Cueillez la grappe pendant qu’elle pend, on ne fait pas toujours vendange…

19 septembre 2023

Le retour du gout de crise ?

Les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Si la campagne 2022-2023 a déjà entamé le capital énergie des viticulteurs, ayant façonné un millésime parfois complexe à gérer à la vigne et nécessitant toujours plus de réactivité, ces derniers peuvent se satisfaire du travail accompli et de la tenue de leurs engagements en termes de production, avec un prévisionnel régional établi par l’interprofession du cognac à hauteur de 145 hl vol. par hectare, largement dans le scope du besoin en production figurant dans son Business Plan.

Pour autant, la vendange annoncée plus que généreuse n’est pas totalement à la fête. L’allégresse n’est pas de mise et le contexte économique de la filière, contrastant avec les fleurissantes dernières années, est aujourd’hui source d’inquiétudes profondes : peur des plantations réalisées et dont l’entrée en production est imminente ; peur d’une baisse trop soudaine des rendements, peur des pertes de revenus associées qui pourrait mettre en péril les exploitations ; peur du retour du gout de crise en somme.

Si ces inquiétudes ont été exprimées avec le sens de la formule à l’occasion de la réunion des vendanges de l’UGVC le 4 septembre dernier, elles sont par ailleurs partagées par le plus grand nombre au bout du rang de vigne. La salle pleine de ce 4 septembre en est un bon signal. Anthony Brun, président de l’UGVC, en avait bien pris la mesure. Rassurant dans ses propos, il renouvelle la confiance de la filière pour l’avenir, même si  prudence et adaptation sont aujourd’hui de mise. Dans ce contexte et si le rendement annoncé de 10,5 hl AP par ha est loin des niveaux de ces dernières années, il doit être abordé par la viticulture comme une opportunité de reconstituer de la réserve climatique, dont le niveau actuel d’environ 90 K hl AP est insuffisant.

L’heure donc d’épargner des eaux-de-vie pour les années où la nature sera moins généreuse…

À la rencontre des lecteurs du Paysan Vigneron

Cognac, pineau des Charentes et vins IGP Charentais sont bien plus que de simples boissons…. Histoire, art, tradition, leur culture et celle de la vigne ont traversé les siècles, rassemblant les hommes autour d’un lien indéfectible, aussi exigeant qu’épanouissant : le lien à la terre.

Et pour ceux qui partagent cette passion, il existe un rendez-vous presque séculaire : Le Paysan Vigneron. A l’aube de ses 100 ans, fêtés en 2025, mais aussi à l’aurore du renouvellement de toutes instances représentatives de la filière Cognac, nous vous invitons à découvrir nos lecteurs, vos pairs, pour mieux comprendre ce qui les anime, les inspire, les encourage, les inquiète aussi, tout en partageant avec nous leur attachement à la revue.

Ainsi et si le panel de lecteurs du Paysan Vigneron est aussi riche de diversité que les vins que ces derniers produisent, tous se retrouvent néanmoins autour d’un attachement, d’un engagement corps et âme pour cette filière, pour leurs vignes, membres à part entière de la famille, tant il est difficile d’ériger des frontières entre vie professionnelle et vie privée.

Car c’est ça aussi être paysan, un temps plein, 7j/7j, par moment 24h/24, fatiguant corps et âme (encore eux), mais quand on aime on ne compte pas, n’est-il pas ?

Et c’est à eux que nous avons voulu donner la parole. Chaque page de ce dossier, est alors une invitation à explorer la filière au travers de leur regard. Rencontrer les lecteurs du Paysan Vigneron, c’est donc découvrir un monde de passionnés, d’érudits et d’explorateurs. C’est découvrir des gens qui ont la vigne dans la peau, dans le sang, dans le cœur, et dont nous nous faisons modestement le relais, chaque mois, au fil de ces pages.  Et vous, quelle est votre histoire avec le Paysan Vigneron ? Qu’est-ce qui vous attire, vous intéresse et permet de maintenir ce lien, édition après édition ?

Le Paysan Vigneron profite de cet édito pour chaleureusement remercier Serge Zaka pour sa contribution à notre revue, mais aussi pour son soutien, son support et la qualité de nos échanges. Une belle rencontre…

 

La parole à Serge Zaka, ingénieur agronome, docteur en agroclimatologie et chasseur d’orages

Depuis les fondements de l’agriculture, l’Homme a su maîtriser la biogéographie de chaque espèce agricole. C’est-à-dire qu’il a implanté ses filières agricoles en cherchant un parfait équilibre entre les conditions climatiques, pédologiques, organoleptiques et économiques. C’est ainsi que les vignobles se sont installés en France, chacun caractérisés par un terroir et une Histoire.

Le climat se réchauffe. Il se réchauffe et fait évoluer avec lui les biogéographies. L’aire de répartition des espèces agricoles évolue et va continuer d’évoluer durant tout le XXIème siècle. Malgré sa résistance légendaire aux sécheresses et aux canicules, la vigne est également affectée : la hausse des températures a avancé les dates de vendanges de deux semaines en 50 ans, l’évolution des conditions climatiques durant la maturation ont fait évoluer les qualités organoleptiques des vins, la floraison est avancée d’une semaine malgré un risque de gel toujours présent, le mildiou explose lors de printemps pluvieux en étant favorisé par la hausse des températures, les chênes du Limousin utilisés pour la fabrication des tonneaux migrent vers le nord…

Malgré certaines années de canicules difficiles, le Cognac doit s’adapter et il s’adaptera. Le Cognac ne doit pas et ne disparaîtra pas avec le changement climatique. La vigne sera toujours là, présente dans les paysages, sûrement sous le chant des Cigales en 2070. L’évolution de la biogéographie contribuera à l’adaptation de nouveaux cépages. La hausse des températures et la baisse de l’indice hydrique des sols pendant la croissance des grappes contribuera à accélérer l’évolution des qualités organoleptiques. Le Cognac va inévitablement évoluer dans son goût, dans sa production et fatalement dans son cahier des charges. A plusieurs centaines de kilomètres de là, d’ici 2050, le chêne du Limousin, indispensable pour les arômes du Cognac, ne sera plus. Il faut anticiper sa migration en le plantant dès à présent plus au nord ou en altitude. Les maisons de Cognac doivent également suivre l’évolution de la biogéographie et explorer de nouvelles terres viticoles en Bretagne-est, Normandie, Hauts de France, Belgique et Angleterre-sud.

La viticulture a déjà fait face à de nombreuses crises économiques, sanitaires (phylloxera) et à deux guerres mondiales. Nos vignerons ont su s’adapter. Au- delà d’une menace, le changement climatique doit être vu comme une opportunité pour la vigne. Il s’agit d’anticiper. Anticiper le climat de 2050 pour mieux s’adapter.

Serge Zaka

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