Décrypter les décisions de traitements de chaque propriété

10 juin 2015

Conduire la protection des vignobles en minimisant l’utilisation des intrants phyto-sanitaires est devenu, au cours des dernières années, un challenge technique prioritaire pour les chercheurs, les techniciens de terrain et les viticulteurs. Dans les propriétés qui ne s’engagent pas dans des itinéraires culturaux de type biologique ou en biodynamie, la seule alternative réaliste réside dans un engagement dans des pratiques de lutte raisonnée efficaces. L’équipe IFV Charentes-Cognac travaille depuis 2009 sur le dévelop-
pement de méthodes d’aides à la décision intégrant les contraintes opérationnelles des exploitations viticoles.

 

 

La mise en œuvre du plan Ecophyto a été un événement important pour la filière de production viticole en raison de l’objectif de réduction d’utilisation des intrants phyto-sanitaires de 50 % d’ici 2018. Une telle pers-pective d’évolution des pratiques de protection du vignoble a interpellé beaucoup de vignerons dans toutes les régions viticoles. Malgré leur volonté de mieux raisonner la mise en œuvre des traitements, cet objectif leur paraissait irréaliste. Par contre, ils ont aussi mal vécu d’être perçus comme « des sur-consommateurs d’intrants phytosanitaires », d’autant que beaucoup d’entre eux considèrent que la réalisation des traitements n’est pas une intervention plaisante. C’est seulement un acte indispensable pour protéger le potentiel de production et leur revenu.

Le plan Ecophyto est à l’origine de nouvelles actions de recherche et d’expérimentation

L’un des effets bénéfiques du plan Ecophyto a été de relancer au cours des cinq dernières années la dynamique de ré-flexion et les recherches sur toutes les pratiques tendant à réduire l’utilisation des intrants (phytosanitaires et fertili-sants). Les viticulteurs, les techniciens de terrain, les chercheurs travaillent déjà sur de nombreux sujets et les premiers résultats de tous ces efforts commencent à porter leurs fruits. L’essor des outils de travail mécaniques du sol, l’intérêt autour des tunnels de pulvérisation confinés, un retour aux fondamentaux de l’agronomie, le développement des itinéraires de production en agrobiologie, en biodynamie, l’engagement de plus en plus fort des viticulteurs conventionnels dans les démarches de lutte raisonnée, les efforts de recherches et d’expérimentation pour valider des pratiques plus respectueuses ne sont pas le fruit du hasard. Une véritable prise de conscience s’est enclenchée. Néanmoins, l’une des difficultés est d’intégrer cette évolution dans la gestion économique des propriétés viticoles, qui est très dépendante des débouchés commerciaux.

Concilier la réduction des intrants aux réalités économiques des propriétés

Les réalités de la mise en œuvre de la protection phytosanitaire dans la majorité des propriétés viticoles sont corrélées à plusieurs éléments : l’incidence de la climatologie sur le développement des mala-
dies et des ravageurs, la superficie de chaque exploitation, les disponibilités en main-d’œuvre et l’équilibre économique des PME viticoles. Peut-on du jour au lendemain réduire de moitié la protection de son vignoble sans prendre de risque ? Cela paraît très difficile à envisager sauf peut-être durant quelques rares millésimes très peu propices aux parasites. La plupart des propriétés ne peuvent plus aujourd’hui se permettre d’avoir des niveaux de rendements bien inférieurs à la moyenne, sauf si la valorisation des produits est nettement supérieure. Seuls les crus réputés de Bourgogne, les crus classés et les châteaux de référence du Bordelais et d’autres grands domaines en France valorisant très bien leurs produits possèdent des moyens économiques très conséquents pour s’engager sans prendre de risques financiers dans des démarches de protections du vignoble à faibles niveaux d’intrants. Au sein de ces entités viticoles à fortes valeurs ajoutées, produire « propre », s’engager dans le bio, dans la biodynamie est même devenu un argument marketing presque incontournable. Dans les propriétés valorisant de façon normale leurs productions, revenir à des itinéraires culturaux en bio représente une prise de risque financière réelle. 80 à 90 % du vignoble français doivent faire preuve de pragmatisme économique dans la gestion technique des itinéraires culturaux, dans la maîtrise des coûts de production et dans la constance des niveaux de productivité.

Des débats trop passionnés et pas toujours constructifs

Les débats entre viticulteurs biologiques et conventionnels sont trop souvent emprunts de passions et de convictions respectives qui peuvent nuire à la qualité des échanges. Les démarches de lutte raisonnée et intégrée sont sans aucun doute une voie mé-
diane porteuse d’avenir mais, faute de reconnaissance officielle (pas de label), elles ont été banalisées. Dans le vignoble de Cognac comme dans les appellations génériques du Bordelais, les pratiques de protection du vignoble raisonnée connaissent un réel développement et de plus en plus de viticulteurs ont la volonté de produire en respectant l’environnement. On observe aussi une forte évolution des pratiques culturales avec le net recul du désherbage chimique en plein des parcelles au profit d’un mixte enherbement et travail mécanique. L’absence d’observations phytosanitaires et agronomiques précises sur l’incidence d’itinéraires culturaux de type biologique, raisonné et conventionnel nuit réellement à la mise en œuvre d’un débat apaisé et d’un dialogue constructif sur un sujet majeur.

Des données fiables issues d’une expérimentation de longue durée dans le Beaujolais

La publication récente par les équipes de l’IFV et de la Sicarex du Beaujolais de travaux scientifiques sur ce sujet permet d’obtenir pour la première fois des données fiables et indépendantes de toutes autres contingences. La recherche a été mise en place dans le vignoble du Beaujolais dans une parcelle de gamay conduite avec des objectifs de production propres à cette région. Les résultats de cette expérimentation de longue durée (sur 11 ans) mettent en évidence des différences de comportement agronomique et de productivité plus ou moins marquées entre les trois systèmes de production en biologie, en raisonné et en conventionnel. Les écarts de rendement entre la modalité en viticulture biologique et les démarches raisonnées et conventionnelles ont été précisément quantifiés sur une longue période, ce qui les rend difficilement contestables. La parcelle de gamay conduite en agrobiologie décroche en productivité assez nettement, avec bien sûr des amplitudes plus ou moins fortes les années de forte pression mildiou. Le contexte de cette expérimentation est certes très différent de celui de l’ugni blanc en Charentes, mais les conclusions ne peuvent pas laisser indifférent.

Un contexte de production et une climatologie propices au parasitisme et favorables à l’innovation

Le climat océanique plutôt humide et frais durant les cycles végétatifs dans les vignobles de Cognac et du Bordelais favorise le développement d’un complexe parasitaire large au niveau des maladies et des ravageurs.

La pression parasitaire d’oïdium, de mildiou, de botrytis… peut engendrer des pertes de récolte. La croissance de la flore d’adventices souvent forte au début du printemps et en début d’été entraîne en cours de saison des effets de concurrence vis-à-vis des réserves hydriques.

Les exigences de productivité élevées dans la région de Cognac et la présence d’un cépage conduit de manière vigoureuse rendent le contexte de production charentais plus sensible et plus réceptif à certaines maladies (le mildiou, l’oïdium). Dans un tel environnement de production, l’engagement dans des démarches de réduction d’utilisation des intrants phytosa-nitaires doit être abordé avec beaucoup de sérieux et de prudence.

Ce constat, partagé par beaucoup de techniciens, n’a pas rebuté François-Michel Bernard, l’ingénieur chargé de la protection du vignoble à la station IFV Charentes. La spécificité du contexte de production du vignoble de Cognac l’a amené à penser que des itinéraires de production économes en intrants phytosanitaires pouvaient être testés et développés en faisant preuve de sens de l’innovation.

Éclairer les règles de décision du déclenchement des traitements

Le dossier Ecoviti Charentes-Cognac, piloté par l’IFV Charentes, est une déclinaison expérimentale du programme Ecophyto 2018 (Dephy-Expe) dédié à la conception de systèmes de production innovants.
F.-M. Bernard a décidé de développer dans le cadre du projet Ecoviti un axe de recherche sur des itinéraires de production économes en intrants : « Il nous a paru intéressant d’essayer de mettre au point des systèmes de culture économes en intrants qui soient en phase avec le contexte de production de la région de Cognac (rendements élevés, TAV limités et qualité de raisins irréprochables). Le vignoble à faible densité, souvent vigoureux, doit produire des quantités de raisins importantes. Les actions de lutte raisonnée menées depuis une quinzaine d’années dans la région ont déjà permis aux viticulteurs de mieux maîtriser la protection du vignoble. C’est en faisant ce constat avec mon collègue Alexandre Michez que nous avons eu l’idée de tester des itinéraires techniques associant plusieurs outils d’aide à la décision déjà existants. Pousser une démarche expérimentale jusqu’à prendre le risque de la rupture est toujours très intéressant pour justement comprendre les causes des phénomènes de rupture. Notre souhait était d’explorer une piste différente de celles travaillées par nos collègues des chambres d’agriculture et de la Station Viticole. A l’IFV Charentes-Cognac, nous avons choisi d’éclairer les règles de décision qui conduisent à déclencher les traitements. Le dossier a été construit et déposé au cours de l’année 2012, et l’expérimentation a commencé en 2013 sur une parcelle de vigne du lycée Félix-Gaillard à Salles-de-Barbezieux. »

Une expérimentation implantée dans le vignoble du lycée de Barbezieux

L’équipe de l’IFV Charentes-Cognac a décidé d’implanter la nouvelle expérimentation sur l’optimisation des règles de décision qui conduisent à déclencher les traitements dans une parcelle à la fois sensible au mildiou et à l’oïdium. L’essai du lycée de Barbezieux est implanté dans une parcelle d’ugni blanc de 8 à 10 ans, de 1 ha 30, semi-large (2,50 m X 1,20 m), palissée, dont la maîtrise de la protection du vignoble s’est avérée plus difficile. La parcelle en pente présente à sa base une mouillère souvent propice au développement du mildiou et la proximité des bois sur le côté la rend aussi sensible à l’oïdium. L’équipe de l’IFV Cha-
rentes a déjà travaillé sur ce site depuis 2012 dans le cadre de diverses actions de recherches : Optidose, l’agrométéo de précision… Les observations réalisées depuis plusieurs années ont mis en évidence qu’il existait dans cette parcelle un gradient de productivité et de sensibilité aux parasites. F.-M. Bernard a mis en place la démarche expérimentale en tenant compte des objectifs de production élevés de la région de Cognac : « Dans certaines régions viticoles, on tente de réduire la sensibilité au mildiou et à l’oïdium en limitant les rendements. Parfois, de légères pertes de récolte sont tolérées, ce n’est pas du tout le cas en Charentes. Les objectifs de production doivent concilier rendements élevés et qualité des raisins. L’expérimentation a été conduite en ayant le souci de répondre aux exigences de production actuelles de la filière Cognac : un rendement de 12 hl d’AP/ha en réduisant si possible les consommations d’intrants de 50 % selon les années. Le respect des principes de qualité de la vendange en termes d’état sanitaire, de niveau d’acidité et de titre alcoométrique pour la production de vins de distillation a été intégré au cahier des charges de l’expérimentation. Les conditions de fortes sensibilités de la parcelle et la présence de personnel salarié sur l’exploitation du lycée confèrent à ce site des conditions très représentatives des réalités des propriétés viticoles de la région. »

Les mécanismes des règles de décision du déclenchement d’un traitement indissociables de l’effet propriété

p29.jpgLa décision de mettre en œuvre ou pas un traitement est liée à divers éléments indissociables : l’état sanitaire du vignoble, la juste évaluation des niveaux de risque, la climatologie passée, les prévisions météo à venir et les contraintes d’organisation propres à chaque exploitation viticole. Ces éléments ont été « décortiqués » par l’équipe de l’IFV Charentes-Cognac pour en extraire les mécanismes de décision qui interviennent dans la décision de traitements. F.-M. Bernard tient un discours responsable, fondé sur la valorisation par l’innovation des démarches de raisonnement existantes : « Aller plus loin dans l’étude des mécanismes intervenant dans la décision de déclencher un traitement nous paraît être une voie médiane plus cohérente que les approches extrêmes de maxi-protection ou à l’inverse du zéro protection. C’est un moyen de pousser plus loin les démarches de lutte raisonnée actuelles qui tiennent compte du contexte de production de chaque propriété. » Au niveau des maladies de la vigne, les axes de la lutte fongicide mildiou et oïdium ont été testés dès 2009 et mis en application en grande parcelle au LEPA de Barbezieux.

Des leviers agronomiques pour réduire la sensibilité de la parcelle

p30.jpgLa parcelle jeune et vigoureuse et son environnement proche (la proximité des bois) rendent le site naturellement plus réceptif au développement de la plupart des maladies. L’approche de maîtrise de la protection du vignoble englobe un axe d’agronomie pour piloter judicieusement l’entretien des sols et la productivité de la parcelle. Le souhait des techniciens de l’IFV Charentes-Cognac dans cette parcelle expérimentale est en quelque sorte de « maintenir » la vigueur de la parcelle tout en réduisant la sensibilité au parasitisme. À l’origine, les inter-rangs étaient enherbés et cultivés mécaniquement une allée sur deux et le dessous des rangs était désherbé chimiquement. À partir du printemps 2013, l’enherbement naturel a été généralisé à l’ensemble des allées et la pratique du désherbage sous le rang a évolué. Au printemps, un désherbage chimique avec uniquement un herbicide foliaire a été appliqué et, par la suite, un travail mécanique avec des lames interceps (outil utilisé en Cuma) est effectué. Cette approche a donné des résultats corrects jusqu’à la mi-juillet et ensuite pas totalement satisfaisants en fin d’été. Après le passage des lames interceps en fin de saison, les pluies d’août ont favorisé une reprise partielle de l’herbe et un développement de la flore d’adventices à l’approche des vendanges. Pour l’année 2015, une évolution de l’outil utilisé pour travailler le sol est envisagée pour bien détruire le couvert végétal et non pas seulement le déplacer. Un apport de fumure azotée de 50 unités avait initialement été prévu pour éviter un effet dépressif de l’enherbement sur la vigueur. Cet apport n’ayant pas pu être réalisé, la vigne n’a pas exprimé totalement son potentiel en 2014 (rendement 2013 : 12,5 hl AP/ha ; rendement 2014 : 11 hl AP/ha). L’état sanitaire du feuillage et des grappes était très bon dans la modalité traitée. Par contre, dans le témoin non traité, les pertes de récolte ont atteint plus de 50 % en 2014 et plus de 80 % en 2013.

Des outils d’aide à la décision et des moyens d’observation de plus en plus localisés

Les démarches de raisonnement et d’optimisation de l’utilisation des intrants phytosanitaires déployées depuis une quinzaine d’années en vigne reposent sur des compétences humaines, des outils d’aides à la décision et des moyens d’observations désormais pleinement opérationnels. Les modèles ont fait l’objet de développements qui ont permis de les rendre opérationnels auprès des techniciens de terrain. Les modèles mildiou, oïdium, Optidose, les prévisions météo sont devenus des outils d’aide à la décision indispen-sables pour apprécier les niveaux de risque et proposer des modulations d’applications des traitements à l’échelle de territoires viticoles identifiés et de plus en plus locaux. Dans toutes les régions viticoles, ont été mises en place des démarches de suivis techniques de la protection du vignoble gérées par les techniciens des chambres d’agriculture et de la distribution. Des réseaux d’observations locaux fonctionnant à partir des relevés et des prévisions météo, de la modélisation et des suivis de parcelles témoins non traitées permettent aux techniciens d’apprécier l’état des lieux de la situation parasitaire et de réaliser des simulations de son évolution durant tout le cycle végétatif. Les conclusions de tout ce travail sont diffusées chaque semaine auprès de groupes de viticulteurs issus de territoires viticoles bien identifiés (20-30 km2). Le capital de connaissances sur les risques parasitaires est aujourd’hui maîtrisé et piloté par les techniciens, mais l’effet exploitation n’est pas réellement intégré à cette démarche. Or l’agrandissement des structures viticoles dans la région de Cognac engendre des contraintes d’organisation dans la mise en œuvre des traitements dont il faut bien appréhender l’importance.

Les éléments opérationnels de chaque exploitation s’avèrent déterminants

F.-M. Bernard considère que la conception des nouveaux outils d’aide à la décision des traitements devra intégrer un transfert au niveau du terrain à l’échelle de l’exploitation : « La gestion du risque parasitaire doit faire l’objet de vrais débats entre les techniciens et les viticulteurs pour optimiser la réflexion traitement (choix du produit, de la dose, de la cadence, de la date) au contexte de l’exploitation. La réflexion nécessaire à la prise de décision du déclenchement d’un traitement était jusqu’à présent fondée sur deux éléments : la prise en compte de l’état des lieux de la situation parasitaire et une interrogation sur les scénarios de son évolution dans les 10 ou 15 jours. Dans cette réflexion de décision de traitement, inclure les éléments liés à la structure opérationnelle de l’exploitation, la réactivité, les disponibilités en personnel, le temps global pour protéger le vignoble, le matériel utilisé, les contraintes économiques… nous paraît être souhaitable. C’est un atout supplémentaire pour aller plus loin dans le raisonnement de la lutte contre les principales maladies. La méthode permet de tirer le meilleur profit des outils d’aide à la décision existants. Les notions de conseils de groupes et de conseils individualisés restent essentielles et complémentaires mais, au final, les effets exploitant et propriété s’avèrent déterminants. Notre démarche d’essais au lycée de Barbezieux s’inscrit dans cette logique. » L’expérimentation, qui a commencé en 2013, a permis de formaliser deux process décisionnels des règles de déclenchement des traitements, l’un consacré au mildiou et l’autre à l’oïdium.

Le « prototype » de nouvel outil d’aide à la décision mildiou testé depuis 2 ans

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La réflexion au niveau du mildiou est corrélée à la biologie du champignon durant chaque cycle végétatif. Les épidémies de mildiou commencent toujours par des contaminations primaires qui représentent en quelque sorte le top départ du premier cycle infectieux. Les résultats de ce travail ont débouché sur deux process : un premier dédié aux règles de décision pour la mise en œuvre du premier traitement anti-mildiou, et un second pour les règles de décision du renouvellement de la protection tout au long de la saison. Les deux schémas ci-après présentent les modules de raisonnement qui pour l’instant restent dans une phase de validation expérimentale. Le process de règle de décision du premier traitement anti-mildiou différencie nettement les informations propres à l’exploitation (maturité des œufs d’hiver, contaminations primaires, niveau de pluviométrie) des approches extérieures concernant l’ensemble d’un territoire viticole. Cela débouche sur une évaluation du risque au niveau du site de production qui constitue l’élément déclencheur de la protection anti-mildiou. Par la suite, le renouvellement de la protection repose sur l’appréciation du niveau de risque sur le site de production. Le process de règle de décision des traitements fonctionne en proposant systématiquement trois scénarios d’échelle de risque : faible, moyen et fort. La réflexion de pilotage des traitements permet à la fois de moduler le choix des modes d’action des fongicides et leurs doses d’utilisation. La prise en compte des prévisions météorologiques pour les 10 jours à venir du niveau de pression parasitaire constaté sur le site de production, de la pression parasitaire locale et des contraintes de mise en œuvre des traitements de l’exploitation conduit à nourrir l’évaluation du risque mildiou à venir qui conditionne directement la décision de traitement. F.-M. Bernard et A. Michez considèrent que les approches de règles de décision des traitements anti-mildiou présentées dans les schémas joints sont des prototypes d’outils de réflexion dont la conception et le fonctionnement ont encore besoin d’être affinés. L’expérimentation dans la parcelle du lycée de Barbezieux conduite durant les cycles végétatifs 2013 et 2014 a permis de construire les fondations d’un process de règle de décision des traitements anti-mildiou et anti-oïdium. Ce produit dans sa forme actuelle est un « prototype » d’outils d’aide à la décision de nouvelle génération. Il conviendra de finaliser son développement dans les années à venir avant de proposer un module directement accessible aux viticulteurs.

Une étude sur l’oïdium indissociable du mildiou

L’équipe de l’IFV Charentes-Cognac a aussi travaillé sur l’oïdium dont l’agressivité au cours des dernières années a été plus marquée. La parcelle d’essais de Barbezieux s’avère sensible à la maladie. Dans l’expérimentation, la stratégie de lutte a été abordée en couvrant sans faille la période de sensibilité. Les traitements ne commencent pas avant le stade 8 feuilles étalées (boutons floraux séparés) et se terminent à la pleine fermeture de la grappe. Certaines années, la floraison s’étale et ne se déroule pas bien (millerandage), ce qui engendre une phase de fermeture de la grappe plus longue. Le rallongement de la couverture pour protéger les baies les plus en retard peut nécessiter la mise en œuvre d’un traitement supplémentaire. Les applications sont renouvelées en tenant compte des cadences d’application des produits. Les niveaux de risque oïdium issus de la modélisation en début de campagne sont utilisés pour caler les doses de fongicides utilisées lors des trois, quatre ou cinq trai-tements. Le process de règle de décision du renouvellement des traitements oïdium a été établi en tenant compte du niveau de risque constaté sur le site de production. Les situations de risque faible, moyen et fort permettent de seulement moduler les doses des traitements. En présence de risque fort, le T2 qui couvre la pleine floraison aura une importance capitale et sera appliqué pratiquement à dose pleine. À l’issue des deux années d’expérimentation, le process de décision des traitements anti-oïdium reste un outil d’aide à la décision expérimental dont il conviendra, dans les années à venir, de finaliser le développement. Par contre, le fait d’avoir développé les deux démarches expérimentales (mildiou et oïdium) de façon conjointe correspond à une attente des propriétés viticoles de notre région où la réalisation des traitements de la fin mai à la mi-juillet concerne systématiquement les deux maladies.

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Bibliographie :
− IFV Charentes-Cognac
– IFV Bourgogne-Beaujolais-Jura-Savoie.
− Office national des eaux et des milieux aquatiques.
− Ecophyto Déphy.
− LEPA de Barbezieux.

Trois itinéraires culturaux conventionnel, raisonné, biologique, comparés pendant 11 ans dans le Beaujolais

p281.jpgp28b.jpgLes équipes de l’IFV et de la Sicarex du Beaujolais ont mis en place une expérimentation comparant entre 2003 et 2013, dans une parcelle de gamay, l’impact phytosanitaire et agronomique de trois itinéraires culturaux : un conventionnel, un raisonné et un biologique. Les résultats démontrent que, dans l’ensemble, les maladies et ravageurs ont été globalement bien contrôlés dans toutes les modalités avec toutefois des pertes de rendements conséquentes liées au mildiou pour l’itinéraire biologique les années de fortes pressions. Des années comme 2007, 2008, les dégâts sur grappes avaient atteint une intensité de plus de 40 % dans la modalité biologique alors que les itinéraires raisonné et conventionnel avaient été bien protégés. La modalité biologique est aussi la moins productive à la base (0,71 kg/cep en moyenne sur 10 ans), en raison de sa moindre vigueur, de l’effet dépressif du désherbage mécanique en plein sur les racines superficielles et parfois de la concurrence liée au développement important d’adventices devenues difficiles à contrôler. La modalité raisonnée se situe à un niveau de rendement intermédiaire (1,06 kg/cep en moyenne sur 10 ans) entre les itinéraires biologique et conventionnel (1,29 kg/cep en moyenne sur 10 ans). À l’origine, l’entretien des sols de la modalité raisonnée (du désherbage chimique en plein comme dans l’itinéraire conventionnel) a été modifié en 2010 avec l’implantation d’un enherbement au niveau de tous les interrangs. L’effet dépressif fort sur la productivité en 2011 a amené à réduire l’enherbement à un interrang sur deux (l’autre étant désherbé). L’itinéraire conventionnel est à la fois le plus productif et le plus consommateur en intrants.

Les IFT annuels de l’itinéraire conventionnel qui fluctuent entre 15 et 20 selon le niveau de pression de parasitisme sont bien sûr nettement supérieurs. Les modalités raisonnée et bio atteignent un niveau d’IFT totaux équivalent (en incluant l’IFT herbicide dans le raisonné) sur l’ensemble de la période de 11 années d’expérimentation. Les quantités de cuivre métal dans la modalité bio respectent l’apport total de 4,5 kg de cuivre métal/ha sur une période de 5 ans. La montée en puissance de l’oïdium depuis 2010 a engendré un renforcement de la protection dans les itinéraires culturaux raisonné et biologique au cours des dernières années.

Les points clés de l’expérimentation

l Une expérimentation conduite par l’équipe IFV Charentes-Cognac depuis 2013 au LEPA de Barbezieux.

l Une parcelle d’essais de 1 ha 50 d’ugni blanc jeune, vigoureuse et naturellement sensible au mildiou et à l’oïdium.

l L’objectif de l’essai : développer un système de protection du vignoble inno-vant, intégrant les contraintes opérationnelles des propriétés au niveau de la mise en œuvre des traitements.

l La conception d’un nouvel outil d’aide à la décision de lutte raisonnée conçu pour être utilisé sur chaque site de production.

l L’étude concerne deux axes de la protection du vignoble : la lutte anti-mildiou et anti-oïdium.

l Une démarche expérimentale en phase avec les niveaux de productivité élevés de la région de Cognac.

l Deux années d’expérimentation qui débouchent sur des prototypes d’outils d’aide à la décision dont le développement est en cours de validation.

l Contact pour en savoir plus :
François-Michel Bernard
Tél. 06 22 68 43 04
francois-michel.bernard@vignevin.com

beloukha, un nouveau défanant « doux » pour l’environnement
La société Jade, qui est une filiale du groupe Alidad Invest (groupe Vitivista et Jardivista), commercialise depuis le début de l’année un nouvel herbicide de type défanant d’origine naturelle : le Beloukha. La matière active, l’acide nonanoïque qui est issu de l’huile de colza, présente des avantages vis-à-vis du respect de l’environnement. Cette nouvelle spécialité commerciale a obtenu une homologation en janvier 2015, après 8 années d’expérimentation et de développement.
Une matière active d’origine naturelle et douce vis-à-vis de l’environnement
Les responsables de l’entreprise considèrent que cet herbicide se différencie nettement des produits commerciaux de cette catégorie. C’est un produit « doux » qui n’a pas révélé, lors du processus d’homologation, d’effets préjudiciables pour l’homme, l’eau, le sol et les animaux terrestres et aquatiques. Au niveau de la terre, la matière active s’avère être très facilement biodégradable (DT50 < à 2 jours) et ne génère aucun résidu. A ce jour, aucun impact sur les vers de terre et les organismes aquatiques n’a été observé. Le nouveau produit est homologué en vigne (en désherbage et en épamprage chimique), pour le défanage des pommes de terre et pour le désherbage des espaces verts et des ZNA. En vigne, le produit a obtenu un label d’utilisation en agriculture biologique auprès des ins-tances professionnelles de l’agriculture biologique. Les essais réalisés dans le cadre des démarches d’homologation n’ont pas révélé de contraintes d’application particulières. Le mode d’action défanant de Beloukha donne de meilleurs résultats en conditions poussantes et lumineuses, en présence d’une végétation sèche et sur des couverts végétaux n’excédant pas 15 à 25 cm de hauteur.
Des parcelles tests de plein champ en 2015
L’effet visuel commence à apparaître au bout de 2 à 3 heures après le traitement. La dose d’homologation vigne en désherbage en plein est de 16 l/ha et les applications localisées sous le rang s’effectuent à 6 l/ha. La dose d’homologation pour l’épamprage (sur des repousses n’excédant pas 15 à 20 cm) est de 6 l/ha. Le produit, commercialisé depuis deux mois, fera l’objet cette année de tests de plein champ avec l’implication de viticulteurs. Il sera utilisé dans des parcelles entières en désherbage en plein et localisé sous le rang, et aussi pour épamprer. L’équipe technique Vitivista Charentes va suivre au cours de ce printemps un certain nombre de parcelles tests présentant des natures de flore d’adventices différentes. Des essais de désherbage avec de très faibles volumes d’eau seront réalisés (avec des buses centrifuges de type Undavina). Ce type d’utilisation présenterait l’intérêt de réduire fortement les doses hectare utilisées et, par voie de conséquence, le coût d’utilisation du Beloukha. La société Jade commercialise le produit au prix de 18 € ht/l. À l’issue de cette première campagne d’utilisation, les préconisations en termes de doses, de dates d’application et de conditions de pulvérisation seront affinées.

 

 

 

 

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