Nicolas B., viticulteur en Fins Bois (1) – « Ce que je souhaite de tout cœur, c’est qu’une majorité qualifiée se dégage à Bruxelles autour des droits de plantation, pour parvenir à réviser le texte. A ce que j’ai compris, le Pape semble lié à un aspect de contractualisation. Si j’ai bien saisi, le négociant, au sein de l’interprofession, aurait en quelque sorte son mot à dire sur la façon de déterminer les droits à produire. Rien n’empêcherait les acheteurs de dire :
“cette partie-là de cru nous intéresse, cette partie-là ne nous intéresse pas”. C’est un peu cette crainte que je ressens, même si, je le répète, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris. J’ai comme l’impression que l’on risque de se mettre des contraintes liées au fonctionnement de la région, en clair la parité 50/50 entre négoce et viticulture. Nous viticulteurs, on ne se mêle pas du développement des marques. Les négociants agissent comme bon leur semble. Qu’ils vendent plus de VS ou plus d’XO, c’est leur choix. Les droits de plantation sont une affaire de viticulteurs et doivent le rester. »
Sylvie B., viticultrice en Petite Champagne – « Je vois mal comment l’on peut gérer une appellation sans un lien fort au terroir. Tous les contrôles de production sont basés sur cet ancrage au sol. Sinon, on ne produit pas une AOC mais une IGP. Augmenter, diminuer à vue le potentiel de production, c’est bon pour une céréale, pas pour une plante pérenne comme la vigne. Et puis, je ne vois pas comment l’on s’y prendrait pour gérer des droits à produire qui iraient ici au Cognac, là au Pineau, là aux Vins de pays charentais. Déjà que pour les rendements, on y arrive tant bien que mal ! »
Pierre G., viticulteur en Grande Champagne – « Les enjeux drainés par la libéralisation des droits de plantation sont conséquents. Ceci dit, pour en avoir parlé à l’extérieur, je crains fort que nous soyons obligés d’en passer par là, en sachant que nous n’aurons jamais le même niveau de protection qu’aujourd’hui. Ce qui me fait peur, c’est l’idée de laisser la gestion des droits de plantation aux gens d’ici. Quand on connaît la capacité d’emballement de la région ! On aura beau fixer des garde-fous, si ce sont les gens du cru qui sont aux manettes, on ne contrôlera rien. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé avec les 0,5 hl AP supplémentaire de la réserve de gestion compte 10. Ce n’est pas grand-chose mais c’est symptomatique. Nous nous sommes battus, syndicalement, pour connaître le niveau rendement avant récolte. Et voilà qu’on nous en « rajoute une couche » alors que la région produit déjà 11 de pur et n’en vend pas 8. C’est déstabilisant. Tout se
passe comme s’il s’agissait d’affirmer “qu’ici, on peut faire ce que l’on veut”. Cela me fait peur. Je fais partie d’une génération qui en a un peu trop bavé pour accorder un crédit illimité au “management” régional. Je sais qu’à Cognac, le leitmotiv “c’est d’être maître de ses décisions”. Mais conserver quelques garde-fous réglementaires, sur lesquels nous n’aurions pas la main, ce ne serait pas mal non plus. Tant que les hommes ne seront que des hommes… Quant à se désolidariser des autres régions, c’est une bêtise. Rester unis, c’est la seule façon d’espérer conserver quelque chose de fiable. Les Charentes ne représentent rien au niveau de l’Europe. »
Marion L, viticultrice en Bons Bois – « Les droits de plantation doivent restés réglementés. Il faut absolument revenir à une réglementation. Je ne suis pas partisane du Pape ou Dieu sait quoi. Je ne connais pas bien le système mais la proposition me semble louche. Dans mon cru, c’est un avis très largement partagé. Le Pape nous semble dangereux. Il n’y a pas 36 000 solutions pour offrir un encadrement équitable à tous. Il n’y a que les droits de plantation. »
Yvan B., viticulteur en Fins Bois – « Ce serait bien que sur un sujet aussi important que les droits de plantation, la région arrive à parler d’une seule voix. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de dissonances, plusieurs discours. J’ai écouté les propos. Je les trouve abstraits. Ce que propose le SVBC, le Pape, me semble une nébuleuse. C’est un quota d’exploitation. Cela paraît bizarre qu’une solution « charento-charentaise » se dégage alors qu’une réflexion nationale existe sur le sujet. Je suis attaché aux droits de plantation, qui fonctionnent depuis au moins trois générations. S’ils disparaissaient, nous serions sans doute confrontés à une espèce de complexité administrative dont nous ne verrions jamais le bout. Je fais confiance à nos élus syndicaux pour ne pas nous construire une usine à gaz. A l’inverse de l’interprofession. »
Martin G., viticulteur en Grande Champagne – « Du Pape, je ne sais pas grand-chose. Je n’ai pas trop suivi. Par contre, je comprends très bien où l’on veut nous emmener. Au lieu que ce soit les viticulteurs qui décident pour eux-mêmes, l’interprofession, le négoce et la conjoncture décideront à leur place, avec tous les risques que cela comporte. Quand on voit le peu d’anticipation dont font preuve les maisons de Cognac en ce qui concerne leurs achats ! La différence, c’est que l’on ne plante pas des vignes pour 3 ans mais pour 25. Se désolidariser des autres régions françaises, c’est faire le jeu de ceux qui veulent diviser pour régner. Si l’on n’en reste pas aux grands principes, c’est évident que l’on se fera recaler à Bruxelles.
Qu’un jour, l’interprofession puisse décider des plantations semble hyper-dangereux. Le régime des droits de plantation est une solution plus réaliste, plus sûre, sans doute aussi parce que moins réactive. Si l’on avait dû planter à chaque fois que le marché du
Cogna s’emballait !
J’ai l’impression que, parmi les viticulteurs, personne ne croit vraiment que les droits de plantation puissent disparaître un jour. Cela paraît tellement gros, incohérent, inadmissible. A meilleure preuve, les gens continuent d’acheter des vignes à 30 ou 40 000 € l’ha. Le feraient-ils s’ils imaginaient un instant la faillite des droits ! Par contre, des bruits différents circulent dans la nature. Des non-viticulteurs envisagent très sérieusement la fin des droits de plantation. Je pense aux céréaliers ou aux polyculteurs possédant 100-150 ha de terres et quelques ha de vignes. Ils ne peuvent plus irriguer et se demandent quoi faire de terrains qui, sans eau, ne valent rien. Ils se voient déjà en train de planter 10, 20 ha. Si la libéralisation se concrétisait, vous verriez se planter des vignes à “tire-larigot”, par des personnes sans culture viticole. En pensant que tous les gens sont bouilleurs de cru, stockeurs, les syndicalistes viticoles commettent – de bonne foi sans doute – une lourde erreur. Beaucoup de gens vont se retrouver à la tête de terres libres, dans le périmètre Cognac.
Parler du Pape comme d’un quota d’exploitation confine à l’abus de langage. Bien sûr que, peu ou prou, tout le monde est d’accord avec ce genre de solution. Par contre, on oublie de dire qu’au bout du compte, on aura beaucoup plus d’ha et que ce sera une prime à ceux qui en possèdent déjà beaucoup, au détriment des jeunes, des petites structures. A ce niveau-là, on entretient la confusion. »
Jacques F., viticulteur en Fins Bois –
« Actuellement, il semblerait qu’un bras de fer soit engagé entre la Commission et les Etats membres, notamment l’Etat français, pour le maintien des droits de plantation. Qu’une interprofession française sorte quelque chose comme le Pape et aille le présenter en Rioja ou à Bruxelles ne peut faire qu’un tabac auprès de ceux qui sont contre le maintien des droits de plantation. C’est une attitude dangereuse et plutôt inconséquente. C’est se tirer une balle dans le pied. Un plan B, on ne le sort que quand le plan A a échoué. Cette promotion du Pape paraît d’ailleurs assez paradoxale. Sur le fond, il s’agit de mettre en place des droits à produire alors que l’on sait que c’est justement le système dont Bruxelles ne veut plus. La Commission l’a encore redit à l’occasion de la Pac : elle ne reviendra pas sur la suppression des quotas laitiers. Proposer une solution – les droits à produire – qui n’a aucune chance d’aboutir, c’est se prononcer de facto pour la libéralisation des droits de plantation. Manifestement, des dérapages existent au niveau de l’interprofession de Cognac. »
Laurent V., viticulteur en Bons Bois –
« A mon avis, les droits de plantation vont disparaître. On peut toujours essayer de se battre, mais je crois que cela ne servira à rien. Je suis convaincu que les droits de plantation ont vécu. Ce qu’il faut, c’est trouver une solution de rechange. Je suis assez d’accord avec l’idée du Pape, qui représente une alternative applicable dès la libéralisation. Sinon, que se passera-t-il ? On flottera pendant un an ou deux et des vignes se planteront, au détriment des petites structures et de ceux qui ne sont pas organisés. Il faut anticiper, que ce soit avec le quota d’exploitation ou avec toute autre mesure. C’est vrai ! Cela s’accompagnera certainement d’une dévalorisation du foncier. On le voit aujourd’hui sur les céréales. Le prix de la terre a plutôt tendance à baisser qu’à augmenter. Avec la transmission des droits à produire, le propriétaire perdra une partie de ses prérogatives. Mais n’en est-on pas déjà là ? Dans les cantons reculés, on assiste de fait à une remontée des droits de plantation. Cela s’assimile à un remembrement dissocié. On achète les terres, on arrache les vignes, on les replante ailleurs. Qui d’entre nous n’a pas pratiqué de cette manière ? La différence, c’est que, cette fois, on va l’officialiser. On ira vers un quota d’exploitation basé sur un quota historique. Moi, j’ai déjà intégré les règles du jeu. Je sais que je m’adapterais. Clairement, par sa capacité à rebondir, la grosse structure souffrira moins que la petite, déjà “ric-rac” en matière de revenu, de main-d’œuvre. Le jour où le marché dira qu’il faut baisser les droits à produire de 15, 20 ou 30 %, ce sera plus compliqué pour les structures fragiles. Sincèrement, il n’y a pas de solution miracle. A titre personnel, je le répète, j’ai déjà intégré les nouvelles règles du jeu. Je vais essayer d’accumuler le maximum de droits à produire, pour le jour où se déterminera le “quota historique”.
Je considère que la “maison Cognac” a un réel avenir, le Cognac une belle image. Mais en fait, la région n’est pas mâture pour gérer ce pactole. Il y a trop de rancœurs, trop de “cadavres dans le placard”. Nous sommes quand même dans une région d’individualistes forcenés. Et je m’inclus dans le lot. J’ai ma structure, mon entreprise, j’organise mes débouchés. J’anticipe certains trucs. Mais c’est une solution qui ne convient qu’à ma boutique. »
Jean-François D., viticulteur en Fins Bois – « Le Pape, c’est un peu comme les DPU. Si l’on n’est pas propriétaire des droits à produire, on n’a pas grand-chose à vendre. Il est hors de question de se laisser présenter un projet tout ficelé. Il n’y a pas urgence. Nous avons d’abord à nous battre aux côtés des autres régions viticoles françaises. Et puis, comment une interprofession comme le BNIC pourrait gérer cette histoire de droits à produire qui vaut autant pour le vignoble Cognac que pour le vignoble Pineau ou le vignoble Vins de pays ? Le Pape est dangereux. C’est une usine à gaz qui pourrait nous exploser à la figure. »
Georges V., viticulteur en Petite Champagne – « Au nom de quel dogme, de quelle position dogmatique, de quelle légitimité des hauts fonctionnaires européens, à mille km d’ici, se permettent de revenir sur un régime d’encadrement comme celui des droits de plantation ? Je leur dénie ce droit. A l’heure des Indignés, nous n’avons pas à nous laissez embarquer dans ce mauvais plan. Les droits de plantation représentent le pivot de notre histoire, de notre patrimoine. C’est quelque chose d’inaliénable. Pour les négociants, existe le droit des marques. Pour nous viticulteurs, notre droit des marques, c’est le droit de plantation. Comme existe le droit de vote, il y a le droit de plantation. On ne négocie pas là-dessus. Sur de tels sujets, nous n’avons droit à aucune faiblesse. Il en va de la transmission de notre patrimoine, de sa valeur.
En votant pour le syndicat unique UGVC, je ne vote pas pour le Pape. Les viticulteurs ne sont pas tenus d’accepter tous les projets contenus dans l’union. Comme la guerre est un sujet trop grave pour être confiée aux militaires, le sujet des droits de plantation dépasse le simple mandat de représentation de nos élus ou des administratifs chargés de l’exécutif. Je dénie à quiconque le droit de nous emmener là où nous ne voulons pas aller. Toute position en la matière justifierait d’une consultation de type référendum.
Dans cette affaire, il ne faut pas chercher “midi à quatorze heures„. Le négoce a envi d’adapter “l’atelier vigne” à ses marchés. Ni plus ni moins. La vigne est considérée comme un atelier parmi d’autres, à raboter, à augmenter, à développer. C’est une histoire de captation d’héritage. Imaginez que le pouvoir de décision tombe dans les mains de l’interprofession reconnue ODG. A qui va-t-on donner des droits ? Combien ? Quelle maison aura le droit de se développer ? S’engager dans un tel processus, ce serait faire un bien mauvais cadeau à nos représentants, leur offrir une “planche savonnée”.
Il est troublant de voir que la profession viticole ne “suréagit” pas à la libéralisation des droits de plantation, alors qu’elle représente un danger mortel pour 80 % des viticulteurs. Pour les autres, des opportunités se dégageront sans doute. On verra s’installer une noblesse viticole à la tête de 200-300 ha de vignes. »
Propos recueillis par Catherine Mousnier
(1) Les patronymes ont été changés, pour préserver l’anonymat… et la liberté de parole.
Que pensez-vous du Pape ? Le Pape est une base de réflexion. C’est quelque chose qu’il faut travailler ici, en région. Par contre, il est dangereux de le mettre en avant trop tôt, trop vite. La région doit se montrer solidaire des autres régions françaises. Pour au moins deux raisons : parce qu’il faut défendre le système des droits de plantation ; et puis, si un jour nous avons besoin de nos collègues des autres vignobles pour valider un système, nous serons contents de les trouver derrière nous.
Croyez-vous que l’on puisse sauver les droits de plantation en l’état ? Non. Même si l’Europe a l’obligation de rouvrir le dossier, on sait très bien qu’elle n’acceptera jamais de réintroduire le même texte. Clairement, l’Europe ne veut plus payer, ni pour arracher ni pour planter. A un moment il faut arrêter !
Que pourrait être un système alternatif ? Nous avons besoin d’un encadrement européen, avec une déclinaison nationale et une gestion au niveau des bassins. Le souci aujourd’hui, c’est que les bassins ne sont dotés d’aucun pouvoir législatif ou réglementaire.
Qui dit bassin dit interprofession et, à
Cognac, plusieurs interprofessions. L’Etat voudrait bien une seule interprofession par bassin. Or, dans les faits, l’on s’aperçoit que ce n’est pas simple. Prenons l’exemple du bassin des Charentes. Le Pineau a été « exfiltré » de l’interprofession du Cognac il y a six ans. Cela paraîtrait difficile de le réintroduire et je ne suis pas sûr qu’il serait d’accord. Par ailleurs, l’on imagine mal qu’une seule entité – le BN en l’occurrence – puisse gérer le potentiel de production de tout le monde. Sur quel fondement et avec quels moyens coercitifs ? Une gestion par bassin, oui mais avec des moyens législatifs et réglementaires à la clé. La faisabilité serait à ce prix.
Quelle analyse faites-vous du Pape ? Franchement, c’est une idée qu’il faut vraiment travailler en profondeur mais davantage comme un outil de gestion que comme un encadrement en tant que tel. De plus, si l’on y regarde à deux fois, le Pape s’assimile à un droit à produire et les droits à produire sont interdits dans les textes européens. Alors que les quotas sont en train d’être démantelés, nous serions en train d’en installer un ! Ceci dit, en tant qu’outil de gestion d’un bassin aussi particulier que celui de Cognac, l’idée me semble intéressante à creuser.
Que recouvre, selon vous, le particularisme charentais ? Avec l’Armagnac, nous sommes peut-être les seules régions viticoles françaises, voire européennes, où les hauts rendements représentent un facteur de qualité. Partout ailleurs, c’est l’inverse. C’est pourquoi une réglementation type « quota d’exploitation » ne pourrait s’appliquer qu’à nous. Ce qui n’est d’ailleurs pas embêtant. Nous avons à faire valoir nos particularismes.
A votre avis, vers quel système d’encadrement faudrait-il s’orienter ? Pour nous, fondamentalement, il faut que le droit reste attaché la terre. C’est quelque chose d’incontournable. En Charentes, le négoce semble adhérer à cette thèse. Le problème, c’est qu’au niveau national, l’AGEV (Association générale des entreprises vinicoles), l’organe de représentation du négoce du vin, plaide en sens inverse. Elle défend le libéralisme et fait du lobbying dans ce sens à Bruxelles. Nous considérons, nous, que le droit de plantation et, plus généralement, le patrimoine viticole appartiennent à 97-98 % à la viticulture. Nous ne sommes pas tellement d’accord pour que le négoce y regarde de trop près. C’est l’un des derniers pouvoirs qui reste à la viticulture. Aussi, faut-il le sauvegarder à tout prix.
Propos recueillis par Catherine Mousnier
(1) Jean-Bernard de Larquier et Olivier Louvet représentent le bassin charentais à FAM.
« nous avons besoin de règles législatives et réglementaires »
Secrétaire général du SGV Cognac depuis 2008, Xavier Desouche siège à FranceAgriMer en tant que représentant national de la Coordination rurale (1). Face à un dossier des droits de plantation éminemment complexe, son analyse est subtile. Haro sur les idées toutes faites.
Que pensez-vous du Pape ? Le Pape est une base de réflexion. C’est quelque chose qu’il faut travailler ici, en région. Par contre, il est dangereux de le mettre en avant trop tôt, trop vite. La région doit se montrer solidaire des autres régions françaises. Pour au moins deux raisons : parce qu’il faut défendre le système des droits de plantation ; et puis, si un jour nous avons besoin de nos collègues des autres vignobles pour valider un système, nous serons contents de les trouver derrière nous.
Croyez-vous que l’on puisse sauver les droits de plantation en l’état ? Non. Même si l’Europe a l’obligation de rouvrir le dossier, on sait très bien qu’elle n’acceptera jamais de réintroduire le même texte. Clairement, l’Europe ne veut plus payer, ni pour arracher ni pour planter. A un moment il faut arrêter !
Que pourrait être un système alternatif ? Nous avons besoin d’un encadrement européen, avec une déclinaison nationale et une gestion au niveau des bassins. Le souci aujourd’hui, c’est que les bassins ne sont dotés d’aucun pouvoir législatif ou réglementaire.
Qui dit bassin dit interprofession et, à Cognac, plusieurs interprofessions. L’Etat voudrait bien une seule interprofession par bassin. Or, dans les faits, l’on s’aperçoit que ce n’est pas simple. Prenons l’exemple du bassin des Charentes. Le Pineau a été « exfiltré » de l’interprofession du Cognac il y a six ans. Cela paraîtrait difficile de le réintroduire et je ne suis pas sûr qu’il serait d’accord. Par ailleurs, l’on imagine mal qu’une seule entité – le BN en l’occurrence – puisse gérer le potentiel de production de tout le monde. Sur quel fondement et avec quels moyens coercitifs ? Une gestion par bassin, oui mais avec des moyens législatifs et réglementaires à la clé. La faisabilité serait à ce prix.
Quelle analyse faites-vous du Pape ? Franchement, c’est une idée qu’il faut vraiment travailler en profondeur mais davantage comme un outil de gestion que comme un encadrement en tant que tel. De plus, si l’on y regarde à deux fois, le Pape s’assimile à un droit à produire et les droits à produire sont interdits dans les textes européens. Alors que les quotas sont en train d’être démantelés, nous serions en train d’en installer un ! Ceci dit, en tant qu’outil de gestion d’un bassin aussi particulier que celui de Cognac, l’idée me semble intéressante à creuser.
Que recouvre, selon vous, le particularisme charentais ? Avec l’Armagnac, nous sommes peut-être les seules régions viticoles françaises, voire européennes, où les hauts rendements représentent un facteur de qualité. Partout ailleurs, c’est l’inverse. C’est pourquoi une réglementation type « quota d’exploitation » ne pourrait s’appliquer qu’à nous. Ce qui n’est d’ailleurs pas embêtant. Nous avons à faire valoir nos particularismes.
A votre avis, vers quel système d’encadrement faudrait-il s’orienter ? Pour nous, fondamentalement, il faut que le droit reste attaché la terre. C’est quelque chose d’incontournable. En Charentes, le négoce semble adhérer à cette thèse. Le problème, c’est qu’au niveau national, l’AGEV (Association générale des entreprises vinicoles), l’organe de représentation du négoce du vin, plaide en sens inverse. Elle défend le libéralisme et fait du lobbying dans ce sens à Bruxelles. Nous considérons, nous, que le droit de plantation et, plus généralement, le patrimoine viticole appartiennent à 97-98 % à la viticulture. Nous ne sommes pas tellement d’accord pour que le négoce y regarde de trop près. C’est l’un des derniers pouvoirs qui reste à la viticulture. Aussi, faut-il le sauvegarder à tout prix.
Droits de plantation – Viticulture charentaise : Les arbitrages sont en marche
En Charentes, chaque jour ou presque apporte son lot d’actualité « droits de plantation ». Le 25 octobre dernier, un conseil d’administration de la FVPC (Fédération des viticulteurs producteurs de Cognac) élargi aux autres familles de produits (Pineau, Vins de pays, Jus de raisin) a permis de préciser certains points. Une position concertée de la viticulture se dessine, même si du chemin reste à faire. Commentaires de Jean-Bernard de Larquier, président du Comité de Bassin.
« Ne nous cachons pas les choses. Existe des divergences de vues au sein de la viticulture charentaise au sujet des droits de plantation. Eclaircir certains points, réaffirmer quelques préalables fut l’objet, entre autres, de ce dernier conseil d’administration de la FVPC, élargi à toutes les productions. Etaient présents autour de la table, outre les représentants du Cognac, les représentants du Pineau, des Vins de pays charentais, des jus de raisin. Le travail n’est pas fini mais il est bien amorcé. Le premier point sur lequel nous avons voulu insister, c’est qu’il était primordial de rouvrir le dossier au niveau européen. Ne serait-ce qu’au plan patrimonial, il est essentiel de conserver une gestion réglementaire de style « droit de plantation », quel que soit son nom. Certains collègues en conviennent aussi, même s’ils pensent “qu’avec le Pape et le BNIC, on peut s’en sortir”. Mais, ensemble, nous disons que nous avons besoin d’un système qui interdise les plantations nouvelles. Cela ne veut pas dire un système rigide mais un système qui ménage des garde-fous. Aujourd’hui, la France dispose d’un volant de plantation d’1,2 million d’ha, non utilisé. Prétendre que nous sommes dans un carcan est donc faux. Par contre, il faut que les droits de plantation soient toujours rattachés au sol, à la terre. Ce point-là, je l’avais déjà fait voter au BNIC. Car le gros danger des droits à produire c’est leur dématérialisation en cas de transmission. “Je te donne un contrat contre un droit à produire.” Ce serait la pire des choses pour la viticulture. Il faut non seulement rattacher le droit à produire au sol mais encore à la vigne. Qu’en cas de vente, on ne puisse vendre le droit qu’avec la vigne qui le supporte.
Des réflexions restent à mener. Un groupe de travail sur le sujet se réunit au BNIC le 7 novembre. Le 13, le Conseil de Bassin devra donner une première position au préfet de région. Ce que je souhaite, c’est que la viticulture arrive à se mettre d’accord sur une position commune et que chaque filière aille la présenter ensuite à ses négociants respectifs, pour la travailler
ensemble dans ces mêmes interprofessions. »
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