Distiller au bois : histoire de ne Pas « perdre la main »

15 mars 2009

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Une bûche de chêne incandescente.

Quelles sont les raisons qui peuvent pousser un bouilleur de cru à se remettre à distiller au bois pendant 2 semaines chaque hiver alors qu’il possède une chaudière au gaz parfaitement équipée ? Cette question, nous l’avons posée à Michel Drouet, un bouilleur de cru chevronné implanté à Coulonges en Charente-Maritime. Son témoignage exprime la passion qu’il déploie pour distiller la production de sa propriété.

 

 

 

Michel Drouet ne distille pas la production de sa propriété d’une douzaine d’hectares, il vit passionnément la conduite des chauffes pendant plus de deux mois chaque hiver. La période de distillation est pour lui la phase essentielle de son métier et mettre le feu sous la chaudière est un réel plaisir. Depuis son enfance, il a vu son père et son grand-père passer tous leurs hivers au pied de l’alambic et dès son plus jeune âge, son « nez » s’est passionné pour les eaux-de-vie. La chaudière a toujours occupé une place très importante dans la vie de cette propriété et de cette famille. Une anecdote atteste de cet attachement profond de ce viticulteur avec la distillation : « Dès l’âge de 6-7 ans, la grand-mère de M. Drouet lui a confectionné un grand tablier pour s’occuper du feu dans la distillerie (avec son arrière-grand-père) quand son père ou grand-père étaient partis travailler dans les vignes. » Aussi, la question toute simple : « Depuis quand distillez-vous ? » tombe à plat. La réponse n’est pas surprenante : « Depuis toujours ».

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Michel Drouet et son épouse devant le foyer de la « 10 ».

Savoir s’entourer de conseils pour bien « caler » la chaudière

Aujourd’hui, la propriété de Michel Drouet à Coulonges est équipée de deux chaudières, une 25 hl et la petite 10 hl historique. Ce bouilleur de cru essaie de mobiliser tous les moyens techniques à la vigne et durant les vinifications pour obtenir des raisins et des vins de la meilleure qualité possible, et ensuite il attend avec impatience les premiers coulages pour savoir si le travail de l’année va se concrétiser par de « beaux arômes ». M. Drouet ne conçoit pas la distillation comme une période où le viticulteur s’isole dans sa distillerie pour conduire ses chauffes à sa manière. Au contraire, c’est une période de recherche permanente de repère et d’échanges d’informations pour sortir le meilleur : « En distillation, j’ai beaucoup appris en écoutant les conseils des autres et un bouilleur de cru ne doit pas hésiter à s’entourer de compétences extérieures pour caler ses chauffes tout au long de la saison. Nous avons la chance de pouvoir faire déguster nos eaux-de-vie nouvelles dans les maisons de négoce par des équipes qui voient beaucoup d’échantillons. Ces personnes perçoivent les effets millésimes et ont souvent beaucoup d’antériorité. Leurs conseils sont précieux pour nous qui avons trop souvent tendance à travailler de façon personnelle. Chaque hiver, la distillation est un nouveau challenge et il est très rare que les bases de conduite des chauffes de la campagne précédente donnent les meilleurs résultats. »

Un hiver sans distillation au bois ne serait pas une bonne année de distillation

M. Drouet a pris conscience depuis très longtemps de l’importance qu’il faut porter à la conduite des coulages. Il a commencé sa carrière de distillateur au début des années 60 au pied d’une chaudière de 10 hl au bois et au charbon. C’était un travail dur et complexe car « faire du feu » ou plutôt « faire le bon feu au bon moment » cela ne s’apprend pas en dix jours de formation. Dès son enfance, M. Drouet a observé le travail de son père et de son grand-père dans la distillerie, et petit à petit il a acquis une expérience de la conduite du feu. L’agrandissement de la propriété et des campagnes de distillation de plus en plus longues ne l’ont pas incité à passer au gaz. Distiller au bois était devenu pour lui facile et ce n’est qu’une avarie technique importante de la 10 hl qui l’a obligé à acheter, en 1990, une belle 25 hl au gaz bien équipée. Son expérience de 30 ans de distillation au bois et sa volonté de s’entourer de compétences extérieures ont fortement influencé l’implantation de la nouvelle distillerie. La nouvelle chaudière lui permet de conduire la distillation d’une manière beaucoup plus confortable et en déployant encore plus d’attention au suivi des coulages. 30 années d’expérience dans la gestion des coupes représentent un capital de connaissances qui facilitent les initiatives de recherches de qualité. Les eaux-de-vie de la 25 n’ont pas déçu M. Drouet mais au bout de deux à trois ans, passer un hiver sans faire de feu lui manquait. Aussi, chaque année, il rallume pendant au moins deux semaines la petite 10 hl au bois, histoire de ne pas perdre la main.

Distiller au bois : « Un retour aux Sources »

Pourquoi rallumez-vous tous les hivers votre petit alambic de 10 hl au bois ? La question gêne un peu au départ mais, finalement, ce bouilleur de cru discret livre quelques explications. Chaque hiver, il fait ses petits essais comparatifs entre les deux chaudières et, bien qu’il reste volontairement évasif sur le sujet, on sent dans ses propos que la 12 hl fait toujours aussi bon. M. Drouet estime que la conduite de deux coulages, l’un avec du bois et l’autre au gaz, obéit à des règles bien différentes : « Avec le bois, la conduite du feu pendant la bonne chauffe nécessite une surveillance permanente et je déguste beaucoup plus fréquemment chaque fraction de distillats. Il faut rester en permanence à l’écoute de sa chaudière dans les moments essentiels et aussi savoir anticiper les besoins énergétiques qui sont nécessaires à des coulages réguliers. Avec le gaz, la souplesse d’utilisation du combustible permet de mieux réguler les choses et les coulages se déroulent plus facilement. Dans certaines phases, la facilité à moduler l’intensité des flammes nous offre de nombreuses possibilités alors qu’au bois les limites liées au feu sont beaucoup plus présentes. C’est autre chose, et pour moi, entretenir un feu de bois ne me pose aucun problème car je fais cela depuis l’âge de 13-14 ans. » M. Drouet distille pendant plus de deux mois avec la chaudière au gaz et rallumer la petite période au bois deux semaines est en quelque sorte un retour aux sources. C’est aussi pour lui l’occasion de transmettre un savoir-faire. Lors des dernières journées portes ouvertes des bouilleurs de cru, l’intérêt suscité par sa 10 au bois l’a surpris. La petite distillerie de Coulonges n’a pas désempli et le distillateur avait perdu la voix après deux jours d’explications intenses. Michel Drouet a la volonté de faire partager sa passion de la distillation et il participe à de nombreuses manifestations touchant le grand public

 

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