentes » constitue l’ossature de l’OP (l’organisation de producteurs). Viendront bientôt s’y greffer d’autres systèmes comme le Label rouge Limousin, la certification Jambon de Bayonne, celle de la VPF (Viande de porc française) correspondant au socle minimum de la NF (norme française) ou encore la FQC, Filière Qualité Carrefour, qualification maison de la grande enseigne de distribution. Emmanuel Fortin et ses parents produisent sous trois cahiers des charges distincts mais compatibles entre eux, Porc de la Frairie, Jambon de Bayonne et Qualité Carrefour.

Comme nombre de productions hors sol, la production porcine se caractérise par une vitesse de rotation élevée et une approche quasi « industrielle » de l’activité. A part les brefs moments de vides sanitaires, les bâtiments ne restent jamais inoccupés. Les porcs se suivent… et se ressemblent. C’est le cas à Ardilleux. En fonction des 3 000 places disponibles (2 100 places pour l’engraissement) et de la capacité des salles, une semaine, il rentre sur l’élevage une bande de 180 porcs, l’autre semaine 240 porcs. Et, à l’autre bout de la chaîne, sortent tous les jeudis soir entre 100 et 140 cochons. « Nous ne nous occupons jamais des cours, nous sommes obligés de vendre » relèvent les éleveurs. Le différentiel entre entrées et sorties s’explique par le phénomène du triage. Sur le quai de chargement, les porcs sont classés en trois catégories : les « têtes de lot », les plus gros, suivis des « deuxièmes positions » et enfin des petits derniers qui, eux, restent quinze jours de plus. Si la bande arrive d’un seul coup, elle ne repart pas d’un seul jet mais en deux ou trois fois.

La traçabilité sous forme de « fiches bandes »

Dans le système de certification, la traçabilité joue un rôle essentiel. Des « fiches bandes » accompagnent systématiquement les animaux à partir du moment où ceux-ci rentrent sur l’exploitation. Dans le système « Porc de la Frairie », Il existe deux types de fiches, relatives à chaque période d’élevage : une fiche post-sevrage couvrant 9 semaines et une fiche engraissement pour le reste du temps. A chaque salle correspond un lot et à chaque lot une fiche. Le changement de salle d’un lot donne lieu à établissement d’une nouvelle fiche, post-sevrage ou engraissement. Sur la fiche post-sevrage, l’éleveur va noter le lavage et la désinfection de la salle, la date d’arrivée des animaux, la provenance des porcelets, obligatoirement issus d’un élevage certifié, le n° du naisseur, la date de transfert vers l’engraissement… Sur les fiches d’engraissement figurent, entre autres renseignements, la date du dernier repas avant abattage, un repère très important car plus l’estomac a le temps de se vider, meilleure est la qualité. La mise à jeun est d’au minimum 12 heures et d’au maximum 20 heures. Les fiches doivent pouvoir être produites à n’importe quel moment. Elles sont tenues à la main car, officiellement, ce sont les fiches manuelles qui font foi. Par contre rien n’empêche l’éleveur d’effectuer un suivi technico-économique sur informatique. Qui dit enregistrement dit également conservation et classement de toutes les pièces : bordereaux de livraisons et documents sanitaires d’accompagnement, ordonnances, bons de livraisons des aliments… La plupart du temps les chauffeurs servent de vaguemestres. Ce sont eux qui sont chargés de remettre les documents à l’éleveur. Aujourd’hui l’époque est révolue où le bon traînait sous une tuile. Il a fallu du temps pour s’y habituer mais les réflexes sont acquis. L’éleveur conserve les pièces trois ans.

L’élevage est régulièrement contrôlé. Dans le cadre de la certification « porc de Poitou-Charentes », c’est l’interprofession régionale ARPPC (pour Association régionale porcine Poitou-Charentes) ou le groupement, également agréé comme organisme certificateur, qui les exécute. Le technicien visite l’élevage quatre fois par an et des contrôles inopinés sont diligentés par un organisme indépendant, Qualicert. Le droit d’investigation s’accompagne d’un risque de déférencement. Une exploitation mettant en œuvre plusieurs cahiers des charges allait-elle subir des contrôles à jet continu ? L’interprofession a réussi à lever la difficulté en proposant aux 5 ou 6 organismes certificateurs concernés de mutualiser le contrôle. En un seul passage, le technicien note sur une grille préétablie les différents points de contrôle relevant de chaque cahier des charges. Certaines régions n’en sont pas encore là et la situation est plus difficile à gérer.

Des garanties supplémentaires

Par rapport à la norme AFNOR qui constitue le socle minimum, l’idée du cahier des charges est de proposer des garanties supplémentaires. C’est le cas par exemple des règles « anti-stress » adoptées par le porc de Poitou-Charentes. On sait qu’un porc stressé aura une viande à pH bas (inférieure à 5,5) appelée viande PSE (pâle, molle, exsudive) ou encore viande « pisseuse ». C’est le cas de la côtelette qui perd son jus dans la barquette ou qui fond dans la poêle. Pour limiter ces risques, les éleveurs vont jouer sur les conditions d’embarquement des animaux, de préférence la nuit. Les porcs sont mis sur les quais de chargement vers 18 ou 19 heures pour un départ vers 4 heures du matin. Pour le jambon de Bayonne, le « plus » va tenir à des contraintes alimentaires (au moins 30 % de maïs voire 50 %) ainsi qu’au pH et à la température de la viande, appréciés à l’abattoir. Quant à la « Qualité Carrefour », elle est essentiellement liée à l’absence d’OGM dans l’alimentation. Le soja vient du Brésil et il est certifié sans OGM.

Quelle plus-value se dégage de ces différentes certifications ? Pour le Porc de la Frairie, la valorisation se situe entre 20 et 30 centimes du kilo, avec une dizaine de centimes en plus pour la certification Carrefour, censée prendre en charge une partie du surcoût liée au non OGM. Le jambon de Bayonne donne lieu à un bonus d’environ 15 F par jambon. Entre les plus-values liées à la certification et les plus-values techniques qui peuvent aller de 0,60 F à 1,50 F (classement des porcs selon le taux de muscle, le taux de viande…), un bon éleveur peut gagner jusqu’à 2 F de plus du kilo. Sur un marché très déprécié comme aujourd’hui, cela peut permettre de « pater ». Avec des certifications comme la FQC (filière qualité Carrefour), c’est aussi une source d’accès au marché. Un aspect non négligeable quand on sait que la grande distribution assure 80 % de l’écoulement de la viande de porc dans l’Hexagone.

(*) Porc charcutier : un porc élevé avec au minimum 60 % de céréales (blé, orge, maïs, escourgeon).

La France produit chaque année environ 26 millions de porcs. Le Poitou-Charentes représente un potentiel de 500 000 têtes dont presque 400 000 sous groupements de producteurs. Certifications et labels concernent environ 60 % de la production régionale, un chiffre sans doute assez proche de la tendance nationale.

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