Sébastien Juilliard, directeur du Conservatoire du vignoble charentais

4 novembre 2016

A la Journée des courtiers, Sébastien Julliard a présenté un tableau de la diversité variétale de la vigne en rappelant son intérêt : servir de réservoir à la création de cépages résistants (ou tolérants) aux maladies cryptogamiques, au stress hydrique…

Partir du général pour arriver au particulier, c’est ce qu’a proposé Sébastien Julliard à la Journée des courtiers. Et c’est ce qui a fait tout l’intérêt de son intervention. Le directeur du Conservatoire du Vignoble charentais est parti de très loin,  de cette grande famille des Vitacées qui renferme les vignes (dans l’acception classique du terme) mais aussi tous les arbustes grimpants à l’aide de vrilles (vignes vierges etc). Un jour peut-être ces plantes, a priori très éloignées des canons de la viticulture, rentreront-elles dans des programmes d’amélioration variétale. Mais reprenons. En tout, l’arborescence Vitacées  compte 17 genres, dont le genre Vitis. Lui-même se scinde en deux sous-genres : la partie Euvitis (les « vraies vignes ») et la partie Muscadinia Rotundifolia, caractérisée par des baies toutes petites mais aussi par une résistance naturelle au climat chaud et humide (utilisée par l’INRA de Montpellier pour créer des variétés résistantes). Mais reprenons. Les Vitis en tant que telles se divisent en trois compartiments : le compartiment asiatique (vignes particulièrement épineuses, baies astringentes mais bonne tolérance au mildiou, à l’oïdium) ; le compartiment américain (Vitis Labrusca, Riperia, Rupestris, Berlandieri), plus connu que le précédent car utilisé comme porte-greffe et hybrides producteurs directs lors de la reconstruction du vignoble après le phylloxera ; et enfin le compartiment européen. Lui-même est segmenté en deux sous compartiments : les Lambrusques (dites encore Sylvestris ou vignes sauvages) et les cépages (Vitis vinifera), en sachant que les Lambrusques existaient avant les cépages. C’est la domestication (sélection des Lambrusques) qui a donné les cépages.

 

Les cépages, issus essentiellement de la branche eurasienne, sont environ 6 000 au niveau mondial, en sachant que le nombre de clones (sélection des sujets plus intéressants) est largement supérieur.  Au Grau du Roy, l’IFVV conserve environ 20 000 clones. Sur ce nombre, 1 250 sont inscrits au Catalogue officiel national. Depuis une vingtaine d’années, tous les pays producteurs, dont la France, ont pris la mesure de l’intérêt de la préservation des cépages et de leurs clones. Commentaires de Sébastien Julliard – « La diversité du matériel végétal est importante mais elle est sous-utilisée ».

 

Dans l’hexagone, sur les 600 cépages inscrits au Catalogue national, les 20 principaux couvrent 90 % des surfaces. « Du point de vue de la diversité, ce n’est pas fameux. En cas de problème de parasitisme, de virus, nous serions en difficulté». Même constat au niveau des porte-greffes. Alors que plusieurs centaines de porte-greffes ont été créées, 31 sont inscrits au Catalogue officiel national  et les 5 principaux couvrent 72 % des surfaces. Quant au vignoble charentais, il est complanté à 93 % par l’Ugni Blanc. « Face au changement climatique, cette situation de mono-cépage commence à poser question ».

 

Diversité générique

 

Quid de la viticulture de demain ? Pour l’intervenant, cela ne fait pas de doute. «La viticulture a tout à gagner de la diversité génétique et de la réserve de gènes, que ce soit au niveau de la tolérance aux maladies cryptogamiques ou au stress hydrique. C’est la condition sine qua non pour que des cépages résistants voient le jour. Mais de quelle manière ? S. Julliard a évoqué les deux pistes possibles : soit partir de la sélection clonale, en cherchant à valoriser le patrimoine génétique d’hybrides producteurs directs (résistance au mildiou, oïdium, adaptation au changement climatique…) ; soit créer des variétés « modernes » en utilisant la vieille technique du croisement (avec l’appui de la génomique, sélectionner entre les deux parents mâle et femelle des gênes intéressants, afin de les transmettre à la descendance). Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de s’adapter à la nouvelle donne : diminution des pesticides, changement climatique avec , à la clé, moins de traitements (3 ou 4 au lieu de 8 ou 10), des TAV plus bas.

En Charentes, trois projets « cépages » existent. L’un est piloté par l’interprofession, l’autre par Martell et le troisième financé par la fondation Poupelain. Un autre pan de la recherche s’intéresse aux porte-greffes. Au niveau national, un programme mené par l’INRA et l’IFVV a l’ambition de tester 50 porte-greffes sur 5 cépages différents. Une grosse opération. Parallèlement, un programme d’essai VATE (Valeur agronomique, technologique et environnementale) a pour objectif d’inscrire au catalogue de nouveaux porte-greffes tolérant au calcaire et adaptés au stress hydrique. Ce projet, en cours de démarrage – début de multiplication des variétés – est conduit conjointement par l’INRA de Bordeaux, l’IFVV, le CIVC (l’interprofession de Champagne), la Chambre d’agriculture de l’Aude et le Conservatoire du vignoble charentais.

Reste la question du pas de temps. D’un point de vue technique, le délai minimum de sélection affleure les 15 ans, même si quelques pistes d’accélération existent peut-être. Si l’on y rajoute les différents délais administratifs, incompressibles (inscription au Catalogue, dans les différents cahiers des charges), on se rapproche des 25 ans. Rendez-vous en 2 040.

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