Troubles de croissance

12 mars 2009

La diversification n’est pas un chemin pavé de roses. Ceux qui l’auraient cru – ou feints de le croire – se sont trompés. Cela se rapprocherait plutôt de la célèbre expression de W. Churchill s’adressant à ses concitoyens au printemps 1940 : « Du sang, de la sueur, des larmes… et la victoire ».

Malgré son enthousiasme et la participativité de son équipe, la coopérative des Coteaux de l’Angoumois, trois ans après son lancement, se heurte toujours aux exigences de la communauté de communes de Châteauneuf. Pour débloquer la construction d’un bâtiment relais, les élus lui réclament de trouver 20 ha supplémentaires. Parlant de conseil communautaire, Gensac-la-Pallue a annoncé son intention de se retirer de la communauté de communes de Grande Champagne. Motif : une divergence de vue sur le soutien de la collectivité publique à la diversification, via l’ACV. Après avoir engagé les producteurs à planter à 5 000 pieds/ha et malgré un contrat qui les liait pour dix ans, le négociant bordelais CVBG a rompu ses relations avec le club Phénix. Raison invoquée : le manque d’enthousiasme des viticulteurs charentais pour les vins de pays. Ces quelques exemples illustrent la difficulté de la diversification charentaise à trouver son rythme de croisière. Pourtant les problèmes n’empêchent pas le courage et la foi dans l’avenir chez ceux qui font le choix de la diversification. Et il y en a, nombreux, en commençant par tous les viticulteurs engagés dans les différentes structures déjà citées, Coteaux de l’Angoumois, ACV, association Phénix. Tous témoignent d’une grande lucidité et en même temps d’une ferme détermination. Sans croire aux miracles, s’ils s’engagent, c’est pour aller au bout de leur démarche.

Coteaux de l’Angoumois : une détermination tÊtue

photo_50.jpg« Il faut arriver à la faire vivre, cette coop ! » On sent chez Eric Montigaud, le jeune président de la coopérative des Coteaux de l’Angoumois, une détermination têtue, de cette sorte d’entêtement qui vous fait vous dépasser pour aller au bout de vos rêves. La vingtaine d’adhérents avait rêvé d’une « vraie » coopérative fonctionnant en autonomie, indépendante de tous partenaires extérieurs, où les apporteurs ne seraient pas de simples livreurs de raisins mais des cogérants, intervenant sur toutes les décisions, du travail à réaliser en passant par la politique tarifaire, le choix de l’étiquette ou de la bouteille. Et ils y sont arrivés. L’Angoumant, le vin de la coopérative, est en passe d’être reconnu. Au concours des vins de pays charentais, il a obtenu, en rouge, une grappe d’argent et en rosé une grappe de bronze. Pas si mal quand on démarre de zéro. E. Montigaud parle de la bonne cohésion des membres, du partage des compétences, de l’apport des stages suivis en commun. Mais ce travail de qualité a réclamé beaucoup d’efforts, d’aucuns diront des sacrifices. C’est là que l’on retrouve le sang, la sueur et les larmes de W. Churchill. Au nom de la « philosophie » de la cave, les adhérents ont décidé de concéder 8 jours par an à la coopérative. Certains tiennent leur engagement, d’autres moins et d’autres encore font pratiquement leurs 8 jours dans le mois. C’est peut-être pour cela que le président parle « d’aventure humaine pas facile », une expression où se mêle à la fois le sentiment de participer à quelque chose d’exceptionnel et la difficulté à faire vivre cette belle idée. Mais comme « on a rien sans rien », tous ces efforts seraient vite oubliés si la coopérative n’avait aujourd’hui le sentiment de buter contre un mur. Alors que le terrain vient juste d’être acquis sur la zone d’emploi de Hiersac, à proximité de la R.N. 141, la communauté de communes de Châteauneuf pose une nouvelle condition à la mise à disposition d’un bâtiment relais sous forme de location-vente : que la coopérative trouve 20 ha supplémentaires. A ce jour, les Coteaux de l’Angoumois collectent entre 40 et 50 ha alors que, c’est vrai, les prévisions de départ étaient plus proches des 100 ha. Mais la montée en puissance des plantations a été plus lente que prévu, la structure n’échappant pas à ce qu’il faut bien appeler « l’essoufflement des vins de pays ». Sous l’argument de devoir « rendre des comptes à la collectivité publique », les élus pointent la difficulté d’une petite structure à amortir des frais fixes comme ceux d’une station d’épuration ou d’un conquet. Pour atteindre la taille critique minimale – que d’aucuns fixent autour de 100 ha – une solution pourrait être le partage d’un bâtiment avec une autre structure. Si cette idée peut paraître séduisante à première vue, certains n’omettent pas de soulever les difficultés pratiques de mise en œuvre, voire la philosophie différente qui peut animer deux structures. Pour l’heure, les adhérents de la coopérative des Coteaux de l’Angoumois ont un peu l’impression que les élus jouent « au chat et à la souris » avec eux. Tenue par la promesse de la collectivité territoriale d’acquérir le terrain de Hiersac, qui présente d’indéniables atouts, la coopérative n’a pas cherché ailleurs de position de repli. Cependant, on lui met de nouveaux bâtons dans les roues alors que son dossier suit son cours et que les subventions pour l’achat de cuves commencent à tomber (cuves inox pour les rouges, fibres pour les blancs). Pour vinifier ses vins, la coopérative a trouvé des solutions palliatives (vinification chez un adhérent, Alain Vergnion, sur la commune de Saint-Saturnin) mais cette situation ne saurait s’éterniser, surtout quand le rythme de croisière sera atteint, autour de 3 500 hl vol. La cave avait parlé de rémunérer ses adhérents 30 000 F l’ha. Aujourd’hui, elle serait plus proche de 25 000 F l’ha même si elle ne désespère pas d’arriver un jour à l’objectif qu’elle s’était fixé. Son magasin de vente, ouvert à Hiersac en mars 2002, fonctionne bien. En six mois, la moitié de la récolte 2001 a été vendue, soit 500 hl. La même tendance se dessine pour la récolte 2002, sauf que la coopérative produit moitié blanc, moitié rouge et que le rouge part mieux que le blanc (6-7 bouteilles de rouge pour 2 de blanc). Les prix de vente au magasin s’établissent à 3,20 euros pour les blancs (Sauvignon, Chardonnay) et à 4,5 euros pour les rouges élevés en fûts de chêne. La cave vend aussi des bag in box et du vin de table en vrac, à 1,30 euro le litre.

ACV : un dossier passionnel

photo_502.jpgDécidément, le dossier ACV n’en finit pas d’agiter les passions. Après la polémique sur le montant des subventions à accorder au bâtiment (la coopérative réclamant 70 % d’aide, l’Etat ne voulant en consentir que 40 %), le dernier épisode en date concerne l’extension des installations de la cave. Pour faire face aux 240 ou 250 ha de vignes rouges bientôt en production dans le grand secteur de Segonzac, la coopérative a en effet décidé de doubler ses équipements sur le site de Segonzac. Et comme la première fois, la communauté de communes de Grande Champagne est sollicitée pour construire le nouveau bâtiment, avec remboursement sur 20 ans, le loyer versé par l’ACV devant rembourser « capital et intérêts ». Une opération blanche pour la communauté de communes. Oui mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille. « Pour que l’opération soit blanche, il faudrait que l’ACV rembourse les annuités pendant 20 ans. Si elle s’arrête dans trois ou quatre ans, ce sera à la collectivité de couvrir l’emprunt » objecte Michel Baldacchino, maire de Gensac-la-Pallue, une des 12 communes du conseil communautaire. Un risque qu’il estime trop lourd à couvrir pour une collectivité et qui plus est « pour un groupe relativement restreint de viticulteurs ». « Je ne suis pas contre le projet en lui-même mais contre le financement par la collectivité territoriale. Quand j’ai été élu, le premier bâtiment était à l’étude. En voici un deuxième, pourquoi pas un troisième ou un quatrième ! » Le maire de Gensac-la-Pallue ne fait pas mystère de son peu de foi dans l’avenir des vins de pays, qu’ils soient charentais ou non. Concernant le projet de l’ACV, il dénonce « le manque de visibilité, le défaut de stratégie marketing affirmée ». En matière de vin de pays, il dit croire davantage aux initiatives individuelles. « Par le passé, des viticulteurs ont réussi de très belles percées mais ce style d’implantation collective risque de les pénaliser. » Et de poser la question : « Que se passera-t-il si le Cognac repart, d’autant que les viticulteurs engagés le sont pour des surfaces relativement négligeables ? » « Personnellement, poursuit-il, je suis tout à fait partisan d’étudier des chais de vinification en commun pour réduire les coûts et que la collectivité s’engage sur de tels projets. Dans 15 ou 20 ans, il se fera toujours du Cognac dans la région. » Naturellement, ce scepticisme à l’égard de la durée de vie de l’ACV n’est pas partagé par tous. Gérard Raby, maire de Segonzac et administrateur de la coopérative en tant qu’apporteur, souligne l’engagement personnel des administrateurs. « Nous ne sommes pas là pour manger la ferme. » Pour lui, la polémique n’a pas lieu d’être. Au pire, le bâtiment pourrait servir à d’autres fins.

Soumise au vote de l’assemblée communautaire, la décision de construire le bâtiment a été prise à la majorité. La procédure de soumissionnement des travaux est engagée et l’ouverture des plis prévue fin mai. Les nouvelles installations devraient être prêtes pour les vendanges 2003 même si l’on risque d’être une nouvelle fois « ric-rac » au niveau des délais. Ce faisant, la commune de Gensac-la-Pallue a demandé son retrait de la communauté de communes de Grande Champagne. Pourtant, on ne saurait aussi facilement faire sécession d’une structure intercommunale. Le retrait est soumis à une procédure très verrouillée. Dans un premier temps, deux tiers des élus doivent se prononcer favorablement (la réunion du conseil communautaire de Grande Champagne est prévue le 25 mai). Et si tel est le cas, les textes prévoient une consultation de la population, où, là aussi, deux tiers des électeurs doivent dire oui au retrait. Si Michel Baldacchino ne nourrit pas de doutes sur le résultat de la première consultation (le vote des maires), il assure qu’il n’en restera pas là. « Si la communauté de communes vote non au retrait, ce qui est probable, nous agirons en conséquence. Quand on parle de démocratie et de redonner du pouvoir aux maires, il n’y a pas de meilleur moyen de le prouver. L’idée que l’on cherche à nous garder uniquement pour l’argent n’est pas acceptable. »

Club Phénix : il ne renaîtra pas de ses cendres

photo_503.jpgL’association va sans doute être dissoute. Créée pour servir d’intermédiaire entre les apporteurs de raisins et la société CVBG, elle n’a plus vraiment lieu d’être, le négociant bordelais ayant renoncé à acheter la marchandise aux vignerons charentais. L’aventure avait pourtant débuté sous les meilleurs auspices. Soutien discret d’une maison de négoce cognaçaise, Courvoisier, implication d’un négociant bordelais de renom, la Cie des vins de Bordeaux à Parempuyre, contrat « béton » avec prix garantis, engagements pluriannuels, exigence du cahier des charges (plantation à 5 000 pieds/ha, écartement d’1 m sur 2), bénédiction d’un « pape » de la vinification en blanc, Denis Dubourdieu, viticulteurs soucieux d’excellence… L’opération avait tout de l’expérience pilote, destinée à servir de vitrine aux vins de pays charentais. La qualité est bien au rendez-vous mais le négociant bordelais a préféré jeter l’éponge. Raison invoquée : depuis deux ans, les surfaces plantées ne bougeaient pas, toujours « scotchées » aux alentours de 40 ha de vignes. « Si la pompe avait été amorcée, avec quelques ha supplémentaires tous les ans, le négociant aurait pu y croire » explique François Xavier Labrousse, le jeune président de l’association. Ce dernier ne nourrit pas d’amertume à l’égard du CVBG et de son directeur Jean-Marie Chadronnier. Il en veut davantage aux viticulteurs de la région qui n’ont pas manifesté d’enthousiasme envers la diversification « alors que des projets pouvaient être porteurs ». « CVBG n’était pas là pour faire de la philosophie mais pour gagner de l’argent » explique-t-il. « Il ne voulait pas risquer d’investir dans un vendangeoir alors qu’il y avait trop peu de volumes et que les Charentais n’étaient pas autrement motivés pour la diversification. A terme, le modèle économique reposait sur 100 à 150 ha de collecte. » La récolte 2002 s’est déroulée comme prévu – vendanges à la main, expédiées en cagettes par camion frigo à Bordeaux – mais manifestement ces conditions acrobatiques ne pouvaient perdurer dans le temps. C’est pourquoi CVBG n’assurera pas les vendanges 2003, même si un contrat sur 10 ans le liait aux viticulteurs. « Mais cela ne servait pas à grand-chose d’exiger le respect du contrat alors qu’il n’y avait pas les ha en face », commente F.X. Labrousse. Bien que chaque viticulteur soit libre de son choix, l’association a pris contact avec plusieurs structures régionales : Saint-Sornin, Siecq, deux négociants, Loïc Durand d’Angeac-Champagne et Bernard Lasalle de Brie-sous-Archiac, les Coteaux de l’Angoumois, l’ACV. A chaque fois elle a été reçu les bras ouverts, toutes les structures étant potentiellement intéressées par des plantations de qualité. Le gros des adhérents a finalement choisi de livrer à la coopérative des Hauts de Gironde, à Marcillac, dans le 33, « comme quoi nous ne sommes pas échaudés par les Bordelais », blague F.X. Labrousse. « La cave, explique-t-il, est habitué à s’approvisionner en raisins sur de longues distances, avec des caissons étanches et la rémunération est à peu près identique à CVBG, soit 36 F le °hl en Sauvignon et 44 F en Chardonnay, net au viticulteur, transport à la charge de la coopérative, avec tout de même possibilité de réfaction de prix jusqu’à 20 % en cas de botrytis. » Pourquoi n’avoir pas pris le parti de jouer le jeu régional ? « La question ne s’est pas posée en ces termes répond le président du club Phénix. Ou l’on adhère à une coopérative et l’on se sent impliqués jusqu’au bout ou l’on ne s’en sent pas capable, préférant produire des raisins de bonne qualité et s’en arrêter là. Par ailleurs, avec CVBG, nous avons planté à 5 000 pieds/ha, ce qui génère des coûts largement supérieurs à 4 000 pieds/ha. Entre une rémunération de 25 000 ou 30 000 F/ha, parfois la marge se situe là. Il y a des limites à jouer le jeu régional et à ne pas gagner d’argent. L’effort, nous l’avons déjà fait en nous diversifiant. »

(1) Communauté de communes de Grande Champagne : Ambleville, Angeac-Champagne, Criteuil-la-Magdeleine, Gensac-la-Pallue, Genté, Juillac-le-Coq, Lignières-Sonneville, Saint-For-sur-le-Né, Saint-Preuil, Salles-d’Angles, Segonzac, Verrières.

Cave du Liboreau

Départ de Michel Not

Michel Not vient de quitter la cave du Liboreau. Arrivé il y a un peu plus de deux ans et demi à Siecq, cet homme du Sud – il est originaire des Corbières – a fait toute sa carrière dans le monde de la coopération viti-vinicole, d’abord dans sa région d’origine puis en Champagne où il travaillait dans un très gros groupe coopératif, spécialisé dans la fourniture d’appro. C’est le tandem Jean-Yves Marilleau/Michel Not, associé au tandem Henri Jammet/François Bonnin qui s’est occupé de mettre en place l’union commerciale entre les deux caves. Au Liboreau, cet accord s’est notamment traduit par la montée en puissance des produits embouteillés. Pour autant, les marges ont-elles toujours été au rendez-vous ? En tout cas, Michel Not, âgé de 56 ans, a fait l‘objet d’un licenciement économique. Henk Alferink l’a remplacé en tant que responsable commercial de la cave. Comme la qualification de son poste le laisse entendre, H. Alferink a clairement été recruté sur sa fibre commerciale. Ce cadre de 37 ans vient de la société cognaçaise CCG (Cie commerciale de Guyenne) où, depuis 13 ans, il animait une zone export. D’origine hollandaise, marié et père de trois enfants, Henk Alfering parle l’anglais et l’allemand en plus de sa langue natale et du français. Dépourvu de toute culture coopérative, le cadre commercial ne s’occupera pas, au moins dans un premier temps, des relations avec les adhérents, cet aspect étant directement assumé par le conseil d’administration. Pour l’heure, le nouvel arrivant s’imprègne des relations commerciales en cours, sachant qu’une marge de manœuvre existe pour développer les ventes.

 

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