Economie et Climat « au menu » des Vignerons Indépendants

11 mai 2011

La Fédération des Vignerons Indépendants des Charentes a tenu son assemblée générale il y a quelques semaines dans une ambiance à la fois sérieuse et conviviale. Le syndicat, qui compte 80 adhérents répartis dans les deux départements, fait preuve d’un certain dynamisme grâce à l’implication du conseil d’administration et aux infrastructures des instances locales et nationales des Vignerons Indépendants. Les débats ont porté à la fois sur des aspects économiques régionaux et nationaux et sur un volet technique consacré aux conséquences du réchauffement climatique.

 

 

giraud.jpgLa part de production commercialisée directement par les Vignerons Indépendants des Charentes représente de tous petits volumes de Cognac et des quantités un peu plus significatives de Pineau des Charentes et de Vins de Pays Charentais. Actuellement, 30 % des vendeurs directs de la région délimitée adhèrent aux « VI des Charentes » et chaque année, quelques nouvelles propriétés manifestent un réel intérêt pour la structure et la rejoignent. La taille modeste de ce syndicat est souvent jugée par certains professionnels peu représentative de l’univers viticole régional. Les responsables des VI des Charentes ont sur ce sujet un discours plein de bon sens : « C’est vrai, les volumes de Cognac commercialisés par les Vignerons Indépendants ne sont pas importants mais la structure depuis sa création gagne régulièrement des adhérents. Entre 1995 et 2005, la population totale de viticulteurs dans la région a diminué de 30 % alors que le nombre d’exploitations adhérentes aux Vignerons Indépendants a presque doublé. Cela signifie que le tout petit club créé à l’origine par quelques passionnés fait doucement son nid dans tous les cantons du vignoble de Cognac. » Au niveau de la fédération régionale des VI des Charentes, les démarches de services mises en place suscitent de plus en plus d’intérêts auprès des adhérents. Les achats groupés de produits de conditionnement (cartons neutres et personnalisés, étuis, coffrets…) et de locations de divers petits matériels (avineuse, système de marquage…) connaissent un réel développement.

Une approche plus globale de la gestion de leur activité

En l’absence de Christian Landreaud (pour raison de santé), le président sortant, Jean-Paul Giraud, a eu la charge de conduire l’ordre du jour de l’assemblée générale. Dans son discours, il a insisté sur la spécificité de l’entité Vignerons Indépendants des Charentes en tant que syndicat de métier qui nécessite un véritable savoir-faire global pour gérer l’organisation des démarches de production, administratives et réglementaires de la vigne au verre du consommateur. L’intégration des aspects commerciaux dans le métier de vigneron modifie la philosophie des producteurs de base et aussi l’organisation du travail dans les propriétés. Les valeurs d’authenticité et de terroir redeviennent une préoccupation essentielle et constituent généralement le fondement de la démarche de commercialisation. Toutes ces spécificités confèrent aux Vignerons Indépendants une approche plus globale de la gestion de leur activité. L’intégration des aspects commerciaux amène aussi ce petit syndicat régional à être une force de proposition pour défendre des spécificités et participer aux débats sur l’avenir de la région délimitée. L’environnement administratif et réglementaire occupe une place de plus en plus importante dans la gestion des propriétés, mais les structures humaines des exploitations ne sont que de toutes petites PME. J.-P. Giraud considère que l’organisation globale des propriétés doit concilier l’intégration de ces nouvelles tâches mais avec certaines limites : « Les propriétés sont aujourd’hui confrontées à l’intégration de nouvelles charges administratives parfois lourdes qui ne sont pas totalement en phase avec de toutes petites PME comme les nôtres. On ne doit pas crouler sous la paperasse sinon on risque de s’éloigner des aspects fondamentaux du métier. Faire de bons produits, faire du beau, donner du plaisir et du rêve aux clients et savoir vendre nos produits à leur juste prix c’est cela notre vrai métier. C’est aussi essentiel pour le long terme afin de préparer les nouvelles générations à s’intéresser au métier. »

Jean-Noël Collin honoré par les Vignerons Indépendants

collin.jpgLes membres du conseil d’administration ont souhaité rendre hommage à l’un de leurs représentants, Jean-Noël Collin, qui quitte ses fonctions pour cause de retraite. Ce viticulteur de Salles-d’Angles, qui commercialise du Pineau et du Cognac en bouteilles depuis le début des années 80, s’est beaucoup investi depuis 25 ans pour servir la cause des VI des Charentes. Il participa à la création en 1987 de la fédération au côté du président Guy Rousteau et de quelques autres viticulteurs pionniers. Les premières années, la structure qui regroupait seulement 20 adhérents disposait d’un budget très maigre. Le fonctionnement du syndicat reposait essentiellement sur le bénévolat des administrateurs qui assurait des permanences et prenait en charge tout le travail administratif. Cette phase de construction des VI dans la région a duré presque 10 ans et J.-N. Collin a fait preuve pendant cette période d’un grand dévouement. J.-P. Giraud a tenu à saluer son sens des responsabilités, sa volonté permanente de défendre la cause des VI, son humanité et ses capacités d’écoute et de concertations qui furent appréciées de tous les viticulteurs. Devenu à son tour président des VI des Charentes en 2003, il a continué à faire preuve de la même implication pour défendre le métier de vigneron du raisin au verre du consommateur. J.-N. Collin est aujourd’hui un acteur respecté du petit univers des Vignerons Indépendants des Charentes et ils lui souhaitent de profiter pleinement de sa retraite.

Les Stocks de compte 10 seront-ils suffisants pour alimenter les débouchés dans 10 ans ?

L’environnement économique actuel de la région délimitée a été aussi au cœur des débats des Vignerons Indépendants. L’essor des ventes de Cognac dans le monde est un sujet de satisfaction pour tous les acteurs de la région délimitée et J.-P. Giraud souhaite que cette période faste profite aux métiers de base : « Il ne faut pas perdre de vue que nous produisons la plus belle eau-de-vie du monde et la conjoncture actuelle est porteuse pour notre produit. Le Cognac a actuellement le vent en poupe et il faudrait profiter de cette conjoncture pour promouvoir les métiers de base de notre filière, la vigne, le terroir et le stockage des eaux-de-vie. L’augmentation constante des ventes de Cognac VSOP et XO est un sujet de préoccupation pour l’avenir. Aurons-nous, dans 5 ou 10 ans, les stocks suffisants de belles eaux-de-vie de compte 10 pour alimenter ces débouchés. Les difficultés économiques de la dernière décennie et les exigences de rentabilité économique actuelles au niveau des propriétés ont profondément modifié les démarches de stockage. Aujourd’hui, la grande majorité des bouilleurs de cru stockent jusqu’en comptes 1, 2 ou 3 mais pas au-delà. Les charges financières inhérentes à des portages longs, la fiscalité sur les stocks et des niveaux de valorisation actuels trop modestes n’incitent pas à pousser le vieillissement plus loin en comptes 6 ou 10. C’est une situation préoccupante dans une période où les ventes de qualités commerciales VSOP et XO progressent plus vite que celles des qualités VS. Redonner aux bouilleurs de cru les moyens d’épargner 10 à 20 % de leur production pour faire des comptes 10 de qualité est sûrement un gage de stabilité pour l’ensemble de la filière régionale. La création en 2010 de la Réserve de Gestion est une première initiative positive mais il faut aller plus loin, notamment sur les aspects de fiscalité des stocks. Il est d’ailleurs assez paradoxal d’observer que cette idée de laisser la possibilité aux viticulteurs de porter un stock à long terme (bloqué jusqu’en comptes 4 ou 6) avait été proposée par les Vignerons Indépendants des Charentes en 2002, à l’époque où la QNV Cognac n’était que de 6 hl/ha. Les responsables syndicaux qui aujourd’hui en revendiquent la paternité avaient jugé cette proposition à l’époque inégalitaire et irréaliste. » L’autre sujet sensible du moment est bien sûr la libéralisation des droits de plantation. Les Vignerons Indépendants qui sont d’ardents défenseurs du terroir sont bien sûr attachés au maintien du système de droits de plantations rattaché à chaque exploitation. En Charentes, l’effet des surplantations du début des années 70 a laissé un très mauvais souvenir à beaucoup de viticulteurs. Il a fallu presque 20 ans pour apurer les conséquences des surfaces excédentaires. Laisser de nouveau se planter 10 000, 20 000 ou 30 000 ha de plus ne conduirait-il pas à reproduire la même erreur ? Les VI des Charentes le pensent ! L’intervention de Thomas Montagne, le vice-président des Vignerons Indépendants de France, est venue conforter cette prise de position. Il a indiqué qu’une mobilisation importante était mise en œuvre sur ce sujet par les Vignerons Indépendants de France auprès des responsables nationaux et européens de ce dossier.

Quelle sera l’incidence du réchauffement climatique sur la qualité des productions ?

goutouly.jpgLes aspects qualitatifs des productions de la région sont aussi une préoccupation très importante pour les Vignerons Indépendants qui fondent leurs démarches commerciales sur les qualités de leur terroir et la typicité des productions. L’incidence de l’évolution climatique sur les caractéristiques des différentes productions est déjà perceptible depuis une dizaine d’années. Lors de cycles végétatifs précoces comme 1989, 1990, 2003 et 2005, les raisins ont atteint des niveaux de maturité exceptionnels qui ont eu une incidence sur la typicité des vins, des Pineaux et des eaux-de-vie. L’intervention de Jean-Pascal Goutouly, un ingénieur de l’INRA de Bordeaux, a permis à la fois de confirmer le phénomène et d’appréhender les différents scénarios de changement du climat pour le siècle à venir. Le développement de l’activité industrielle et humaine dans de nombreux pays du monde a eu une incidence indiscutable vis-à-vis du réchauffement climatique. Certains indicateurs liés à la pollution comme les émissions de gaz carbonique et de méthane ont connu une augmentation spectaculaire depuis 1850, + 40 % pour le premier et + 150 % pour le second. 2010 est l’année la plus chaude depuis 1850, suivie de 1998 et de 2005 et dans notre région, le réchauffement climatique est nettement perceptible. Les données climatiques des stations météorologiques de Saintes et de Cognac montrent que les températures moyennes annuelles sont en hausse significative et toutes les saisons sont concernées par cette augmentation.

Une phase de réchauffement plus marquée depuis 1980

tbleau_temp_saintes.jpgDepuis 1980, le cycle de réchauffement est entré dans une phase beaucoup plus perceptible avec une hausse de 1 °C à Saintes et de 0,8 °C à Cognac des températures moyennes glissantes. L’impact de cette augmentation se traduit de façon identique sur les températures minimales et maximales. Le nombre de jours de canicule (températures supérieures à 35 °C) a aussi augmenté en moyenne depuis le début des années 80. Les températures maximales glissantes au mois d’août au cours des trente dernières années ont progressé de 2 °C sur le poste météo de Cognac et de 1,8 °C à Saintes. A l’inverse, le nombre de jours de très faibles températures (inférieures à – 5 °C) a aussi nettement diminué au cours des 20 dernières années. Les risques de gel de printemps diminuent, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’existent plus. Les données concernant les pourcentages de nombre total de jours de gel en mars et avril sur la station météo de Saintes témoignent de cette évolution. Dans la période 1968-1987, trois jours de gel étaient observés en moyenne chaque année durant le mois d’avril alors que dans la période 1988-2007, ce niveau de risque n’est plus que 1 jour.

Cela ne signifie pas pour autant que les risques de gel sont moindres car les débourrements interviennent aussi plus tôt en saison comme en témoignent par exemple des cycles végétatifs comme 2003, 2005 et 2010.

Le vignoble de Cognac confronté à terme à un climat tempéré chaud

tbleau__gel.jpgToutes les plantes ont besoin d’une certaine quantité de chaleur pour accomplir leur cycle végétatif et une plante pérenne comme la vigne représente un marqueur de l’évolution au travers des différents stades de son développement. Les stades phénologiques de la vigne sont dépendants des cumuls de niveaux de températures de l’air ambiant, et c’est particulièrement perceptible au niveau du débourrement, de la floraison, de la véraison et des dates de vendanges. Le développement de l’indice héliothermique d’Huglin permet de caractériser le climat de chaque région viticole. Il comptabilise la quantité de chaleur reçue par la vigne entre le 1er avril et le 30 septembre. Depuis un siècle, le calcul de l’indice d’Huglin à partir des données météo de Saintes et de Cognac met en évidence que le climat tempéré frais a évolué vers un climat tempéré dans les années 80. La poursuite de la séquence des dernières années encore plus chaudes pourrait conduire notre région à être confrontée à un climat tempéré chaud. L’année 2009 a même été classée dans la catégorie climat chaud et d’ici quelques décennies, des cycles végétatifs de ce type pourraien t se produire tous les 2 à 3 ans.

Les viticulteurs perçoivent pleinement les conséquences de l’évolution climatique depuis une à deux décennie avec des dates de vendanges nettement plus précoces (presque deux semaines d’avance par rapport au début des années 70) et des niveaux de richesse en sucres des raisins d’Ugni blanc bien supérieurs. L’augmentation des températures s’est nettement accélérée dans la région de Cognac depuis le début des années 80 et aucun élément ne permet actuellement d’envisager une remise en cause de cette tendance pour le siècle à venir.

Un réchauffement de 1,5 à + 4 °c d’ici la fin du siècle

indice_dhuglin.jpgJ.-P. Goutouly, dont une partie de la réflexion s’appuie sur les études du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), considère que la poursuite de l’émission des gaz à effet de serre au rythme actuel ou même à un rythme un peu plus élevé pourra accentuer le réchauffement d’ici la fin du XXIe siècle d’une façon alarmante. Différents scénarios de l’évolution climatique ont été développés en tenant compte de l’importance du niveau de pollution. Dans le cas de figure le plus optimiste avec une réduction significative des émissions polluantes, le réchauffement d’ici 2100 serait limité à 1,5 °C, ce qui est déjà considérable. A l’inverse, si aucun effort au niveau mondial n’est réalisé pour limiter la pollution, le réchauffement climatique d’ici 2100 serait de plus 3 °C et peut-être 4 °C.

La limite nord de culture de la vigne sera repoussée de plusieurs centaines de kilomètres, et l’Angleterre et la Belgique deviendront peut-être de nouvelles zones de productions viticoles. Les impacts du changement climatique sur le vignoble charentais vont donc s’amplifier dans les décennies à venir. Des débourrements à la mi-mars, des dates de floraison encore plus précoces par exemple fin mai, des vendanges à la fin août seront peut-être des conditions de production courantes en 2050. Cette échéance peut paraître lointaine mais, dans la réalité, elle ne l’est pas puisqu’une partie des greffés soudés mis en terre il y a quelques semaines seront encore en pleine production. Face à cette évolution, les agronomes et les chercheurs réfléchissent aux pistes pour minimiser l’impact du réchauffement sur les vignes. La recherche de nouveaux clones plus tardifs (produisant des vins plus acides), de cépages supportant les conséquences du réchauffement, de systèmes de conduites limitant l’incidence du réchauffement sur les raisins ; bref, le chantier est énorme.

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Le Nouveau Conseil d’Administration Des VI Des Charentes
Président : Gérard Simonnot – Vice-présidents : Jean-Pierre Fillioux, Dominique Barribaud – Trésoriers : François Giboin, Emmanuel Février – Secrétaires : Claude Thorin, Alain Gousseland.
Autres administrateurs – Responsables commission relations publiques : Paul-Jean Giraud, Pierre Julliard – Responsables commission syndicale : Dominique Barribaud, Emmanuel Février – Responsable commission actions des Vignerons Indépendants des Charentes : Jean-Pierre Fillioux – Responsable commission environnement, qualité, formation : Francis Motard – Responsables commission manifestations extérieures, commissions achats et fournitures : Jean-Pierre Grateaud, Alain Gousseland – Responsables commission communication : Line Sauvant, Marie-Claude Desrentes.
Ludovic Egreteau, Pierre Julliard, Christian Landreau, Thierry Pouilloux, Jacques Petit (stagiaire).

 

 

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