Nicolas Pouillaude – « Je sais que pas mal d’acteurs régionaux voient dans le bio-gaz produit à partir de la méthanisation des vinasses une sorte d’alternative idéale au gaz fossile. On garde la flamme nue sous l’alambic et les déchets de la distillation servent à faire tourner la chaudière. Le cercle vertueux de l’autonomie énergétique ! Certains se rêvent même en “mini-Revico”, avec un méthaniseur chez soi, dans la cour de ferme. Malheureusement, tout ceci reste un peu

théorique. Sur le gisement de bio-gaz lui-même, il faut savoir que toutes les vinasses de la région ne procureraient qu’une fraction de l’énergie nécessaire à la distillation – entre 15 et 20 % – et en aucun cas 100 %. Par ailleurs, la qualité du bio-gaz n’est pas constante dans le temps. Selon les souches de bactéries et la compétition s’exerçant entre elles, le pouvoir méthanogène – le rapport entre le méthane CH4 et le carbone CO2 – va osciller entre 55 et 75 %. Or la distillation charentaise a besoin de stabilité. Certes on peut toujours imaginer épurer le bio-gaz mais ces traitements sont coûteux. Faut-il mettre en place des “usines à gaz” quand on sait qu’elles ne seront pas rentables ? Avec toute la modération qu’il faut mettre dans ces propos, je ne vois d’autre alternative à l’énergie fossile gaz que la production de vapeur. C’est le bon sens qui me fait tenir ce raisonnement. A mon avis, c’est le seul moyen de réduire l’empreinte carbone de la région et d’acquérir une autonomie énergétique. Mais cela supposerait bien sûr de revoir le décret INAO qui fait du chauffage à feu nu le seul mode de fonctionnement autorisé de la cucurbite charentaise. Il faudrait aussi que la profession s’équipe, bouilleurs de cru comme distillateurs de profession. Sinon la vapeur présente bien des avantages. En se comportant comme une cocotte-minute, le générateur de vapeur offre une grande souplesse d’utilisation. On peut monter, baisser la température. C’est tout de même un outil connu depuis le début de la révolution industrielle.
Par ailleurs, tout le gisement de la biomasse – vinasse mais aussi déchets végétaux, rafles de maïs, paille, sarments de vignes… – peut être mobilisé pour alimenter le générateur de vapeur, avec des taux de déperdition énergétique tout à fait acceptables, de l’ordre de 10 à 15 %. D’un point de vue industriel, environnemental, la vapeur fait sens. Mais sans doute la région a-t-elle encore une bonne cinquantaine d’années pour en discuter. Pour ma part, je suis convaincu qu’il s’agit d’une voie qui mérite d’être explorée, au moins à moyen-long terme. »
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